Logo

Enquête exclusive : mais que deviennent les animaux-acteurs ?

Entre destins brisés et vie de pacha.

Par
Oriane Olivier
Publicité

Il a la truffe humide, le regard vif, et du charisme à revendre : et non on ne parle pas de Ryan Gosling dans le dernier Barbie mais bien de Messi, le sémillant border collie d’Anatomie d’une Chute, dont l’incroyable performance suscite l’admiration depuis quelques mois outre-Atlantique.

Un jeu d’acteur qui lui a même valu d’être câliné par tout le gratin d’Hollywood au dîner officiel des nommé.es aux Oscars, d’apparaître en compagnie de la chanteuse Billie Eilish dans les pages du New-York Times, et de recevoir une Palm dog, c’est-à-dire la plus haute distinction décernée par le monde du 7ème Art pour un canidé.

Publicité

Il faut dire que le chien a du talent à revendre, et qu’il agonise à l’écran avec plus de prestance que certain.es comédiens ou comédiennes oscarisé.es…. Mais si l’adorable berger peut compter sur sa dresseuse Laura Martin Contini, pour veiller à son bien-être en toutes circonstances et s’assurer que son compagnon n’ait pas les papattes qui gonflent sous l’effet du succès, les animaux-acteurs font souvent les frais d’une industrie qui jette ou remplace ses idoles avec beaucoup de célérité…

Publicité

C’est bien simple, si certains finissent par mourir de leur belle mort à un âge canonique auprès de leurs familles, on ne compte plus le nombre d’animaux aux destins brisés par Hollywood, et parfois lâchement sacrifiés sur l’autel de la mise en scène. Alors, que deviennent vraiment les comédiens non humains, quand ils ne sont plus sous le feu des projecteurs ?

Publicité

DES CHEVAUX ET DES HOMMES

On achève bien les chevaux est le titre d’un film de Sydney Pollack sorti en 1969, et dont l’intrigue n’a pas grand chose à voir avec les canassons. Mais à en croire la fâcheuse tendance d’Hollywood à maltraiter les équidés : c’est aussi le mantra de pas mal de réalisateurs anglo-saxons. Ainsi, c’est après la sortie sur grand écran en 1939 du western Jesse James (réalisé par Henry King), dans lequel un fier destrier est tiré jusqu’au bord d’une falaise, et jeté dans le vide pour le simple plaisir visuel de le voir tomber, que l’American Humane Association (qui, comme son nom ne l’indique pas du tout, est une organisation de protection des animaux) a imposé la surveillance rigoureuse des plateaux, pour lutter contre les mauvais traitements infligés à nos amies les bêtes.

C’est d’ailleurs cette même association qui est à l’origine du fameux label “aucun animal n’a été maltraité durant le tournage”, censé garantir au spectateur une production sans aucune cruauté animale.

Publicité

Mais si l’institution a inspecté des dizaines de milliers de films au fil des ans, et que ses agents disposent même depuis plusieurs décennies de certains pouvoirs qui sont normalement les prérogatives des policiers (comme par exemple, le fait de procéder à des arrestations), beaucoup de voix s’élèvent aujourd’hui pour dénoncer la complaisance de l’AHA envers l’industrie cinématographique. Et pour cause, l’association est en réalité financée en partie par des grands studios… Vous avez dit “conflit d’intérêt” ? Alors même si on est aujourd’hui loin des 100 chevaux morts durant le tournage du péplum Ben-Hur, la santé des équidés est encore loin d’être une priorité. En témoigne l’arrêt prématuré de la production de la série sur le monde hippiqueLuck, en 2012, pour éviter l’hécatombe (et surtout le scandale), après la mort suspecte de trois étalons stars du show…

TOUCHER LE FOND DU BASSIN

Si le prénom de Keiko ne vous dit peut-être rien, vous connaissez certainement son alter-égo de fiction : Willy. Eh oui, cette orque mâle capturée à l’âge de trois ans en Islande, a vécu près de 15 ans en captivité dans un parc aquatique du Mexique, avant d’être repérée par une directrice de casting pour incarner le mammifère marin dans le film à succès Sauvez Willy. Des années de spectacles quotidiens, dans une eau surchauffée (les orques évoluent habituellement sous des températures glaciales) et prisonnière d’un bassin conçu à l’origine pour accueillir des dauphins trois fois moins imposants…

Publicité

Des conditions de vie abominables, dont on peut d’ailleurs voir les stigmates sur le corps même de l’animal dans le long métrage, comme ces plaques d’eczéma autour de ses nageoires, et l’atrophie de son aileron. Ironie du sort : si le film visait à dénoncer l’effet délétère de ce genre de pratiques sur la vie sauvage, et s’achevait sur la liberté retrouvée du cétacé, Keiko a quant à lui bien failli terminer sa vie dans le bassin du parc Reino Aventura, où il avait été trouvé.

Publicité

Ce n’est en effet que grâce à la campagne d’informations menée par des militants pour alerter l’opinion publique sur sa condition, et sous la pression populaire, qu’il sera finalement transféré dans un grand bassin construit spécialement pour lui. Une immense piscine qui aura coûté 7 millions d’euros à la Warner (pour un box-office de 153 millions de dollars). Il sera ensuite relâché dans la nature et s’éteindra d’une pneumonie en Norvège, à l’âge de 27 ans seulement (l’espérance de vie des orques mâles est en moyenne de 60 ans). Jusqu’à sa mort en 2003, il aura continué à rechercher désespérément la compagnie des humains plutôt que celle de ses congénères, et à se rapprocher des Fjords pour jouer avec des enfants…

Et la vie de l’une des interprètes de Flipper le dauphin n’aura guère été plus heureuse. Joué alternativement par deux dauphins femelles (Susie et Kathy), réputées moins agressives que les mâles, et donc moins susceptibles d’avoir des cicatrices apparentes sur l’épiderme, le facétieux cétacé était bien plus sombre en coulisse qu’à la télé. Ainsi, d’après l’un de ses soigneurs, Ric O’Barry, devenu par la suite un fervent militant contre l’exploitation des animaux marins, Kathy aurait mis fin à ses jours peu de temps après l’arrêt de la production de la série. Très déprimée par la perspective de passer le restant de son existence enfermée, elle aurait fait ses adieux à son dresseur, avant de cesser volontairement de respirer et de se laisser couler au fond de l’eau.

Publicité

Une tragédie peu surprenante quand on sait par exemple que dans les delphinariums, les dauphins meurent deux fois plus jeunes que leurs congénères en liberté. Certains foncent même tête la première contre les parois de leurs bassins pour s’assommer…

UNE VIE DE CHIEN

Bien qu’on ne connaisse pas le sort des nombreux chats noirs qui se sont succédés à l’écran pour interpréter Salem dans la série pour ados Sabrina l’apprentie sorcière, quand la célèbre marionnette animée était en congés, et qu’on ne sache rien non plus de la fin de carrière de Lucky Prince, le méchant Persan qui voulait zigouiller Stuart Little, ou encore de la destinée des 176 porcelets qui ont joué Babe dans les deux opus de la saga porcine – dont le premier long-métrage fut tout de même nommé pour l’Oscar du meilleur film en 1996 – si ce n’est qu’ils ont sans doute terminé leur vie en rillettes au lieu de devenir des petits cochons bergers, le parcours des chiens stars de l’audiovisuel est quant à lui plus facile à retracer.

Publicité

Car parmi tous les animaux que l’on retrouve sur les plateaux, ce sont les chiens qui sont les mieux lotis et protégés. Il faut dire qu’ils ne ménagent pas leurs efforts pour satisfaire les attentes des réalisateurs et que les équipes de production le leur rendent bien. Ainsi Kris, le Saint-Bernard de 85 kilos qui interprète Beethoven dans les deux premiers volets de la saga du même nom, a multiplié les apparitions dans des publicités et des émissions avant de s’éteindre tranquillement chez lui en Californie en 2007, après avoir bavé des litres de salive (dixit sa dresseuse) sur tous les plateaux de tournage où il était convié.

Pal, l’interprète de Lassie, chien fidèle, qui était en réalité un mâle sélectionné parmi plus de 300 autres colleys aux crocs qui rayent le parquet, a pris une retraite bien méritée après être apparu dans 8 longs-métrages et obtenu son étoile sur Hollywood Boulevard. De son vivant, il possédait son propre appartement dans lequel on faisait venir des femelles pour des rencontres arrangées. Et la technique a plutôt bien fonctionné puisque tous les autres chiens-acteurs qui ont interprété son personnage par la suite, étaient ses descendants.

Publicité

Quant à Frank le Carlin – Mushu, de son vrai nom – la véritable star des films Men in Black qui vole la vedette à Will Smith et Tommy Lee Jones sans forcer, il a tiré définitivement le rideau peu avant le tournage du troisième opus. Mais il aura connu un quotidien de diva avant de passer l’arme à gauche : voyages en classe affaires, chambres d’hôtels luxueuses, livraison de repas mitonnés par des chefs et eau en bouteille… Bref, dans le monde impitoyable du cinéma, pour mener une vie de pacha, il vaut donc parfois mieux avoir des coussinets que des convictions.