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Être enceinte après 35 ans, est-ce vraiment trop tard ?
J’avais 36 ans quand j’ai accouché de ma fille. La mioche se faisait attendre, car au départ, selon ma date prévue d’accouchement, elle serait née peu avant mon anniversaire. Aujourd’hui, ça ne me dérange pas, mais durant ces semaines-là, ça me paraissait putain d’important, surtout que j’avais déjà dépassé le fameux cap des 35 ans, cet âge où, dans l’imaginaire collectif, la fertilité des femmes s’évanouit comme neige au soleil.
On le remarque lorsque notre entourage nous demande si on veut une famille. À 30 ans, on nous presse, à 35 ans, on s’inquiète, à 40 ans, on assume que le rêve est mort ou qu’il n’a jamais existé.
Pour celles qui n’ont pas enfanté dans la jeune vingtaine, la trentaine apporte son lot de tracas. On sent la pression monter. Plusieurs diront que c’est l’horloge biologique qui sonne. C’est peut-être vrai pour certaines, mais ce n’était pas mon cas.
Comme l’autrice Cheryl Strayed l’écrivait dans Tiny Beautiful Things, « si la fée de la fertilité m’avait accordé 10 ans de plus pour tergiverser la question, je les aurais probablement pris ».
Devenir mère sur le tard
Pour plusieurs femmes, ce n’est pas l’horloge biologique qui les empêche de dormir la nuit, mais bien l’horloge sociale. Il est vrai que la fertilité a ses impératifs, mais la société en impose de plus sévères,qui ne sont pas toujours basés sur des faits tangibles. Ils ont surtout le don de rendre malades les femmes qui veulent des enfants, mais qui aimeraient juste un tout petit peu plus de temps avant.
En 2013, la journaliste Jen Twenge a signé un papier dans The Atlantic qui a parlé à des milliers d’oreilles. Le titre : How Long Can You Wait to Have a Baby? remettait en question cette fameuse notion de chute de la fertilité passé le cap des 35 ans. L’autrice, elle-même mère de trois enfants conçus après l’âge fatidique, s’est penchée sur la pression liée à cette croyance.
Sa découverte ? Les données sur lesquelles se basent les recommandations médicales actuelles ont été prélevées en France, de 1670 à 1830. C’est déjà beau que certaines femmes de l’époque aient pu avoir des enfants à l’âge vénérable de 35 ans, avec un pied dans la tombe et 12 enfants précédents.
Mais que disent les recherches plus modernes? Eh bien, en 2004, une étude sur 2820 femmes danoises observant le nombre de femmes qui ont réussi à tomber enceinte au cours d’une seule année d’essai (par la méthode Bow Chica Wow Wow) a révélé une grosse différence de 4 % entre le groupe des femmes de 25 à 29 ans et celles de 35 à 39.
Si on exclut la première grossesse, le pourcentage de femmes qui tombent enceintes aisément passé 35 ans est encore plus grand. La raison ? Si vous n’aviez pas déjà de problème de fertilité avant, vous ne risquez pas d’en avoir beaucoup plus une fois passé 35 ans.
Ce serait plutôt vers 40 ans que l’âge jouerait vraiment un rôle plus significatif. Dans l’épisode de Gimlet Media Science Vs. sur la fertilité, les études évoquées en montraient une baisse plus significative… à partir de 38 ans.
Prendre son temps
Pourquoi alors est-ce que le chiffre 35 marque autant l’imaginaire ? La réponse est statistique. Dans les études et les prises de données, les groupes de femmes sont divisés selon l’âge. Une femme de 39 ans se retrouve donc souvent dans le même groupe qu’une autre femme de 35 ans.
C’est probablement pour ça que mon docteur ne semblait pas si alarmé. Je me souviens qu’il m’avait dit qu’il ne se souciait pas de l’âge avant 38 ans, à moins que des signes montrent un possible problème de fertilité, comme des règles douloureuses, un cycle inégal ou un historique familial.
Savoir tout ça n’empêche cependant pas la pression d’exister. Et c’est bien dommage, car les décisions qu’on prend quand on est pressée ne sont pas toujours les meilleures. Il serait bien dommage que des femmes, assourdies par leur horloge biologique, refusent des promotions, des déménagements, s’empêchent de laisser un mauvais partenaire, ou se mettent en couple avec le premier venu.
Enfanter passé 35 ans vient avec ses soucis. On a moins d’énergie pour les nuits blanches, on fait partie des plus vieilles mamans aux réunions de parents. Mais en échange, on peut vivre plus longtemps. Voilà donc un pied de nez à tous ceux qui demandent comment on tolère d’avoir un enfant de 15 ans à 50 ans. Notez que cette question ne se pose pas aussi souvent aux pères plus âgés, et ce, même si eux aussi ont une horloge biologique.
Y a-t-il des moments où j’aurais préféré avoir ma fille plus jeune? Des fois oui, des fois non. Mais dans la vie, on ne peut pas toujours forcer le timing. Et on ne devrait pas stresser comme des fous avec ça.
On a plus de temps qu’on ne le croit.