.jpg)
Et si vos collègues déterminaient votre salaire ?
Selon une enquête menée par la firme de ressources humaines Robert Half, 56 % des hommes sondés affirment se sentir à l’aise avec les négociations salariales alors que chez les femmes, le chiffre chute à 36 %. Ces dernières affirment se sentir intimidées par cet aspect ou tout simplement ne pas savoir par où commencer.
Négociation salariale peut souvent rimer avec anxiété. Surtout si vous devez aller plaider votre cause auprès d’un.e patron.ne qui, du haut de sa grande tour d’ivoire, ne comprend pas vraiment ce que vous faites au jour le jour.
Peut-être que l’idée que ce soit plutôt vos collègues, ceux et celles qui vous côtoient quotidiennement, qui déterminent votre rémunération vous met plus à l’aise ? Coup d’œil vers ce phénomène qui s’inscrit dans un courant de gestion plus horizontal des entreprises.
Employé.e.s de la table ronde, allons voir si la paye est bonne !
Entre 2014 et 2017, Geneviève* a travaillé dans une boîte de développement de logiciels en tant que coordonnatrice marketing et communication. Une fois par année, quand venait le temps des révisions salariales, les employé.e.s se rencontraient par « division » (de 15 à 20 personnes environ) dans une salle de conférence. Le principe était alors fort simple : se diviser l’enveloppe budgétaire dédiée aux augmentations, la somme totale ayant été préalablement déterminée par l’équipe de direction. « À tour de rôle, on se levait et on expliquait pourquoi on méritait ‘’tant’’ d’augmentation. Le principe, c’était de se vendre », m’explique-t-elle.
Ses collègues lui posaient des questions, souvent pour savoir comment elle en était arrivée à ce montant. Les salaires étaient ensuite inscrits au tableau dans une colonne et dans une autre, les hausses demandées. Il arrivait parfois que certain.e.s employé.e.s ne se levaient tout simplement pas, car ils jugeaient que leur salaire était adéquat. À la fin, la colonne des « augmentations » était additionnée et si elle correspondait à l’enveloppe budgétaire, l’affaire était réglée. Il arrivait toutefois que ça dépasse. Dans ce cas-ci, la discussion se poursuivait et certain.e.s devaient évidemment faire des concessions. Est-ce que ça créait des frictions ?
« Personne n’était en rogne, on trouvait toujours un terrain d’entente », me précise celle qui a depuis changé d’employeur. Par contre, de son propre aveu, ça pouvait « argumenter » !
Geneviève se sent encore mitigée face à cette façon de procéder. Elle salue l’initiative, mais avoue qu’elle aurait pu être perfectionnée. En effet, au sein de la même salle se trouvaient ses collègues en communication et en marketing, mais également des développeurs de logiciels pour qui l’emploi du temps était assez abstrait. « Il fallait se vendre avec des gens qui ne font pas du tout la même chose que toi, qui sont allés à l’école dans quelque chose de complètement différent ! ». « C’est des pommes et des bananes, que tu compares », explique-t-elle. De son propre aveu, elle se sentait plutôt mal à l’aise de juger les compétences de quelqu’un alors qu’elle ne connaissait pas du tout sa réalité.
La transparence salariale
D’un autre côté, ce processus lui a permis de sortir de sa zone de confort, elle qui est de nature plutôt réservée.
« J’suis la meilleure pour me vendre, il n’y a pas personne qui me connaît mieux que moi ! Puis si je le fais pas, j’en aurai pas d’augmentation », se disait-elle à l’époque afin de se motiver.
En plus, au final, « on connaissait le salaire de tout le monde », se réjouissait-elle. Aujourd’hui elle travaille dans une entreprise au sein de laquelle elle n’a aucune idée du salaire de ses collègues.
Selon l’autrice et experte en autogestion Samantha Slade, « il existe un mouvement croissant en faveur de la transparence des salaires ». Des entreprises fonctionnent avec un système d’autodétermination (comme celui détaillé précédemment dans cet article), depuis les années 1980.
Ces salaires « autodéterminés » existent également chez Moov AI, une entreprise montréalaise de consultation en intelligence artificielle appliquée. Ici, un comité de rémunération est mis en place afin de déterminer tout ce qu’il faut considérer dans le calcul d’une augmentation salariale ou même d’une diminution (ce qui est plus rare). Les membres de ce comité sont déterminés par les employé.e.s. eux-mêmes.
Un autre exemple est celui de Buffer, une entreprise de développement d’applications mobiles, qui emploie des gens aux quatre coins du globe. Ceux-ci ont donc mis sur pied une formule basée sur le coup de la vie de chaque pays afin d’ajuster les salaires en conséquence. De plus, le salaire de chaque employé.e est affiché non seulement à l’interne, mais publiquement.
On arrive encore au même résultat : tout le monde connaît le salaire de tout le monde.
Et si ça devenait la norme ?
*Nom fictif afin de préserver son anonymat.