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Entrevue : Feu! Chatterton – La valse électro-rock du printemps
Conçu avec Arnaud Rebotini, maestro de l’électro et pionnier de la French Touch, Palais d’argile nous plonge dans un univers hypnotique aux sonorités rétrofuturistes. Dans ce vibrant opus, l’élégant quintet parisien parle avec humour et poésie de notre monde hyper-connecté, et des possibles à imaginer. « Laisse-toi porter, sois comme le sable et le vent, retrouve la vérité nue et tous les éléments », lance Feu! Chatterton dans le titre final, « Laissons filer ». Un appel au retour aux sources, et une invitation à danser. On l’espère très vite en concert à leurs côtés. Interview avec Arthur Teboul, chanteur du groupe.
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Pouvez-vous revenir sur la genèse de Palais d’argile ?
Ce projet est né en juin 2019. C’était un été caniculaire et nous étions en pleine tournée. Ce mot semble lointain aujourd’hui (rires). Après de nombreuses dates, nous avons voulu faire une pause. Avec Sébastien Wolf, le guitariste et claviériste du groupe, nous sommes partis quelques jours dans une maison de famille dans les Cévennes, une des régions les moins polluées de France. Coupés de l’agitation du monde et plongés dans cet écrin de nature, nous avons commencé à écrire des chansons de manière assez naturelle, notamment les premières moutures de « Monde nouveau ». On parlait à ce moment là du climat, de l’effondrement, de la vie citadine et de son rythme effrénée.
Vous faites aussi un clin d’oeil au mouvement des « Gilets jaunes » dans « Ecran Total » (Le grand président/ sanglots de reptile/ s’adresse aux sans-dents, ouais/ bien à l’abri dans son palais d’argile/ avec tous ses descendants)…
Cela fait un moment que le mécontentement gronde en France, et dans les démocraties européennes. On en parle avec humour, car nous n’avons pas de réponses à donner. Pendant cette phase d’écriture, nous étions très soucieux du monde qui nous entourait, peut-être plus qu’avant. Ce titre évoque aussi notre obsession pour les smartphones, et notre sensibilité aux sollicitations numériques. Nous ne donnons pas de leçons, car nous les mangeons tous.tes les cookies des navigateurs, surtout en cette période mouvementée. Avec la sortie de l’album, je passe par exemple beaucoup de temps sur Instagram parce que c’est le seul moyen d’avoir le retour direct du public. Et je dois avouer que c’est un vrai plaisir. Mon rapport avec les réseaux sociaux est assez passionnel. Je peux passer de l’amour à la haine. En ce moment, je suis plutôt dans l’amour.
Etes-vous nostalgique du temps d’avant ?
Aujourd’hui, les nostalgiques et les utopistes se rejoignent. Tout le monde a envie que le monde de demain ressemble au monde d’avant. C’est paradoxal. Mais ce serait absurde de fantasmer un temps qui n’est plus. Plutôt que de refuser les écrans, sous prétexte qu’ils seraient diaboliques, il faut s’en emparer, et les habiter à notre manière. Nous avons cette conviction que la poésie et la musique sont des moyens de réinvestir tous ces usages. Nous voulons mener une bataille pour l’imagination, le rêve, la beauté et la lenteur.
Vous faites référence dans votre album à deux poètes, Prévert et Yeats. Pourquoi avez-vous choisi de convoquer ces auteurs ?
Leurs mots ont résonné en nous. Nous les avons découverts à l’occasion d’une collaboration. En parallèle de notre album, nous avions été contactés par la réalisatrice Noémie Lvovsky pour composer douze chansons pour un film musical. Dans le scénario, il y avait « Avant qu’il n’y ait le monde », de William Butler Yeats, et « Compagnons des mauvais jours », de Jacques Prévert. Nous avons mis ces deux poèmes en chanson pour son projet, puis nous avons voulu ensuite les adapter pour l’album. Les chansons, ce sont une suite de petits accidents.
Quand on parle de votre musique, on évoque les termes de rock dandy ou rock littéraire. Qu’en pensez-vous ?
Quand on dit littéraire, les gens pensent que c’est compliqué, alambiqué, voire snob. Je préfère parler de rock poétique. Car la poésie n’est pas que dans les mots. Elle est dans la manière de voir le monde. Nous essayons tout simplement de transmettre des émotions en racontant des histoires. Parfois ça prend des formes énigmatiques, parfois c’est plus simple.
Votre album est produit par Arnaud Rebotini. Pourquoi avoir fait appel à lui ?
Nous sortions d’une tournée où nous prenions un plaisir fou à faire durer les passages les plus répétitifs de certains de nos morceaux sur scène, comme « La Malinche ». On voulait injecter ces instants de trans dans l’album. Quand nous avons fini les maquettes de Palais d’argile, nous nous sommes demandés qui pouvait nous aider à réaliser cette envie. Nous avons rapidement pensé à Arnaud Rebotini. En plus d’être un maître des synthétiseurs analogiques, il a une sensibilité proche de la nôtre. Il a tout de suite compris ce que l’on voulait. Nos références à ce moment là, c’était LCD sound system, avec ses productions technoïdes dansantes. Nous voulions aussi un son très rock et sauvage pour la batterie. Nous avons passé un mois en studio à Bruxelles à travailler ensemble. Arnaud Rebotini nous a beaucoup apporté, notamment en terme de précision. Il nous a conduit vers plus d’épure et de sobriété.
Avez-vous déjà des idées de mise en scène pour vos prochains concerts ?
C’est encore un peu tôt. Mais dans tous les cas, ça sera magique. Nous avons tellement hâte de pouvoir remonter sur scène. Nous avons deux dates programmées pour la tournée. L’une le 29 novembre prochain à l’Olympia, qui est déjà complet, et une autre le 10 février 2022 au Zénith de Paris. Nous avons déjà vendu plus de 1000 places. C’est fou.
Est-ce que vous vous attendiez à un tel accueil ?
On a toujours l’espoir que ce soit bien reçu. Mais là c’est incroyable. Depuis la sortie du disque, il y a seulement dix jours, on reçoit des messages émouvants et intenses. Dans une période, où l’on n’a pas beaucoup de contact avec le public, ça nous touche. Nous sommes heureux de voir que les émotions véhiculées dans nos chansons passent. C’est une grande chance pour des artistes.