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Humanitaire, solidarité internationale: le guide du volontariat à l’étranger

A destination des « white saviors »

Par
Owen Barrow
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Tu rêves de partir à l’autre bout du monde sauver la planète? C’est vrai que c’est tendance et ça fait bien sur le CV. En plus, tu peux ramener une chouette nouvelle photo de profil, tu sais, celle avec une horde d’enfants noirs dans tes bras! Ça, ça va buzzer à coup sur sur ton Insta. Yayyyy. Vive l’égo trip. Attention, jeune aventurier, ce que tu t’apprêtes à vivre peut rapidement virer au volontourisme.

Mais de quoi on parle déjà?

Un petit point vocabulaire s’impose.

Le volontourisme, c’est une sorte de produit commercial qui se situe entre le voyage et le bénévolat. Le terme a été créé pour dénoncer le business qui s’est développé autour des offres de « voyages humanitaires » clés en main proposés par certains organismes, qui coûtent finalement très chers et qui peuvent être assez néfastes pour les populations locales. Le SAIH rappelle qu’aujourd’hui, plus d’un million et demi de personnes font du volontariat chaque année pendant leurs vacances, et dépensent pour cela près de 1,7 milliard d’euros. Ce n’est donc pas rien.

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La plupart du temps, on ne parle finalement pas de projet humanitaire. L’humanitaire c’est de l’aide d’urgence, qui vise « à assurer l’assistance et la protection des personnes vulnérables et à répondre aux besoins fondamentaux des populations affectées par une catastrophe naturelle ou un conflit ». Souvent apportée par des professionnels de la santé (Médecins sans frontière par exemple). Bref. Il est fort probable que le projet que tu t’apprêtes à entreprendre se rapproche davantage d’un projet de solidarité internationale, ou d’aide au développement. Ce n’est pas la même chose!

Maintenant que l’on s’entend sur le vocabulaire, posons-nous les bonnes questions avant d’y aller pour de bon. Sur tes motivations, déjà, mais aussi et surtout sur l’impact que cela peut avoir sur place. Pas de recette miracle, juste quelques tips entre nous.

La question (assez sensible) de l’argent

Déjà, tu ne viens pas en « portefeuille » et tu n’es pas là uniquement pour débourser les fonds récoltés en France. Sinon autant envoyer l’argent directement… Et encore… Sur place, tu vas apporter plus que de simples ressources financières, en donnant de ta personne, de tes compétences et de ton savoir-faire. Tu vas aussi beaucoup recevoir! Les rencontres sur place, aussi bateau que cela puisse paraître, sont un échange ultra enrichissant des deux côtés. Je suis parti 2 années de suite au Vietnam en mission, et croyez moi, j’ai tellement appris, sûrement autant que les Vietnamiens rencontrés.

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Ensuite, et c’est une problématique majeure: il est absolument nécessaire de répondre à des besoins locaux et de ne pas remplir les poches de ce qui s’apparente souvent à des agences de voyage. Une belle mission de solidarité internationale qui se respecte ne devrait pas te coûter d’argent (autre que les frais liés à la mission bien sûr: transport, logement, nourriture, vaccins, etc.) C’est là qu’on tombe en plein dans le volontourisme. Imaginons deux secondes tout l’argent offert à cet organisme/agence de voyage qui pourrait, à la place, être utilisé à bon escient et profiter aux populations locales. Mark Watson, directeur de l’organisme britannique Tourism Concern, évalue les marges de profit du volontourisme entre 30 et 40 %, alors qu’elles ne sont que de 2 à 3 % dans l’industrie du tourisme traditionnel. Les répercussions sont parfois néfastes. Au Cambodge par exemple, l’UNICEF estime que plus de 2/3 des enfants qui vivent dans les orphelinats ont encore au moins un parent en vie. Tu entretiens, sans le vouloir ni le savoir, un business assez sombre et un système qui éloigne les enfants de leurs familles tout en enrichissant des organismes à but lucratif.

Adaptation et ouverture d’esprit

Questionne-toi bien sur l’image que tu veux donner sur place: tu ne viens pas en « colonisateur », ce n’est donc pas à toi d’imposer tes propres méthodes ou ce qui te semble être le plus adapté. Tu vas devoir t’adapter aux enjeux locaux, à un mode de vie, une culture différente de la tienne, et tes solutions ne sont pas forcément celles préconisées par les locaux.

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Temps et compétences

Combien de temps partir sur place pour ne pas faire plus de mal que de bien? Question délicate. Partir trop peu de temps est effectivement un risque, souvent ignoré. Imagine le manque que tu peux créer après un cours passage en orphelinat. Les enfants, en pleine croissance et recherche de repères se sont vite habitués à ta présence. Réfléchis bien à la durée de ton action, à son utilité et à son impact.

Réfléchis aussi à ce que tu peux ou ne peux pas apporter en termes de compétences. Si tu projettes par exemple de partir dans un lycée togolais pour offrir des cours de soutien scolaire en mathématiques: maîtrises-tu les programmes scolaires locaux? Es-tu vraiment légitime à donner ces cours? Sans aucun diplôme spécialisé? Et peut-être en ayant arrêté les mathématiques depuis des années? N’y a-t-il pas quelqu’un sur place pouvant donner des cours plus efficacement? Plus régulièrement? Le plus pertinent est souvent de venir apporter tes compétences à toi, propres à tes expériences et à ton parcours!

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Impact local

On en arrive à la question du matériel. Attention à ne pas nuire à l’économie locale! Beaucoup trop de projets associatifs apportent du matériel venant de France. Imagine-toi transporter des cartons de cahiers, stylos dans un petit village burkinabé. Qu’en est-il du marchand de fournitures local? Qui ne va pas vendre de stylos pendant des mois peut-être et des années car tu auras apporté de quoi satisfaire les besoins des familles pendant tout ce temps… Il est crucial de ne pas mettre en danger les commerçants locaux, en achetant son matériel sur place.

Prends garde à bien penser sur le long terme et à la pérennité de ton projet. Si tu fais de l’animation, fais-en sorte que les jeux soient reproductibles après ton départ, donc que le matériel soit accessible sur place et que certains locaux connaissent les règles et la préparation du jeu. Il est important de ne pas créer, malgré toi un nouveau besoin.

Le choix d’un partenaire sur place

Pourquoi avoir un partenaire local? Car ils connaissent la réalité du pays. Ce n’est pas rien. Dans certains pays, construire un puits dans le centre du village sera une perte de temps et d’argent car les femmes tiennent à ce moment de la journée où elles se retrouvent entre elles pour aller chercher de l’eau, elles ne verront peut-être aucune utilité au puits en question. Une association locale connaît la culture du pays et pourra répondre à toutes tes questions lors de la préparation de ta mission mais aussi une fois sur place. Il est fortement conseillé de co-construire ton projet avec ton partenaire et de créer ensemble un consensus entre les besoins locaux et tes attentes et compétences.

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On en revient à la question de l’argent, mais il est aussi primordial d’échanger avec ce partenaire et d’aborder des questions de financement de l’action pour bien s’assurer que les principaux bénéficiaires de ta mission ne soient pas une entreprise à but lucratif! N’hésite pas à demander la signature d’un contrat. Sois aussi très vigilant.e sur les paiements: n’effectue pas de virements ou d’envoi de chèques en avance. Les cas d’associations qui empochent le chèque et ne viennent jamais t’accueillir à l’aéroport sont malheureusement fréquents. De plus, cela ne te permet pas de garder le contrôle sur les paiements et tu ne pourras donc pas t’assurer que la totalité de la somme allouée sera utilisée à bon escient.

Tout ça semble assez technique, mais il n’y a pas de recette tout faite finalement. C’est un bel exercice de débrouillardise et d’adaptabilité. En espérant que cela t’aide à construire un beau projet et à te poser les bonnes questions. Quelles sont tes motivations profondes? Quelle image veux-tu donner? Es-tu conscient de ton impact…? Une mission à l’étranger ça se prépare en amont. C’est beaucoup de temps et d’investissement, bien plus que pour un simple voyage! N’hésite pas à demander conseils, à te faire accompagner. Et lorsque tu es fin prêt, on te souhaite une excellente mission. Ouvre ton esprit, échange, écoute, partage, rencontre… Tu ne le regretteras pas, c’est certain.

Merci à Hao pour son accueil si chaleureux et sa sagesse exemplaire.

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Merci à toute ma petite équipe d’aventuriers pour ces délicieux moments vietnamiens.

Un immense merci à toi, Margot, pour tes précieux conseils et ton aide dans la rédaction de ce petit guide.