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Il faut savoir dire non aux promotions
Saviez-vous qu’en 2021, une étude Indeed révélait que 20% des cadres en France ne veulent pas ou plus gérer d’équipe.
Pourtant, quand t’as un post à responsabilité, il me semblait que tu devais être la personne la plus prestigieuse et respectée du bureau vu que t’es au top de la chaîne alimentaire.
Eh bien, non.
Conditions de travail difficiles, horaires plus atypiques, détresse psychologique, manque d’attractivité : les raisons expliquant cette pénurie de cadres étaient multiples, détaillait Marie-Ève Dufour, professeure agrégée au Département de management de l’Université Laval.
Heureusement pour vous, j’ai parlé à des personnes qui se sont dit un jour : « stop, ça me tente pas de gravir les échelons à mon taf ».
Spoiler : cette décision est motivée par d’autres facteurs que ceux mentionnés par l’experte.
« Je ne veux pas être considérée comme un maillon faible »
Âgée de 24 ans, Sarah Hernandez travaille depuis un an comme chargée de projets dans une agence de publicité. Ce n’est pourtant pas ce domaine qu’elle avait choisi lors de ses études. « J’ai fait une technique en post-prod puis après, j’ai fait un stage en effets spéciaux. Je n’ai pas tant kiffé. Il y a eu la pandémie et j’ai travaillé dans un supermarché et dans une boulangerie pendant ce temps-là. […] J’avais un plan puis ça n’a pas marché », me raconte-t-elle.
Dès le début de l’entrevue, la jeune femme qui a grandi dans une grande ville me lance d’emblée qu’elle ne se considère pas comme quelqu’un de carriériste. « Jamais je ne vais dire non à des trucs dans la vie à cause de mon travail. Je comprends qu’il faille que je travaille pour gagner ma vie. Mais si ça ne dépendait que de moi, je ne travaillerais pas », s’empresse-t-elle de préciser.
« Je ne cherche pas à être la big boss »
À son emploi actuel, il y a possibilité d’avancement. Mais si on lui offrait une promotion, l’accepterait-elle ? « C’est sûr que je ne tiens pas à être en bas de l’échelle, mais je ne cherche pas à être the best. J’aime être dans un milieu agréable. […] En ce moment, je suis la moins bien payée de l’agence. Je vais juste viser à monter pour avoir un salaire qui me permettra de mieux vivre ma vie. Dès que je suis confortable là-dedans, moi, je suis OK d’en rester là. Je ne cherche pas à être la big boss », explique Sarah.
« Ça fait un an que je suis là, je suis beaucoup plus à l’aise qu’en commençant. Je ne suis pas du genre à m’ennuyer. Il y a des gens qui ont tendance à trouver de nouveaux défis. Moi, je suis quand même satisfaite en ce moment, je me sens en confiance. J’ai juste envie de continuer à pratiquer et ne pas être considérée comme un maillon faible de l’équipe. J’aime mon travail quand ça ne devient pas une source de stress », ajoute-t-elle.
« Ce n’est pas le titre que je cherche, mais ce qui m’avantage »
Tout comme Sarah, Christie Toussaint-Exantus, 24 ans, accepterait avec plaisir un upgrade de son poste, tant et aussi longtemps qu’une augmentation de salaire suit dans le but d’améliorer son train de vie. « Si je pouvais gagner plus d’argent, je ne serais pas celle qui va dire non. Ce n’est pas une question de gravir les échelons. Si on me dit que je vais avoir de nouvelles responsabilités et que je gagne le même salaire, je vais dire non. Ce n’est pas le titre que je cherche, mais ce qui m’avantage », indique-t-elle.
En général, l’étudiante en droit ne trouve pas gratifiant de travailler pour quelqu’un d’autre. « Je trouve que le système est mal fait pour les salarié.e.s. On est pris dans une société d’esclavagiste. Tu gagnes très très peu pendant que la personne en haut fait au moins le double que toi. On est dans une ère où les gens prennent de plus en plus conscience de leur valeur », estime celle qui rêverait d’être sa propre patronne un jour.
Se sentant surtout contrainte et brimée dans sa propre individualité au travail, Christie ne voit pas l’intérêt de gravir les échelons comme salariée.
« Le travail ce n’est pas ce qui me définit »
« On va promouvoir la perfection à un tel point, quand tu entres dans un milieu professionnel. Tu n’as pas le droit d’avoir tes opinions personnelles, tu dois entrer dans la norme, tu as un code vestimentaire, tu dois t’adresser aux autres d’une certaine façon. Personnellement, je me sens comme un robot. Et le droit, c’est la pire chose pour ça », croit-elle.
« Le travail ce n’est pas ce qui me définit, tout simplement. Je ne suis pas le genre de personne qui va m’attacher à mon emploi. Ce n’est pas ça qui me donne de la valeur ni qui me donne ce sentiment d’accomplissement. Tout ce que je veux, c’est mon argent. Mon travail, ce n’est pas ma vie ni ma personnalité. […] Tu sais, sur ma bio Instagram, tu ne vas pas voir que je suis étudiante en droit », termine-t-elle après avoir réalisé qu’elle préférait travailler pour elle-même.
« Ça ne m’intéresse pas de gérer une équipe »
Au début de son parcours professionnel, Guillaume Leclerc, 31 ans, était prêt à se dévouer corps et âme pour sa carrière. « À ce moment-là, je n’avais ni de conjointe ni d’engagements, donc je me suis dit que j’allais foncer, que j’allais avoir une grande carrière. […] Quand il y avait seulement moi, faire 90 heures par semaine, ça ne me dérangeait pas. Ça ne me dérangeait pas de faire ces sacrifices-là », témoigne le chargé de projets.
Ayant grandi avec un père entrepreneur, Guillaume s’était même dit, lorsqu’il était plus jeune, qu’il pourrait peut-être un jour lui-même créer sa propre entreprise et devenir son propre boss.
Mais c’est en oeuvrant comme responsable durant cinq ans dans une autre compagnie où la charge de travail variait grandement selon certaines périodes et en voyant surtout certains de ses amis « se faire drainer » et tomber en burn-out à cause de leur emploi que Guillaume a amorcé une réflexion sur l’équilibre entre sa vie personnelle et professionnelle. « Depuis la grossesse de ma conjointe, c’est venu renforcer ça. […] Puis avec mon ancien emploi, j’ai réalisé qu’il y avait d’autres façons de faire.
Me défoncer dans l’ouvrage durant certaines périodes, je ne vois pas le problème.
C’est en permanence que je ne vois pas la raison de le faire », décrit ce jeune papa d’un garçon de presque deux ans qui souhaite profiter le plus possible de sa vie familiale.
Et son désir de jeunesse de devenir patron ? Avec l’expérience, il me raconte que ce n’est pas son but ultime « à court ou à moyen terme », mais il demeure tout de même ouvert à toute opportunité qu’il jugerait intéressante.
« Quand tu montes dans une entreprise, souvent, ça vient avec la gestion d’une équipe. Ce côté-là ne m’interpelle pas. Ce n’est pas tant les responsabilités qui viennent quand tu gravis les échelons. En tant que chargé de projets, souvent, on va t’attribuer des plus grands projets quand tu progresses. Ça ne m’intéresse pas de gérer une équipe une grande partie de mon temps », souligne Guillaume Leclerc.