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Faire un film d’horreur avec les Foo Fighters : entrevue avec BJ McDonnell

Le réalisateur de Studio 666 nous raconte la genèse d'un projet aux origines improbables.

Par
Benoît Lelièvre
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L’horreur est au beau milieu d’une renaissance sur grand écran. Après une quinzaine d’années de projets dérivatifs et de reboots peu inspirés, une nouvelle génération de réalisateurs et réalisatrices ont contribué à un nouveau langage de la peur adapté à l’imaginaire contemporain. Les Robert Eggers, Ari Aster, Karyn Kusama et compagnie se sont amusés à nous donner moult cauchemars au cours de la dernière décennie.

Ancrée dans les limites du savoir, cette nouvelle horreur a vite rendu caduques les terreurs organiques et viscérales des années 80 et 90. Fini le sang et les tripes, les fantômes et le rapport à l’inconnu sont devenus les trucs flippants du XXIe siècle.

Les films mettant en vedette des groupes de musique, quant à eux, n’ont pas vraiment la cote depuis un désastre nommé Spice World en 1997. Presque 40 ans après l’immense This Is Spinal Tap, le rock n’a simplement plus la même pertinence culturelle et l’industrie de la musique ne fonctionne plus vraiment de cette manière-là de toute façon. Les artistes comme Ariana Grande ou Lady Gaga deviennent acteurs et actrices eux-mêmes au lieu de créer des films pour mettre leur œuvre en vedette.

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L’annonce de Studio 666, un film du réalisateur BJ McDonnell mettant en vedette les Foo Fighters, a donc surpris beaucoup de monde lors du lancement de la bande-annonce en janvier dernier.

Je me suis entretenu avec McDonnell pour essayer de comprendre comment est né cet improbable (et incroyable) projet.

J’ai bien aimé ton film. C’est sûr qu’en tant que fan de cinéma d’horreur ET des Foo Fighters, j’étais un peu vendu d’avance. C’est un projet quand même contre-intuitif. Dave Grohl n’est pas le premier nom qu’on associerait avec un film d’horreur. Il n’a pas vraiment de persona artistique. Comment est né un tel projet ? Comment est-ce que tu t’es retrouvé à le réaliser ?

L’idée originale d’un film où un chanteur de rock devient possédé pendant l’enregistrement de son album vient de Dave lui-même. Le groupe a enregistré son dernier album Medicine At Midnight dans la maison même où on a tourné le film et l’atmosphère lui a donné l’idée. Il a contacté deux producteurs, John Ramsey et Jim Rota, afin d’en évaluer la faisabilité, et ils ont pensé à moi.

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Dave avait l’idée de départ, mais il a quand même fallu monter toute la structure narrative autour du film : écrire un script, conceptualiser des personnages secondaires. On a mis deux scénaristes sur le coup, mais j’ai donné un coup de main avec ça. Ça s’est vraiment fait de manière simple et organique, mis à part la pandémie, bien sûr.

Un des charmes de Studio 666, c’est que les membres des Foo Fighters ne sont pas des acteurs professionnels, ni même entraînés. Leur niveau d’intensité et de sérieux varie de ligne en ligne et il s’en dégage une énergie vraiment unique. As-tu eu à faire du coaching avec eux pendant le tournage ?

L’important pour moi, c’était qu’ils restent fidèles à eux-mêmes. C’était pas si important que ça qu’ils se collent au script, tant qu’ils se parlent comme ils se parlent dans la vraie vie. Quand Taylor s’énerve et crie après Dave ou Chris par exemple, c’est vraiment sa personnalité qui remonte. C’est quelque chose qu’il aurait dit si le groupe s’était engueulé en répétition dans la vraie vie. Ça, c’était plus important pour moi que le script.

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Mais oui, il y a eu des difficultés à égaliser le ton. Une variable qu’il faut prendre en compte, c’est que le tournage a été interrompu par le COVID-19. Le film était originalement supposé sortir après Medicine to Midnight. Ça a influencé le tournage de plein de façons différentes. Par exemple, Nate (NDRL, le bassiste du groupe) portait un cardigan au départ parce qu’il faisait très froid à Los Angeles lors du premier tournage. Il a dû remettre son cardigan en pleine chaleur par la suite pour des raisons de continuité, donc on a passé un temps fou à lui essuyer le visage parce qu’il suait sa vie !

C’est plutôt rare de voir un film comme Studio 666 prendre l’affiche de nos jours. Toute l’industrie du cinéma semble se consolider autour de grosses productions et pousser les projets moins évidents vers les marges ou la télévision. Qu’est-ce qui t’a motivé à participer à un projet de la sorte ?

C’est une bonne question. T’as absolument raison à propos de l’industrie. J’avais envie de faire quelque chose de différent. L’horreur a beaucoup changé depuis quelques années et j’aime vraiment ce qui se fait de ce côté-là, mais c’est moins mon truc. Quand je vois un effet réalisé avec l’aide d’animation graphique, ça me fait un peu mal. J’ai grandi avec les films de Tobe Hooper (Massacre à la tronçonneuse), donc j’ai un amour pour les plaisirs rétro et organiques.

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Je pense qu’il y a une place pour un film comme Studio 666 sur le marché parce que ça ne ressemble vraiment à rien d’autre. C’est nostalgique à sa manière et complètement éclaté.

Mais à la base, est-ce vraiment un film d’horreur ? Parce que bien qu’on y voie du sang et des tripes, ça a presque une valeur allégorique, non ?

Absolument. À la base, l’idée de Dave était de faire un film sur le syndrome de la page blanche et ses angoisses créatives au sens large. L’horreur dans Studio 666 est une façon imagée d’exprimer ça, mais je pense qu’il s’agit d’une comédie d’horreur au sens large quand même. On joue beaucoup sur les rapprochements entre le rock et l’occulte qui se faisaient à l’époque. On se moque de beaucoup de clichés dans l’histoire de la musique en rapport à ça. Ton observation est bonne, mais oui, c’est bien un film d’horreur ! (rires)

La fameuse chanson que le groupe compose tout au long du film est vraiment très différente de ce que les Foo Fighters font d’habitude. Est-ce qu’elle existe pour vrai ou était-ce juste une grosse session de jam ? Est-ce qu’on va pouvoir l’entendre ?

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L’idée était de transposer musicalement toute la confusion qui habite le personnage de Dave. Parfois, ça sonne doom metal, parfois ça sonne black metal. Parfois stoner rock. J’peux rien affirmer avec certitude pour l’instant, mais regarde tes fils d’actu. Il y a quelque chose qui pourrait bien sortir dans les prochains jours !

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En effet, trois jours après notre conversation, on annonçait qu’un album complet du nom de Dream Widow serait dédié à la musique du film, avec une version de 13 minutes de Lacrimus dei Ebrius, la fameuse chanson interminable.