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En ces moments troubles, choisir de se tourner vers l’art

Essentiel maintenant plus que jamais.

Par
Jonathan Quesnel
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COVID-19, pandémie mondiale, afflux de l’information frénétique, engorgement du système hospitalier, confinement, incertitude économique, anxiété virale, milliers de morts. Voilà, pour l’essentiel, les nouveaux masques que porte le visage du monde. Des masques jamais vus, qui font peur, qui perturbent.

Les grandes épidémies et pandémies du passé ont déjà provoqué ce type de séisme. Évidemment, les contextes étant différents, les impacts le furent tout autant. Mais le principe reste le même : une ombre inconnue, traversant les frontières et les cultures, qui plonge dans l’obscurité tous les êtres humains.

Quelle sera la gravité réelle du COVID-19 une fois la poussière retombée? Quels seront les chiffres, les statistiques, les colonnes graphiques des pertes humaines et des éclopé.e.s? Quel sera le prix à payer économiquement pour que les sociétés puissent retomber sur leurs pieds? Que retiendrons-nous de cette expérience profondément marquante? Apporterons-nous des changements majeurs? Individuellement et collectivement? De bien grandes questions et si peu de réponses… pour l’instant. Laissons donc le temps faire son œuvre et tentons, dans la mesure du possible, de porter un regard sur les vallées plus lointaines, celles qui s’éloignent de l’autoroute médiatique.

Tout ce qui échappe au filtre informationnel n’en demeure pas moins réel. Et toutes ces autres parcelles de réalité qui n’ont pas été captées par l’œil des caméras, par la plume du journaliste ou par un comité exécutif n’en demeurent pas moins vivantes.

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LA réalité n’est jamais que la mosaïque DES réalités vécues et représentées par ceux et celles qui en font l’expérience. Sur le vaste terrain de jeu qu’est le monde, il y a une myriade de situations et de problèmes qui surgissent en même temps. Et pour pouvoir en rendre compte, il faut choisir. En d’autres mots, il s’agit toujours, qui que nous soyons, de « découper » la réalité; je choisis de lire un article plutôt qu’un autre, CNN choisit de reporter une information plutôt qu’une autre, le premier ministre choisit de privilégier un mode de gestion plutôt qu’un autre, et ainsi de suite. Mais tout ce qui échappe au filtre informationnel n’en demeure pas moins réel. Et toutes ces autres parcelles de réalité qui n’ont pas été captées par l’œil des caméras, par la plume du journaliste ou par un comité exécutif n’en demeurent pas moins vivantes. Pendant que je m’informe sur le nombre de décès en Italie, il y a une jeune femme à Montréal qui donne de la nourriture à un sans-abri. Et pendant que tu t’informes sur les vols de masques N-95 dans les hôpitaux du Québec, il y a un policier, quelque part en Espagne, qui réconforte les confiné.e.s en jouant de la guitare dans la ruelle. Et toutes ces réalités sont vraies. Ce qui me ramène à cette idée de faire un choix.

Aujourd’hui, j’ai décidé d’observer l’impact que peut avoir l’art sur les gens, de remarquer l’ondulation d’espoir qu’elle peut créer. L’art, en ces moments d’isolement et d’inquiétude, permet d’ouvrir la pensée sur autre chose, permet au corps de danser sur le rythme des spectacles de balcons, permet au cœur de reprendre son souffle. Et, surtout, l’art permet de revisiter des zones cognitivo-affectives qui sont fondamentales à l’espèce humaine. Bien avant le règne du néolibéralisme et des obligations du consumérisme, les néandertaliens ornementaient leurs lieux de sépultures, jouaient de la flûte et du tambour et peignaient dans les grottes. Depuis toujours, notre rapport à soi et à l’autre passe donc par un besoin d’esthétisation. Un besoin qui, par les temps qui courent, semble ressurgir un peu partout sur le globe comme les bourgeons qui renaissent au printemps.

Tisser de la communauté (fonction sociale), dire autrement l’étrangeté de ce que nous vivons (fonction symbolique) et poser un baume sur l’anxiété qui se propage parfois plus vite que le virus (fonction thérapeutique).

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À voir toutes ces personnes s’activer virtuellement (et physiquement) à produire et à partager de l’art, pour toutes ces autres personnes qui la reçoivent et qui en bénéficient, il me semble qu’une évidence se dessine presque naturellement : indépendamment de nos provenances et de nos croyances, l’art occupe plusieurs fonctions « essentielles ». Tisser de la communauté (fonction sociale), dire autrement l’étrangeté de ce que nous vivons (fonction symbolique) et poser un baume sur l’anxiété qui se propage parfois plus vite que le virus (fonction thérapeutique). Il me semble alors qu’une deuxième évidence se dessine tout aussi naturellement : ces fonctions excèdent l’unique rentrée monétaire dans laquelle elles se confinent normalement en période de budget semestriel; elles nous rappellent qui nous sommes. Il ne faudrait pas l’oublier pour la suite des choses.

Aujourd’hui, c’est donc là que j’ai choisi de regarder. Et je dois avouer que ce regard m’émeut. Il y du beau qui fourmille dans le ventre de la bête. J’espère que vous le voyez aussi.

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Pour finir, je laisse la parole à Leonard : « There is a crack in everything/That’s how the light gets in. »

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L’auteur, Jonathan Quesnel, est doctorant en sciences des religions