Logo

Est-ce que tous les enfants sont devenus surdoués ?

On assiste à un « tsunami » de demandes de parents pour évaluer leur enfant.

Par
Laurence Niosi
Publicité

« Tu devrais aller voir un neuropsy. Mon amie a eu une évaluation pour son fils de 4 ans et ça l’a beaucoup aidée pour la suite », me dit mon amie qui me presse depuis quelque temps d’aller consulter pour ma fille.

Ma fille de 4 ans parle un français soutenu depuis qu’elle rampe, est hypersensible sensoriellement comme émotivement, fait preuve de beaucoup d’empathie et d’une soif d’apprendre qui ne se tarit jamais. Bref, des traits observés chez les personnes surdouées, ou à haut potentiel intellectuel (HPI).

C’est quoi, au juste, être HPI ? C’est quand un enfant en bas âge présente des aptitudes d’apprentissage nettement supérieures à la moyenne. Par exemple, il peut se démarquer au niveau de ses capacités intellectuelles ou de sa créativité. Puisqu’il ne s’agit pas d’un trouble ou d’une maladie, les personnes surdouées reçoivent une évaluation et non un diagnostic.

La neurodiversité célébrée

On connaît tous quelqu’un dont l’enfant a reçu une évaluation du genre. En partie grâce aux réseaux sociaux, les termes « surdoués » ou « HPI », ont intégré notre vocabulaire comme «TDAH » (trouble de l’attention), « autisme » et « dysphasie ». Aussi, on parle désormais de « neurodiversité » pour parler de personnes dont le cerveau fonctionne différemment de la norme en plus de reconnaître et de valoriser leurs forces et leurs différences. Le terme « neuroatypique » et son antonyme « neurotypique » ont d’ailleurs fait leur apparition dans Le Petit Robert cette année.

Publicité

La neuropsychologue Marie-Claude Guay abonde en ce sens et dit avoir assisté à un « tsunami » de demandes de parents pour évaluer leur enfant pour la douance. Selon elle, il s’agirait d’un « retour du balancier » dans une province qui se préoccupait traditionnellement peu du sujet.

« Ça fait 25 ans que je fais de la clinique en neuropsychologie et avant, les demandes de consultation pour la douance, il n’y en avait que 2 ou 3 par année », souligne-t-elle. Aujourd’hui, c’est plusieurs fois par semaine.

Les mythes

Le haut potentiel intellectuel ne concerne qu’une minorité de personnes. Dépendamment des études, ça toucherait entre 2 % à 5 % de la population. Ça signifie que votre enfant curieux n’est pas nécessairement surdoué. Ni celui qui a des difficultés d’apprentissage à l’école.

Publicité

Marie-Claude Guay reçoit d’ailleurs régulièrement des parents qui pensent que les difficultés d’adaptation ou les problèmes de comportement de leur enfant masquent une douance intellectuelle.

C’est peut-être vrai pour les jeunes qui présentent à la fois un HPI et un trouble du neurodéveloppement comme le TDAH ou la dyslexie (ce qu’on appelle la double exceptionnalité), dit-elle. Ou encore ceux qui ont un très, très haut potentiel intellectuel. Du genre à lire les Harry Potter à la maternelle, illustre la neuropsychologue. « Ce sont les deux sous-groupes les plus à risque d’éprouver des difficultés à l’école. Mais ça reste une minorité parmi les HPI », rappelle celle qui est aussi professeure au département de psychologie de l’UQAM.

Pour les autres enfants HPI, une telle étiquette « est une très bonne nouvelle », dit-elle. Une richesse, même. Ces enfants réussiront généralement très bien académiquement en plus d’être socialement bien adaptés.

À l’inverse, il est faux de penser qu’être surdoué est automatiquement synonyme de réussite scolaire ou de succès.

Publicité

Certains HPI peuvent ne pas aimer l’école, d’autres risquent de s’ennuyer ou de sous-performer s’ils ne sont pas suffisamment encadrés ou soutenus par leur environnement scolaire ou familial, vu leur rythme d’apprentissage plus rapide.

Peu importe le cas, il est important d’avoir une évaluation clinique exhaustive et rigoureuse, rappelle Marie-Claude Guay. Évaluation qui est beaucoup plus large qu’un simple test de QI (quotient intellectuel).

Et gare aux mauvaises évaluations qui pourraient causer « des préjudices graves ». Par exemple, un enfant identifié HPI par le passé a été envoyé dans sa clinique parce qu’il avait des problèmes persistants à l’école. Après l’évaluation, la psychologue lui a plutôt diagnostiqué…une dyslexie.

« Les parents devraient être préoccupés quand il y a un bris du fonctionnement de l’enfant [en raison, par exemple, d’un trouble du comportement]. Et plus on intervient tôt quand il y a des difficultés de fonctionnement, mieux c’est », estime la neuropsychologue.

Publicité