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Entrevue : Damien Bonnard dans Les intranquilles – « C’est le film qui compte le plus pour moi »

Dans le dernier film de Joachim Lafosse, il endosse le rôle d'un père de famille en proie à un trouble bipolaire.

Par
Daisy Le Corre
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La première fois que j’ai découvert et apprécié Damien Bonnard, c’était dans Les Misérables de Ladj Ly. Grâce à Cinémania, je l’ai redécouvert dans Les Intranquilles, un film du réalisateur belge, Joachim Lafosse. Et j’ai pris une petite claque existentielle, je l’avoue.

Le pitch ? Damien (Damien Bonnard) est un père de famille, mais aussi un artiste-peintre qui vit avec sa compagne Leïla (Leïla Bekhti) et leur fils Amine. Tout va bien dans le meilleur des mondes sauf que leur quotidien est rongé par le trouble bipolaire de Damien qui refuse de prendre un traitement au lithium, censé l’apaiser mais aussi l’anéantir.

https://www.youtube.com/watch?v=7SnUrXJfCiw

« Joachim m’a appelé pour me proposer le scénario et ça m’a tout de suite plu. Parce que c’est d’abord une histoire d’amour, ce film. C’est vraiment ce qui m’a motivé à accepter le rôle », nous confiait Damien dont la seule crainte était de se rater ou de faire un film cliché sur la maladie. Pour éviter cet écueil, il a pu compter sur Joachim Lafosse qui maîtrise parfaitement le sujet, et pour cause. « J’ai toujours eu envie de raconter ce qu’il se passait à la maison quand j’étais enfant. Mon père a été hospitalisé pour maniaco-dépression (l’autre terme pour la bipolarité, ndlr). Je voulais autant parler de l’entourage que de celui sur lequel on a mis un diagnostic », racontait le réalisateur belge à l’AFP, pour la première fois en lice pour la Palme d’or à Cannes cette année.

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Micropsychanalyse, nage en pleine mer et boxe

« Je me suis beaucoup préparé pour ce rôle, j’ai lu plein de livres, j’ai échangé longuement avec un très bon ami atteint de bipolarité. C’est un peu pour lui que j’ai fait ce film aussi », explique Damien qui a passé du temps à l’hôpital psychiatrique de Saint-Anne en compagnie d’une psychiatre pour en savoir plus sur la maladie et ses rouages. « Et puis j’ai fait une micropsychanalyse avec Françoise Gorog qui connait très bien la bipolarité et qui m’a mis en lien avec ses patients. Pour le film, j’ai aussi appris à nager en pleine mer et à ne pas avoir peur ; j’ai travaillé avec un boxeur pour switcher d’un état à l’autre, etc. Tout ça pendant 2 mois avant d’entamer le tournage ».

En incarnant son personnage, Damien Bonnard a aussi découvert certains travers de personnalité liés aux troubles bipolaires, notamment ce rapport complexe à la perte et au manque. « Les échecs compulsifs aussi, et tout ce qui se passe dans ces phases maniaques de toute-puissance où, tout à coup, on a des projets démesurés et on croit que tout est possible. J’ai pris du plaisir dans cette joie-là et dans cette euphorie, même si on sait qu’elle est dangereuse puisqu’elle est suivie de la dépression », raconte l’acteur qui estime d’ailleurs que, paradoxalement, c’est la dépression qui lui a demandé le plus de travail physique. « La non-énergie demandait beaucoup d’énergie pour ne pas en avoir. J’ai aussi pris 14 kilos pour ce rôle, c’était intense. »

« Je crois que c’est un film sur l’amour et sur les places qu’on se donne »

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Damien Bonnard a pris son rôle à coeur et ça se voit : il crève littéralement l’écran, il est déchirant de vérité. « Mon ami (bipolaire) a vu le film, il a été touché, il s’est reconnu, ça l’a bousculé. Pour certaines scènes, il avait vraiment l’impression de se voir à l’écran. C’était important d’avoir son avis ».

Le message principal du film ? « Se rappeler que les choses ne sont jamais acquises. Quand une histoire d’amour va bien, il faut faire hyper attention pour continuer de la vivre sans enfermer l’autre dans un rôle, dans une case ou dans un diagnostic. On aurait pu remplacer la bipolarité par autre chose, la toxicomanie par exemple. La bipolarité n’est pas le sujet du film. Le message c’est peut-être aussi : comment se battre pour qu’une histoire d’amour continue ou qu’elle s’arrête sans faire trop de casse ? Comment faire pour laisser l’autre tel qu’il est sans se faire de mal mutuellement ? Je crois que c’est un film sur l’amour et sur les places qu’on se donne ».

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C’est aussi un film dur, à l’image de la vie. Un film qui remue, qui laisse des traces. « C’est surtout le film qui compte le plus pour moi, et cette famille me manque beaucoup. Alors, allez le voir ou le revoir », lance Damien pour conclure notre Zoom.

Oui, allez voir et revoir ce film d’amour. Ne serait-ce que pour vous rappeler qu’on est tous.tes l’intranquille d’un.e autre.