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En attendant le retour d’Atlanta
On a tous déjà regardé au complet une série sur Netflix qu’on n’avait pas vraiment envie de voir. Par lassitude, pour passer le temps, parce qu’il n’y a rien d’autre à regarder, pour rentabiliser son abonnement. Chacun ses raisons et il n’y a rien de mal à ça.
Ça m’est d’ailleurs arrivé plusieurs fois avec les séries Marvel disponibles sur la plateforme : The Punisher (que j’ai quand même aimé), Luke Cage, Jessica Jones. Je ne sais pas pourquoi j’ai passé autant de temps rivé devant mon écran à les regarder, mais je l’ai fait.
Ça fait dix ans que mes amis américains me disent de regarder la mythique série Terriers, mais j’ai aucune envie de payer pour louer les 13 épisodes sur iTunes.
Souvent, on regarde des séries juste parce qu’elles sont disponibles sur la plateforme pour laquelle on paie déjà et on se prive d’en regarder d’autres. Ça fait dix ans que mes amis américains me disent de regarder la mythique série Terriers, mais je n’ai aucune envie de payer pour louer les 13 épisodes sur iTunes. C’est comme si ça me rendait inconfortable d’aller voir ailleurs alors que je n’ai pas été au bout de tout ce que mon autre abonnement a à offrir.
C’est con, mais c’est comme ça.
Pourquoi je vous dis ça ? Parce que parfois, ça vaut la peine de pourchasser son divertissement. J’ai regardé une de mes séries préférées de tous les temps sur un vieil ordi qui rame, en 2018. Il s’agissait de la comédie surréaliste Atlanta, signée par le Childish Gambino lui-même, Donald Glover. Bien qu’on annonce sa venue sur Disney+ très bientôt, c’est encore difficile de la trouver en France. Ça vaut clairement la peine de « fouiller sur le web » comme on dit.
Ça vaut d’autant plus la peine que la production reprendra bientôt et qu’on devrait avoir une troisième saison en 2021 ! Woohoo ! Si vous n’êtes pas familiers avec la série qualifiée par son créateur de « Twin Peaks avec des rappeurs » , suivez le guide.
Réalisme vs Surréalisme
Atlanta, c’est d’abord l’histoire d’Earn Marks (Donald Glover), un jeune homme brillant qui vient tout juste de lâcher Princeton pour revenir à la maison auprès de sa blonde Vanessa (la toujours excellente Zazie Beetz) et de sa petite fille Lottie. Ayant besoin de faire de l’argent rapidement pour subvenir aux besoins des siens, il offre à son cousin Alfred (Brian Tyree Henry) alias la nouvelle star du rap local Paper Boi, de devenir son gérant.
La série fait de gros efforts pour représenter la réalité de la ville d’Atlanta telle qu’elle est. Sans mise en scène ni composition. Sauf que…
À première vue, Atlanta semble être une série ultra-réaliste au sujet de la difficulté pour les jeunes personnes racisées d’avoir accès au rêve américain. Malgré son statut de célébrité locale, Paper Boi vit dans un appartement miteux avec un coloc étrange (joué par le talentueux LaKeith Stanfield). Le « bureau » où Earn et lui discutent de travail est un vieux divan abandonné sur un terrain vague. Earn se déplace à pied et prend l’autobus. Vous voyez le genre.
La série fait de gros efforts pour représenter la réalité de la ville d’Atlanta telle qu’elle est. Sans mise en scène ni composition. Sauf que…
Ce qui rend Atlanta aussi magique et imprévisible, c’est 1) son sens de l’humour bien aiguisé et 2) ses moments de surréalisme inexplicables et surtout inexpliqués. Le surréalisme d’Atlanta a beaucoup fait parler, parce qu’il fait toujours allusion à l’adversité complètement absurde à laquelle font face les communautés racisées. Comme dans la fameuse scène où un étudiant de l’école où Vanessa travaille décide d’assister à ses cours avec un whiteface.
C’est triste, drôle, gênant et source de réflexion à la fois.
Une critique sociale songée et rassembleuse
L’épisode Nobody Beats the Biebs est autre bon exemple de l’usage du surréalisme pour critiquer un phénomène social de façon intelligente et nuancée. À l’époque (2016), Justin Bieber faisait les manchettes pour ses comportements abusifs et ses multiples excès. On en est plus conscients aujourd’hui, mais ses frasques n’ont vraiment pas affecté sa popularité. En fait, elles sont largement oubliées.
Dans l’épisode d’Atlanta, Bieber participe à une partie de basketball entre célébrités. Sa présence est attendue, les médias couvrent le match, c’est un peu la folie. Lorsque The Biebs se pointe finalement (en retard)… il est Noir ! Au-delà de la blague évidente, le changement de couleur de peau sert à illustrer une question bien précise : est-ce qu’on aurait laissé Bieber être aussi désagréable, aussi longtemps, avec tout le monde s’il n’avait pas été blanc ?
L’épisode le plus mémorable de toute la série est cependant l’épisode 7 de la première saison B.A.N (Black American Network). Regardons cet extrait ensemble :
Dans cette entrevue où Paper Boi se fait accuser d’être transphobe à cause de ses commentaires sur Caitlyn Jenner, Donald Glover met en lumière avec doigté notre difficulté à aborder les enjeux de société complexes sans tomber dans le piège de la polarisation ou dans celui de l’hypersimplification.
En gros, c’est ça Atlanta : une écriture habile, un format complètement éclaté et une compréhension de multiples enjeux sociaux distillés dans une série de situations parfois hilarantes et parfois tragiques. À mon avis, c’est le reflet le plus pur de l’immense talent de Donald Glover. Si vous ne voulez pas attendre son arrivée sur Disney+, je vous conseille de louer Atlanta sur iTunes ou YouTube… ou encore…