.jpg)
Qu’il soit candidat ou pas en 2022, Éric Zemmour aura réussi son pari : faire parler de lui et de ses idées abjectes quasi-quotidiennement. Depuis la rentrée, pas un jour ne passe sans qu’on ne mentionne le polémiste condamné pour provocation à la haine raciale. Une situation qui montre bel et bien la banalisation de la pensée raciste et islamophobe sur la scène médiatique. Alors, comment combattre Eric Zemmour et sa doctrine nauséabonde ? Faut-il l’ignorer, lui répondre ou le tourner en ridicule ? La réponse n’est pas si simple.
STrATÉGIE 1 : LE CENSURER ET S’INDIGNER
Éric Zemmour veut interdire les prénoms étrangers en France. Depuis son passage le 11 septembre dernier sur le plateau de On est en direct sur France 2, les articles tournent en boucle sur cette proposition du supposé candidat à la présidentielle. Mais cela fait des années que le polémiste en parle régulièrement. En septembre 2018, Zemmour est l’invité de l’émission d’Ardisson sur C8. Il remet alors sur le couvert cette idée bonapartiste de prendre uniquement des prénoms de saints. Hapsatou Sy – alors chroniqueuse de l’émission – l’avait interpellé sur son propre prénom. Sa réponse ? « Votre mère a eu tort de vous appeler ainsi, elle aurait dû prendre un prénom du calendrier et vous appeler Corinne par exemple, ça vous irait très bien. C’est votre prénom qui est une insulte à la France. » Comment a réagi la chaîne ? Censurer le passage pour éviter des poursuites. Un an plus tard, Zemmour obtenait sa propre émission sur CNEWS, chaîne du même groupe détenu par Bolloré.
STRATÉGIE 2 : COMBATTRE SES IDÉES
C’est l’un des grands arguments des défenseurs d’Éric Zemmour, mais aussi de ses détracteurs : et si on organisait un grand débat avec l’éditorialiste pour affronter son idéologie ? Mélenchon y pense. « Comme ça on entendra enfin une réplique argumentée à leurs délires », a déclaré le leader de la France Insoumise. Mais débattre avec Zemmour, est-ce que ce n’est pas justement crédibiliser sa pensée ouvertement raciste ? En 2002, Jacques Chirac avait refusé de débattre avec Jean-Marie Le Pen lors de l’entre-deux-tours. De nombreux militants refusent à raison la moindre interaction avec l’extrême-droite qui se nourrit de polémiques et de provocations calculées. Accepter de débattre avec un polémiste déjà condamné pour provocation à la haine raciale et qui défend la théorie du grand remplacement, c’est déjà accorder une certaine légitimité à ce racisme décomplexé qui a déjà gagné beaucoup trop d’audience.
Stratégie 3 : le tourner en ridicule
A défaut de le lancer sur ses idées, certains préfèrent s’amuser avec Éric Zemmour. Attaquer sur la forme plutôt que sur le fond : c’est sans surprise le choix de Quotidien. « On va vous faire économiser 21,90 euros. On a lu pour vous le livre en avant-première. » L’émission de TMC détaille notamment les références à Balzac de Zemmour, son amour pour les restaurants de la rive-gauche parisienne ou encore les fautes d’orthographe repérées dès les premières lignes… La chronique Zoom évoque entre deux ricanements le profil des acheteurs du livre qui sont aussi intéressés par les mémoires de Jean-Marie Le Pen et par Mein Kampf. Mais cela s’arrête là. En 3 minutes consacrées à ce sujet, le mot racisme ou raciste n’a pas été prononcé une seule fois. Mais le bouquin d’Eric Zemmour a bien été mis en évidence dans une émission qui réunit plus d’un million de spectateurs.
Stratégie 4 : L’ignorer
Et si on arrêtait de donner l’heure à Éric Zemmour et ses congénères ? Si Éric Zemmour pense pouvoir accéder à l’Élysée sans aucun programme politique, c’est bien parce qu’on lui a donné tout l’espace médiatique pour développer ses idées. Réagir à ses provocations, essayer de débattre avec lui, se moquer de lui : cela ne fait que lui davantage de visibilité. Se réduire à constamment devoir réagir à ses thématiques, ce n’est que lui donner encore et toujours de nouvelles opportunités de faire passer son discours haineux dans les médias et sur les réseaux sociaux. Et cet article en fait malheureusement partie. Est-ce que la bonne stratégie ne serait tout simplement pas d’arrêter de jouer à son jeu et de l’ignorer ?
Aujourd’hui, la pensée d’extrême-droite a réussi l’exploit de faire passer les idées progressistes pour le véritable extrémisme. « Comment se fait-il que lorsque Marie Darrieussecq, Léonora Miano, Alain Badiou, Rokhaya Diallo ou Houria Bouteldja célèbrent le grand remplacement, on les applaudit ? Comment se fait-il que, lorsque Eric Zemmour et Renaud Camus, le déplore, on les accuse de complotisme paranoïaque ? » Cette déclaration est celle d’Alain Finkielkraut, invité ce 15 septembre de la matinale de France Inter. Il n’a pas été contredit par Nicolas Demorand et Léa Salamé. « Ce qui m’effraie encore plus que Zemmour, c’est les discours intersectionnels. » Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée de la Jeunesse, le 13 septembre sur France 5. Crédité d’environ 10% d’intention de votes dans les sondages, Zemmour a déjà réussi sa campagne : imposer auprès de l’opinion politique ses idées nauséabondes qu’il radote en boucle depuis 2014.