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Harry Bosch : héros du peuple
La marque d’une bonne série télévisée, c’est de savoir quand et comment tirer sa révérence. Parce que la saison de trop vient toujours ternir le souvenir d’une expérience émotionnelle transformatrice. Prenez Dexter ou même Lost comme exemples. On se souvient autant de leur interminable agonie que des bons moments. Après sept saisons et une minisérie spéciale de 10 épisodes plus ou moins convaincante, l’épique bataille de Dexter Morgan contre le Trinity Killer était rendue pas mal loin, dirons-nous.
J’ai été un fan assidu de la série Bosch pendant son entière existence, mais disons que la cocréation de Michael Connelly et Eric Overmyer a fait trainer les choses autant que possible. La septième et dernière saison n’était pas mauvaise à proprement parler, mais les personnages commençaient sérieusement à tourner en rond et à recycler de vieux conflits. J’ai donc levé un sourcil à l’annonce de Bosch: Legacy, une toute nouvelle série mettant en vedette les mêmes personnages, à peine un an après la conclusion de sa prédécesseure.
La nouvelle série mettant en vedette l’inspecteur dans son nouveau job de détective privé a remisé mes doutes sur la pérennité de sa deuxième vie. C’est vraiment excellent, mais pas seulement pour les raisons habituelles. C’est une série qui repense ses propres clichés et stéréotypes.
Sauver le monde et payer les factures
L’idée derrière Bosch: Legacy était de continuer les aventures de l’enquêteur qui n’a ni peur ni reproches sans l’assujettir à un système légal corrompu et contraignant. À la fin de la dernière saison de Bosch, on le voit remettre sa plaque au chef de police (le très malencontreusement nommé Irvin Irving) et démissionné comme on a tous et toutes rêvé de le faire un jour. Bref, vous l’aurez compris, la transition vers l’univers de Bosch: Legacy semblait se préparer depuis longtemps.
Ce qui rend la série géniale, c’est l’adaptation plus difficile que prévu de Harry Bosch dans son nouvel emploi. Maintenant qu’il ne reçoit plus un chèque de paie toutes les deux semaines pour faire respecter la loi et l’ordre, il doit prendre les contrats qui passent afin de pouvoir continuer à payer les factures. Son sens de la justice et sa survie sont en conflit direct.
Ce conflit est illustré de manière plutôt littérale lorsqu’il est évincé de sa fameuse maison sur les collines d’Hollywood après qu’un tremblement de terre en a fait craquer les fondations. Bosch est vulnérabilisé et forcé à faire des accrocs à son éthique professionnelle pour payer les factures qui s’empilent.
Bosch va même jusqu’à prendre des contrats pour sa vieille rivale, l’avocate de la défense Honey Chandler, qui souhaite mettre ses talents d’enquêteur au service de sa clientèle.
Le nouveau job d’Harry Bosch lui donne certaines libertés qu’il n’avait pas en tant que policier, mais elle demande aussi de nombreux sacrifices
Bosch: Legacy n’a pas d’histoire à proprement parler. Il n’y a pas de fil conducteur principal qui lie les dix épisodes comme c’était le cas pour l’ancienne série. On assiste plutôt à une série d’enquêtes qui se résolvent graduellement. Certaines prennent plus de place que d’autres, mais Michael Connelly et Eric Overmyer jonglent habilement entre les fils narratifs pour garder la nouvelle réalité du personnage au coeur du propos : la nouvelle job d’Harry Bosch lui donne certaines libertés qu’il n’avait pas en tant que policier, mais elle demande aussi de nombreux sacrifices éthiques.
Une des forces de Bosch a toujours été de mettre de l’avant du « vrai monde » et Bosch: Legacy est à la hauteur de cet héritage, en présentant un enquêteur en fin de carrière qui prend un énorme risque financier alors que le monde change autour de lui. Malgré les origines romanesques d’Harry Bosch (orphelin, vétéran de la guerre en Afghanistan, etc.), c’est difficile de ne pas s’identifier au personnage et aux défis auxquels il fait face.
La renaissance de Maddie Bosch
Un autre choix audacieux de Bosch: Legacy, c’est de faire de la fille de Harry Bosch Maddie l’un des personnages principaux. Nouvelle recrue des forces de l’ordre, ses choix confrontent son père au temps qui passe et aux problèmes qu’il a voulu fuir en devenant détective privé.
Maddie a elle-même ses propres enquêtes à résoudre et, comme son paternel lors des saisons précédentes, doit constamment concilier son éthique personnelle avec la rigidité d’un système légal auquel elle doit se plier. Cette renaissance du personnage garde les thèmes qui ont initialement fait de Bosch un succès au cœur de la série et offre une nouvelle dynamique à sa relation avec son père : celle de l’homme vieillissant qui doit graduellement accepter de laisser sa fille s’occuper de lui.
Bosch: Legacy est tout sauf une suite opportuniste et mercantile. C’est un exercice de modernisation ambitieux et peut-être même la meilleure saison depuis le début du projet.
Les fidèles de Bosch vous le diront : sa relation avec Maddie est l’un des détails qui rendent la série unique et Bosch: Legacy est encore une fois à la hauteur. Maintenant qu’ils sont tous deux représentants de la loi à leur manière, Maddie et Harry discutent plus que jamais d’égal à égal et ce dernier apprend graduellement à mentorer sa fille sans exercer de contrôle paternel. Titus Welliver incarne parfaitement ce conflit intérieur pendant les scènes de discussions avec Maddie à l’aide de regards mélancoliques et de silences méticuleux qui donnent des frissons.
Bosch: Legacy est tout sauf une suite opportuniste et mercantile. C’est un exercice de modernisation ambitieux et peut-être même la meilleure saison depuis le début du projet. Ce qui était à la base une série policière des plus classiques traite maintenant de problèmes contemporains comme le conflit entre l’éthique et la survie et la paternité non toxique. La série est disponible depuis début juin sur Amazon Prime Video et je ne peux qu’en dire du bien !