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Est-ce que le travail hybride est réservé aux gens privilégiés ?

Dans le jeu des avantages professionnels, nous ne sommes pas tous forcément égaux.

Par
Billy Eff
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On n’avait pas vu la manière dont les humains travaillaient changer aussi drastiquement depuis la dernière révolution industrielle. Il y a trois ans jour pour jour, les centres-ville du monde entier voyaient leurs tours de bureaux se vider et la plupart n’ont depuis jamais retrouvé le même taux d’occupation.

La “faute” à une première petite révolution : le télétravail. Demandé par des employés de partout dans le monde depuis des années, beaucoup de gestionnaires y étaient réfractaires, estimant que c’était impossible d’un point de vue technique, mais que ça affecterait aussi la productivité. Et pourtant, ça ne nous a pas pris très longtemps pour s’y habituer, voire aimer ça !

Mais dès que ce fut possible, les employeurs les plus « carrés » se sont mis à exiger que leurs employés retournent au bureau de 9 à 5 et du lundi au vendredi. Ce n’était peut-être pas le meilleur move et ça a même aidé à précipiter ce que l’on a appelé la « Grande résignation ». Puis, quand les gestionnaires anti-télétravail se sont admis à eux-mêmes que, dans le fond, c’était plutôt chouette, on en est venu à un compromis : le travail hybride.

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Des enjeux peu soulevés

Sur papier, l’hybride est le meilleur des deux mondes. Tout le monde peut choisir ses jours pour se rendre au bureau et pour travailler à la maison. Mais dans les faits, ce mode de travail avantage surtout les plus privilégiés, selon plusieurs études.

« les gens hautement éduqués, bien payés et blancs s’attendaient à travailler plus souvent de chez eux » que leurs collègues moins bien éduqués, moins bien payés ou racisés.

Déjà, pour pouvoir travailler de manière hybride, il faut avoir le genre de job qui permet de le faire. Un cuisinier ou une directrice de chantier de construction, par exemple, ne peuvent pas effectuer leurs tâches sans être physiquement sur leur lieu de travail. D’après Forbes, les secteurs avec le plus haut taux d’hybridité sont : comptabilité et finances, technologies de l’information et ventes et marketing.

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La nature project-based du quotidien de beaucoup d’employés dans ces domaines fait qu’avec l’aide d’un ordinateur, de l’internet et du cloud, ils peuvent travailler d’à peu près n’importe où et surtout n’importe quand.

Mais ce sont aussi des industries où, historiquement, les salariés sont bien éduqués et gagnent un bon salaire. Ils ont habituellement des emplois comportant des droits, des avantages sociaux et autres avantages. En d’autres mots, ce sont des gens qui jouissent d’un certain privilège.

Une question d’argent et d’éducation

Lorsque des chercheurs américains ont effectué un sondage auprès d’employés à travers le pays durant la pandémie, ils ont trouvé que « les gens hautement éduqués, bien payés et blancs s’attendaient à travailler plus souvent de chez eux » que leurs collègues moins bien éduqués, moins bien payés ou racisés. De plus, lorsqu’on a demandé durant la pandémie combien de jours par semaine ils souhaitaient télétravailler, les salariés les mieux payés sont les seuls dont les prédictions sont devenues une réalité.

Il faut aussi avoir la technologie nécessaire pour accomplir ses tâches quotidiennes depuis la maison, ce qui peut être compliqué pour des employés à faible revenu ou aux finances précaires.

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Il faut aussi considérer tous ceux qui aimeraient travailler de chez eux et dont l’emploi le permet, mais pas la situation domestique. Des gens qui vivent une relation toxique, par exemple, ou bien dans une situation précaire ou encore ceux qui doivent partager leur demeure avec plusieurs personnes. Ces personnes pourraient bien préférer aller au bureau, quitte à y être seules, plutôt que de devoir subir plus longtemps ce qu’elles vivent chez elles.

Il faut aussi avoir la technologie nécessaire pour accomplir ses tâches quotidiennes depuis la maison, ce qui peut être compliqué pour des employés à faible revenu ou aux finances précaires, sans compter que plusieurs régions rurales n’ont pas toujours accès à l’internet.

Travail hybride pour tous ou travail hybride pour personne

Cela dépend aussi entièrement de la nature de son travail; un peu comme ces compagnies qui vous offrent des vacances illimitées, mais vous mettent tellement de travail sur le dos que vous finissez par ne jamais en prendre. Parce qu’offrir le travail hybride à ses employés, c’est bien. Mais après cela, la réorganisation du travail devrait aussi prendre en compte tous les employés que ce changement implique et déboucher sur une nouvelle répartition des charges de travail. Ainsi, une seule personne dans l’équipe ne sera pas responsable d’accomplir toutes les tâches qui nécessitent d’être en présentiel.

Le but est justement que ces avantages profitent à tout le monde, pas seulement à des gens qui ont déjà une situation confortable.

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Bien entendu, le travail hybride a aussi énormément d’avantages. Les salariés qui télétravaillent gagnent en moyenne 72 minutes additionnelles de temps libre par jour et finissent par en utiliser la moitié pour travailler plus. De plus, ils rapportent une plus grande satisfaction professionnelle et sont moins enclins à démissionner.

Car le but est justement que ces avantages profitent à tout le monde, pas seulement à des gens qui ont déjà une situation confortable. Les obstacles financiers, domestiques et technologiques, sans parler des enjeux de diversité et d’inclusion, doivent donc être absolument considérés par les départements des ressources humaines qui souhaitent mettre en place un modèle de travail hybride.