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Il faut vraiment arrêter de penser qu’on ne travaille pas pour l’argent
Dans un monde idéal, on aspire tous et toutes à faire l’emploi de nos rêves. Ce job qui nous fait dire à la fin de la journée : « J’ai tellement eu de plaisir que je n’ai pas eu le sentiment de travailler. » Ce job, je le souhaite à tout le monde.
Sauf qu’au-delà d’être une manière de nous accomplir, de sentir que l’on sert à quelque chose, avoir un emploi sert surtout à obtenir de l’argent. Autant dire qu’arriver à trouver un emploi à la fois cool et payant, c’est le jackpot.
Mais qu’arrive-t-il quand l’emploi que nous occupons nous apporte le plaisir, mais pas la paie qui vient avec ? Est-ce qu’on devrait arrêter de dire qu’on travaille par passion, et non pour l’argent ? Réponse courte: oui, car ça nuit à notre salaire et à nos collègues.
Le temps, c’est de l’argent
Jadis, alors que j’étais un jeune diplômé de l’École de l’humour à Montréal, il m’arrivait à l’occasion de brainstormer avec un humoriste pour certains de ses numéros. À l’époque, les deux étant relativement paumés, nous avions convenu qu’il me paierait 30 $ par brainstorm, un montant qui se voulait plus symbolique qu’autre chose. Mais quand même, entre ça ou 0 $, je prends le symbole.
Ce qu’un employeur vous achète en échange d’un salaire, c’est le privilège d’utiliser vos précieuses minutes de vie pour faire avancer son projet.
Bref, un jour, alors qu’on brainstormait, j’étais dans une véritable panne d’idée. Malgré le fait que j’essayais de l’aider, je n’arrivais à rien de productif. Si bien qu’à la fin de notre rencontre, j’ai refusé le 30 $ qu’il m’offrait, parce que je me sentais mal de ne pas avoir été efficace.
C’est alors qu’il m’a dit : « Hugo, je te paie pas pour ton efficacité ou tes résultats… je te paie pour ton temps. »
Cette journée-là, j’ai compris la véritable valeur d’un salaire.
La vérité, c’est que nous n’avons qu’un nombre d’heures limitées sur cette Terre. Et ce qu’un employeur vous achète en échange d’un salaire, c’est le privilège d’utiliser vos précieuses minutes de vie pour faire avancer son projet. Voilà. That’s it. Rien de plus que ça.
Ce que l’on vend, ce sont nos heures de vie. Et tant mieux si on peut les offrir à un projet qui nous fait du bien. Mais n’oubliez jamais qu’au final, vous ne retrouverez jamais ces précieuses heures, et ça… ça se paie.
Payer son loyer avec des idées
En relisant mon paragraphe plus haut, je suis conscient que cette vision mercantile de la vie est plutôt cynique. La vérité, c’est que j’aimerais bien ne pas avoir à visualiser mon temps comme quelque chose qui s’achète. Le fait de marchander nos heures de vie, c’est terriblement démoralisant.
C’est bien triste à dire, mais je n’ai pas le choix d’offrir mes services d’auteur en échange d’argent.
Mais cette vision de l’argent ne vient pas de moi… mais DU CAPITALISME. (Eh oui, encore une fois, ce bon vieux capitalisme vient chier sur notre perron.)
C’est bien triste à dire, mais je n’ai pas le choix d’offrir mes services d’auteur en échange d’argent. Tout simplement parce que l’argent est la seule monnaie acceptée pour s’acheter quoi que ce soit.
L’époque où l’on pouvait payer quelqu’un en lui offrant un service en retour est révolue depuis bien longtemps. Si je pouvais dire à mon proprio « J’ai pas d’argent ce mois-ci, mais si tu veux, je peux t’écrire un article », et qu’il me dise « Marché conclu », ce serait autre chose.
À ce moment-là, je pourrai dire pour de vrai que je ne travaille pas pour l’argent. Entre-temps, je dois me contenter de vendre mon temps, en échange de quelques dollars qui me permettront de garder un toit sur ma tête.
C’est vrai que l’argent n’achète pas le bonheur, sauf que…
Dans un monde où l’argent est (souvent) la seule monnaie valable pour l’achat de tout service, il n’y a donc rien de mal à dire qu’on travaille pour l’argent. Qu’on s’entende, l’argent n’est pas la SEULE raison pour laquelle on travaille, mais ça ne veut pas dire que ce n’est pas important.
D’ailleurs, de nombreux employeurs tenteront de vous faire sentir mal ou cheap d’amener la question de l’argent sur la table. Alors que tout autour de nous coûte du fric, soudainement, on ne veut plus en parler une fois arrivé.e au boulot.
C’est notre devoir de rappeler à nos employeurs que la passion pour notre métier n’enlève rien à la valeur du temps qu’on lui accorde.
Eh ben moi, je dis : bullshit. Parlons-en. Parlons-en entre collègues, même. C’est notre devoir de rappeler à nos employeurs que la passion pour notre métier n’enlève rien à la valeur du temps qu’on lui accorde. Autrement dit, le fait d’aimer son job ne veut pas dire qu’on doit le faire gratis. Le salaire d’abord, la passion ensuite.
Sinon, la plupart des domaines qui sont considérés comme une « vocation » (l’enseignement, la santé, les milieux communautaires et culturels, etc.) continueront d’en souffrir. On continuera de jouer la carte de la passion pour dévaluer la valeur (et le salaire) de ces métiers.
En gros, cessons de croire que de travailler pour l’argent fait de nous des gens cheap. Ça fait plutôt de nous des gens qui connaissent leur valeur, et qui en ont assez d’être dévalués par ceux et celles qui essaient de sauver des sous sur notre dos. Des gens qui évoluent dans un système économique qui n’accorde de valeur qu’à l’argent, et donc, qui sont contraints de l’exiger en échange de leur service.
Une fois qu’on n’aura plus à se battre pour rappeler aux gens ce qu’on vaut, ou bien que ce système économique aura complètement changé, alors peut-être qu’enfin, nous pourrons nous concentrer sur ce qu’on fait de mieux : notre job.
D’ici là, je m’en vais faire ma facture pour cet article.