.jpg)
Qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, les IA font désormais partie intégrante de nos existences, au même titre que les réseaux sociaux, les tatouages de taulard au visage, et le come-back des UGG aux pieds des influenceurs. Leur développement exponentiel est plus rapide qu’une épidémie de chtouille, et commence à bousculer sérieusement notre quotidien et nos habitudes de travail.
Des scénaristes américains en grève, qui exigent l’encadrement du recours aux IA sous peine de ruiner la prochaine saison de vos shows favoris, aux doubleurs qui ont peur d’être progressivement remplacés par des robots en passant par les artistes qui se font désormais régulièrement marcher dessus par des algorithmes expressionnistes, personne – à part peut-être les carreleurs ou les charcutiers – ne semble épargné par la déferlante des chatbots. Alors avant que l’intelligence artificielle ne remporte un prix Pulitzer, et que mon boulot ne soit aussi piqué pour de bon par une machine islamogauchiste, jetons un œil à l’actualité des robots conversationnels.
COUP DE MAÎTRE
Aux Etats-Unis, un avocat New-Yorkais a cru s’économiser quelques laborieuses recherches en s’aidant de ChatGPT pour étoffer ses arguments juridiques à l’appui d’une plainte à l’encontre de la compagnie aérienne colombienne Avianca. Le problème ? Le chatbot a inventé de toutes pièces 6 autres affaires, dont le malheureux baveux s’est servi. Grop coup dur pour le juriste, qui a expliqué qu’il avait pourtant fait des recherches approfondies avant de les inclure dans sa plaidoirie.
En effet, il aurait insisté plusieurs fois auprès de l’IA pour qu’elle lui confirme l’existence des affaires citées, qui étaient en réalité toutes fictives. Une définition de “recherches approfondies”, dont on laissera à chacun apprécier la pertinence et une conscience professionnelle à faire pâlir d’envie Marlène Schiappa. Des sanctions sont envisagées, et on espère pour lui qu’il n’a pas prévu d’engager une IA pour sa propre défense…
UNE FLEMME SOUS INFLUENCE
Vous n’en avez peut-être pas conscience mais si vous utilisez régulièrement les IA pour rédiger des mails pros à votre place, vous êtes probablement sous emprise. Alors non, pas une emprise comme dans “mon mec toxique veut installer la géolocalisation sur mon téléphone pour me pister jusqu’aux chiottes”, mais votre discours n’en reste pas moins influencé par les biais de l’algorithme, qui est très loin d’être neutre. Ainsi, d’après une étude parue le 19 avril dernier et menée par des chercheurs de l’université Cornell aux États-Unis, lorsqu’on demande à des personnes de s’aider d’une IA pour rédiger un essai, la teneur du texte et le point de vue défendu varie selon que l’algorithme soit plutôt positif ou critique à l’égard du sujet.
Ce qui pose une question fondamentale : celle de la transparence du fonctionnement de ces outils, et des biais humains qu’ils sont programmés pour imiter. Plus préoccupant encore : les chatbots semblent être capables de modifier nos opinions à notre insu. En effet, un sondage à la fin de l’étude à permis de révéler que certains des participants avaient changé leur fusil d’épaule en cours de route sur le sujet traité. Alors la prochaine fois que vous aurez la flemme d’écrire une énième lettre de motivation pour un nouveau boulot, demandez vous si c’est l’IA ou vous qui postulez.
L’ART DE NE RIEN DIRE
Coup d’éclat au pays du pain de seigle : mercredi 31 mai, la Première ministre danoise Mette Frederiksen a surpris tout le monde en révélant avoir écrit une grande partie de son discours devant le Parlement à l’aide de ChatGPT. Elle aurait pris cette décision pour mettre en lumière les capacités infinies de ces robots conversationnels, mais aussi pour alerter l’opinion sur les dangers potentiels de ces IA. Et c’est vrai qu’avec des phrases d’une puissance d’évocation, d’une richesse, et d’une sagacité telles que «Nous avons pris des mesures pour lutter contre le changement climatique et assurer une société plus juste et plus inclusive où tous les citoyens ont des chances égales» ou encore «Nous avons travaillé dur pour coopérer entre les partis et assurer un avenir solide et durable au Danemark», l’algorithme a su imiter à la perfection l’indigence, la platitude et la vacuité des discours de nos représentants politiques actuels – a fortiori des soc-dem. Allez, plus que quelques efforts et mises à jour supplémentaires, et les algorithmes manieront également parfaitement la langue de bois !
SARAH CONNOR ?
Un message publié sur le Center for AI Safety et co-signé par 350 leaders et chercheurs de l’industrie des nouvelles technologies parmi lesquels les cadres de Google et d’OpenAI (Sam Altman et Demis Hassabis) et les pionniers dans le domaine de l’IA (notamment les détenteurs du prix Turing, Geoffrey Hinton et Yoshua Bengio), tire la sonnette d’alarme et appelle les instances politiques de tous les pays à considérer le développement de l’intelligence artificielle comme un risque majeur pesant sur l’humanité. Une menace d’extinction qu’il faudrait selon eux prendre très au sérieux, au même titre que les pandémies ou la possibilité d’une guerre nucléaire.
On se souviendra, non sans émotion, des déclarations de Stephen Hawking qui mettait déjà en garde il y a plusieurs années contre l’avènement de la singularité technologique, ce point de bascule où les robots s’auto-amélioreraient en permanence, et évolueraient à une vitesse telle qu’on resterait tous sur le carreau. Et on ne peut donc que s’interroger sur l’équilibre mental des types qui prophétisent la fin de l’être humain d’ici deux décennies, mais décident dans le même temps d’investir des milliards d’euros pour doper les capacités de leurs bébés robots. En psychologie sociale on appelle ça la dissonance cognitive. En français courant : se tirer une balle dans le pied.