.jpg)
Grand guide de Noël pour offrir un vinyle de dernière minute
Pour les disquaires de ce monde, le mois de décembre est synonyme d’une hausse de l’achalandage et, par conséquent, d’une multiplication des demandes improbables. « Mon mec vient de s’acheter une platine. Qu’est-ce que je fais pour ne pas le perdre? » ou « Ma nièce a 14 ans et elle me déteste, je sais pas ce qu’elle écoute, penses-tu que tu peux m’aider ? ».
Pour l’avoir vécu plusieurs fois, les requêtes du temps des Fêtes sont souvent imprécises et pleines de points d’interrogation. « Quel genre de musique aime-t-elle ? » est habituellement répondu par un regard déconcerté et une langue qui n’existe pas.
Pour secourir une clientèle rongée par l’angoisse et l’urgence, les intouchables sont là comme une bouée de secours. Ces rares albums qui transcendent leur réputation, qui existent tout simplement en dehors du temps et de la critique, unifiant les générations dans une grande communion.
Que ce soit pour un beau-frère taciturne, une meilleure amie ou un échange de cadeaux entre inconnu.e.s, impossible de se tromper, ces titres peuvent sauver des familles au bord du gouffre.
Établir une liste est certes un exercice subjectif et restreignant, mais sachez que celle-ci a été conçue, d’une part pour ses qualités musicales, mais surtout en fonction de sa disponibilité sur les rayons. Ne se trouvent ci-bas que des records que tout bon disquaire tient en stock en réédition neuve et scellée.
J’ai simplement essayé, ici, de donner un coup de main aux mal pris.es.
.jpg)
13th Floor Elevators – The 13th Floor Elevators (1966)
Texas, années 60, LSD et grosse taffe de vilaine herbe. L’un des premiers albums de rock psychédélique. Du garage distillé dans sa forme la plus absolue, lumineux et désespéré, avec, en prime, l’étrangeté de la cruche électrique.
Alain Goraguer – La Planète sauvage (1973)
Le pote de Gainsbourg s’éclate sur la bande sonore d’un film d’animation de science-fiction. Une trame jazzée à l’ambiance inquiétante avec des notes de porno vintage. Simplement cultissime.
Alice Coltrane – Journey in Satchidananda (1970)
Proposition orientaliste de la grande harpiste afro-américaine. Un jazz éthéré aussi sensible que méditatif aux profondes émanations d’encens. Pour les saltimbanques en sarouel ou les vieux nostalgiques de faire du stop sur le hash.
.jpg)
Aphex Twin – Selected Ambient Works 85-92 (1992)
Très rares sont les artistes issu.e.s de la scène électronique ayant réussi à convaincre autant le grand public que les tréfonds de l’underground. Le génie imprévisible de Aphex Twin envoûte sur cette collection initiatique.
Bad Brains – Bad Brains (1982)
Quatre jazzmen rastafarian de DC veulent choquer les riches en jouant de leurs instruments le plus vite possible. Un album aussi incendiaire que nécessaire pour s’éduquer sur les balbutiements du hardcore américain. On salue leur capacité à changer de rythme entre reggae lent et explosions de fureur. Headbang dès les premières notes.
Bérurier Noir – Concerto pour les détraqués (1985)
Magnum opus de la formation keupone parisienne. Vitriolique dans sa proposition, sombre et agonisante de liberté. D’une qualité lyrique si enivrante que l’on se surprend à préparer des cocktails Molotov avant la fin de la face A. Échangez l’iPad des mains de votre plus jeune pour ce long jeu.
.jpg)
Big L – Lifestylez ov da Poor & Dangerous (1995)
J’aurais pu l’échanger avec 36 Chambers de Wu-Tang, mais jetons les gants pour le grand rappeur de Harlem parti trop jeune. Sur une production hypercalorique, il crache un flow rond et sale, typique de la côte est sur les gouffres de la jungle urbaine avec des bruits de gun derrière. Tout est là.
Bob Marley and The Wailers – Catch a Fire (1973)
Premier opus du géant jamaïcain sur une étiquette internationale. Un roots reggae revendicateur aux sourcils plus pesants que sur ses albums suivants. Le poids de l’injustice est chanté par les Wailers encore unifiés sur une instrumentation minimaliste afin de faire ressortir les paroles passionnées. Essentiel pour le monde entier.
Brian Eno – Another Green World (1975)
Chef-d’œuvre universellement reconnu du virtuose anglais. Il peint ici un album rêveur aux accents expérimentaux sans jamais sombrer dans l’opacité. Est-ce de la art pop? Du glam rock? De l’ambient onirique? Peu importe, le plat semble plus délicieux à chaque écoute.
.jpg)
Can – Tago Mago (1971)
Loin d’être le disque le plus accessible de la liste, le chef d’œuvre volcanique du krautrock est exactement le genre d’album qui ouvre la porte à un monde nouveau. Parfait pour n’importe quel.le ado perdu.e. Il ou elle le sera un peu plus, mais au moins, avec de la lave dans les oreilles.
The Congos – Heart of the Congos (1977)
Pure bombe de roots reggae ensoleillé. Les pêcheurs reviennent sur le sable blanc, un battement de cœur lent. Enregistré au légendaire Black Ark Studios de Lee Scratch Perry avant que ce dernier ne le brûle dans sa folie. Absolument séduisant et impératif pour traverser l’hiver.
D’Angelo – Voodoo (2000)
Tour de force irrésistible du langoureux D’Angelo. Un album horny enregistré en pleine nuit où l’artiste R’n’B cherchait à endisquer l’ivresse. Une moiteur neo-soul indémodable et un groove idéal pour partager un bain à deux et plus.
.jpg)
Darkthrone – Transilvanian Hunger (1994)
Classique absolu du black métal scandinave. Le chanteur est une chauve-souris. Le mal existe, il est norvégien et a les cheveux longs. Taillé sur mesure pour une fête d’enfants.
Fleetwood Mac – Rumours (1977)
Du bonbon mélodique ombré par un étrange chagrin. Rumours est la confession romantique d’un band en plein désordre amoureux. Le groupe, composé de couples fracturés, aura néanmoins réussi le pari impossible de livrer un diamant de pop enfiévré.
J Dilla – Donuts (2006)
Dernière offrande de la légende du hip-hop de Détroit achevée sur son lit de mort. Trente et un morceaux instrumentaux nous enveloppent dans une expérience pleine de personnalité. Les échos de la Motown dans le sampling est évident, mais le plus évident, est que Dilla s’amuse sur son MPC une dernière fois.
.jpg)
Jean Leloup – Le Dôme (1996)
Si un seul album québécois détient dans ses sillons le potentiel d’unir les générations, c’est lui et lui seul.
John Coltrane – Love Supreme (1964)
Oeuvre majeure du XXe siècle soufflée par le demi-dieu du sax ténor. À consommer sans modération pour s’immiscer les tympans au free jazz. Enregistré en studio sur deux jours où Coltrane tente d’exorciser les démons de sa dépendance par une nouvelle spiritualité. Un voyage émotionnel, édifiant et quand même sérieux. Obligatoire pour éduquer les cousin.e.s tannant.e.s.
Kraftwerk – Computer World (1981)
Ovni électronique ouvrant la décennie qui a vu le genre exploser. Le groupe de robots-allemands érige avec sa prose futuriste les fondations de la techno. Un exploit prophétique qui n’a rien perdu de sa volupté digitale.
.jpg)
Leonard Cohen – Songs of Love and Hate (1971)
Extraction musicale d’un mois de novembre froid et sévère sur l’avenue du Parc. L’un des plus beaux disques du grand troubadour montréalais. Tout est dépouillé, à fleur de peau, à faire pleurer. Une guitare sèche survole des textes somptueux magnifiés par sa voix granuleuse. Apprendre l’anglais n’aura jamais été aussi triste.
Marvin Gaye – What’s Going On (1971)
Album à l’atmosphère suave de fondue et de robe de chambre en satin, mais ses paroles livrent un manifeste engagé contre les fléaux que sont la drogue, la pauvreté, la crise écologique et la guerre. Comme quoi rien n’a changé depuis 50 ans. Un album politique nappé d’une succulente sauce soul qui ne va jamais passer date.
Paul et Linda McCartney – Ram (1971)
Considéré comme l’un des meilleurs albums solo d’un ex-coccinelle, Ram a été écrit par le couple sur une fermette de chèvres perdue en Écosse. Une série infinie de bangers folk-pop, catchy et mélancoliques qui dévoile tout le talent du grand Sir de Liverpool.
.jpg)
Minor Threat – Minor Threat (1984)
On trouve couché sur une seule galette l’ensemble des enregistrements de la formation straight edge menée par Ian MacKaye. Un mince 47 minutes de cri punitif pour se radicaliser en paink crâne rasé et bottes d’armée. Jamais trop tard pour se tatouer de gros X sur les mains, flipper la table et mosher en famille.
Sade – Diamond Life (1984)
Une pop sophistiquée, nocturne et contemporaine, sortie au moment où la déesse britanico-nigériane était au sommet de sa gloire. Une ondulation glam pour une date chromée à l’abri des regards. Aucune collection n’est complète sans Sade Adu.
The Stooges – The Stooges (1969)
Est-ce le premier album punk de l’histoire? L’éponyme du band à Iggy Pop demeure un inévitable de l’histoire musicale. On y rencontre toute la jouissance américaine, son droit à la marginalité et à la révolte. Déposer l’aiguille sur le fuzz initial de I Wanna Be Your Dog demeure une expérience cathartique dans le gris du quotidien.
.jpg)
Television – Marquee Moon (1977)
Si New York semble aujourd’hui un grand centre d’achat pour du monde trop riche, la fin des années 70 vibrait au son d’une ébullition avant-gardiste. Les timbres de Tom Verlaine sont ici post-punk, glaciaux et épiques. Peut coûter une guit’ au prochain Noël.
Tim Maia – Nobody Can Live Forever (2012)
Célébration sur quatre faces du géant carioca. La légende raconte que le bon moustachu s’est fait coincer sans papier par la police new-yorkaise et fut extradé au Brésil. Une fois de retour au pays de la samba, il reprend le son soul afro-américain qu’il avait entendu. On découvre ici le roi de tous les excès dans une compilation pour les gouverner tous.
The Velvet Underground & Nico – The Velvet Underground et Nico (1967)
La fameuse banane de Warhol renferme bien plus qu’un album, mais une révolution. « Tous ceux qui ont acheté une de ces 30 000 [premières] copies ont créé un groupe », clame l’une des citations les plus légendaires du rock‘n’roll. Lou Reed, John Cale, Nico. Quand même. Le hype est toujours vrai.
Joyeux Noël !