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Entrevue : Roman Frayssinet – « Montréal, pour des Français, ça soulage. »

On a refait le monde avec l'humoriste français, fan de Montréal.

Par
Daisy Le Corre
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Depuis presque 2 ans, il affiche complet quasiment partout où il passe, et accumule des millions de vues sur Internet pour ses chroniques hebdomadaires dans l’émission Clique de Mouloud Achour sur Canal+. En 2018, Jamel Debbouze l’a même invité à rejoindre les effectifs du célèbre Marrakech du Rire. Bref, on ne présente plus Roman Frayssinet. Cela faisait deux ans qu’il n’était pas revenu à Montréal, là où il a « tout appris». On a donc profité de son passage dans le cadre de la promo de son spectacle « alors » pour discuter un peu avec lui.

J’ai cru comprendre que tu étais à L’Abreuvoir hier soir. Comment c’était?

Très cool! J’ai animé cette soirée pendant un an et demi quand je vivais à Montréal. Alors ça m’a permis de revoir des amis proches qui me tiennent à coeur et avec qui j’ai fait l’École nationale de l’humour ici.

C’est quoi ton lien à Montréal? Est-ce que cette ville te manque parfois?

Il y a des choses qui me manquent, d’autres pas du tout, comme partout. Mais je suis très attaché à Montréal: je suis arrivé ici, j’avais 18 ans, j’ai passé plus de temps adulte ici qu’ailleurs. Ça va faire deux ans que je suis retourné en France et en rentrant, j’avais l’impression de découvrir un autre pays, je suis devenu quelqu’un d’autre entre temps. Montréal c’est une école en soi pour moi: sur le plan humain et artistique. Et puis le niveau d’humour est très très fort ici, c’est le top au niveau de la francophonie.

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Tu t’attendais à avoir autant de succès en France ou pas? Comment tu l’expliques?

C’était mon objectif depuis très longtemps. Alors j’ai travaillé fort pour y arriver, j’ai essayé de me dire que c’était possible, que j’allais pouvoir le faire, etc. Quand j’ai commencé à avoir du succès, j’ai ressenti un énorme soulagement et beaucoup de joie! Je ne sais pas si mon humour “bienveillant” répondait à un manque en France, mais ce qui est sûr c’est que Mouloud (Achour) a joué un rôle énorme aussi dans ma réussite. Il m’a apporté une visibilité de fou en me permettant de participer à son émission. Je suis très content d’avoir fini par trouver mon public.

Quand tu dis que t’as fait l’École nationale de l’humour, on te répond quoi en France?

Les gens rigolent! Ce concept d’école du rire les fait marrer. En France, il y en a beaucoup qui auraient aimé la faire surtout pour apprendre toutes ces notions théoriques, avoir un endroit où tu peux vraiment créer avec des gens ultra bienveillants, généreux où on te donne une bonne mentalité de travail. Moi ça a forgé toute ma méthodologie de travail, ça me permet encore de me remettre en question quotidiennement. J’aime le niveau d’exigence qu’il y a ici, en fait. Ça va me servir toute ma vie. Même hier, à L’Abreuvoir, j’ai vu que ça allait beaucoup plus vite qu’en France: les gens sont tellement plus productifs, ils écrivent plus, la recherche d’efficacité est énorme. En plus de ça, au Québec, la quantité d’humoristes qui ont un vrai bon niveau est très grande, c’est fou ce qui se passe ici. J’aime beaucoup cette mentalité nord-américaine qui dit “fais des efforts et tu auras des résultats”, alors qu’en France c’est plus “ça va être difficile, il faut connaître des gens, il faut de la chance” (rires).

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Est-ce que le fait que tu sois français t’a aidé au Québec?

Mon côté français m’a apporté un certain exotisme, c’est sûr, et un regard aussi: c’est plus difficile de regarder les absurdités d’une société quand t’as grandi dedans. Le fait de bouger m’a donc permis de prendre du recul qui m’a beaucoup aidé. Je conseille à tout le monde de voyager, de partir, de prendre du recul sur sa propre culture, sur soi-même pour décider qui on a envie d’être. C’est un chemin efficace vers des connaissances très utiles.

Est-ce qu’il y a encore des tabous que tu aimerais casser avec humour?

En ce moment, c’est la folie qui m’intéresse beaucoup, mais pas d’un point de vue médical. Plutôt dans l’idée qu’il faut se battre contre cette idée qui dit qu’il existe des gens “normaux”, qu’il faut rentrer dans une norme qui n’existe pas: il faut plutôt accepter sa propre folie, sa propre différence.

Tu reprends un peu les mots de Lomepal (« Beau la folie »), non?

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Mais carrément! On a fait une collaboration encore il y a quelques mois autour de ce thème. Vous verrez ça bientôt… (ndlr, Roman apparaît aussi sur “Jeannine” ici) Avec “Migraine”, j’aborde déjà le thème de la folie, ce n’est pas nouveau, ça me suit. Mais la société, c’est quoi en fait? C’est le regard des autres. La majorité du temps, le regard des autres, c’est nous qui le mettons sur nous-même. “À mon avis, lui il pense ça de moi”. Alors que non. En France, le regard des autres importe beaucoup, ici beaucoup moins. J’ai l’impression qu’on a une plus grande liberté au Québec: on peut plus accepter sa folie ici. Montréal, pour des Français, ça soulage. Il y a quelque chose de tellement plus léger que ça en est parfois déstabilisant pour certains. On arrive de Paris sur la défensive alors qu’ici, on peut être tranquilles, en fait.

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Bon et «alors», tu peux nous en parler un peu pour finir?

Oui en fait c’est un spectacle dont la majorité des blocs principaux ont été construits ici, à Montréal. Il suffit de parler français pour être susceptibles de rire! Pour le moment, ça marche bien partout. Quand je sais que certaines blagues marchent mieux dans certaines villes, je les pousse un peu, c’est sûr, mais j’adapte très peu mon spectacle.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite?

De la paix et de l’inspiration. Un peu de joie aussi. Ou la force d’affronter ce qui va me rendre plus fort… Ouais, ça c’est bien (rires).

Crédit photo: Lucie Nguyen