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En 2020, la transphobie tue encore
Ce vendredi 20 novembre, c’est la Journée internationale du souvenir Trans. L’occasion pour les associations (et les bons médias) de rappeler que la transphobie tue encore en 2020, en France et ailleurs.
« Tu devrais voir les trucs que je fais aux tapettes dans ton genre. Suis sûre que tu aimes les châtiments. Z’aimez toutes ça ». Dans la BD #BalanceTaBulle – anthologie rassemblant les récits poignants de soixante-deux dessinatrices victimes de harcèlement et de violence sexuelle, la bédéiste américaine trans Sarah Allen Reed se souvient du commentaire qu’elle a reçu de la part d’une organisatrice d’un festival de BD. Glaçant, son témoignage résonne particulièrement ce 20 novembre, Journée internationale du souvenir Trans. Et c’est quoi au juste ? Je vous vois déjà vous poser la question.
Chaque année, depuis 1998, cette journée rend hommage aux victimes de transphobie mais aussi aux personnes assassinées ou poussées au suicide en raison de leur identité de genre. En France, on retient le nom de Vanesa Campos, cette travailleuse du sexe originaire du Pérou, sans papier, tuée en 2018 au bois de Boulogne. Ou plus récemment celui de Doona, cette étudiante trans de 19 ans, qui s’est jetée sous un train en gare Saint-Roch à Montpellier, le 23 septembre dernier. Si ces exemples sont les plus médiatisés, je découvre qu’ils sont loin d’être isolés.
#MetooTrans
« Depuis le début de l’année, des personnes de mon entourage m’ont relayé cinq suicides », me confie Aria du collectif anti-transphobie. D’après les chiffres du ministère chargé de l’égalité entre les hommes et les femmes, les personnes trans ont un risque de suicide sept fois plus élevé que le reste de la population. « Il faut s’interroger sur les origines. Cela ne vient pas de la transidentité mais de la transphobie qu’elles peuvent vivre », relève Aria.
Cette femme transgenre de 22 ans m’explique être confrontée à des remarques dès qu’elle met un pied hors de son domicile. Il s’en suit des rires moqueurs, des insultes. « Il y a aussi de la curiosité mal placée. Lors d’un rendez-vous, ma banquière m’a par exemple posé des questions sur mes futures opérations. » Depuis 2019, une pluie de témoignages abondent sur Twitter sous le hashtag #MeTooTrans pour relayer ce type de comportements mais aussi des cas d’agressions sexuelles.
Pour Aria, la lutte contre la transphobie passe par un travail de pédagogie et de sensibilisation, aussi bien dans les entreprises que les écoles. Le 14 octobre dernier, un plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ a été annoncé par le gouvernement. Une des mesures vise à mettre en place un guide sur l’accueil des élèves et des étudiants trans à destination de l’ensemble du personnel de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur, notamment sur l’utilisation de la civilité et du prénom d’usage.
La peur du psy
Mais l’évolution des mentalités se joue également du côté des professionnels de la santé. Alors que la transidentité a été retirée par l’OMS de la classification des troubles mentaux en 2019, certains psychiatres sont encore attachés à une vision pathologisante qui assimile le refus du genre assigné à la naissance comme une forme de psychose.
« Dans l’histoire de la psychiatrie, les personnes transgenres ont été très stigmatisées et rejetées », m’explique Nahuel Perez de Mendiola, psychologue de l’association Acceptess-t. « C’est parfois plus facile pour elles de se tourner vers des associations qui proposent une écoute bienveillante.»
Ces dix dernières années, les pratiques cliniques changent dans les pays anglo-saxons. Comme l’explique Denise Medico, psychologue et professeure au département sexologie de l’UQAM, on y favorise une attitude trans-affirmative sur le modèle de ce qui a été fait pour l’homosexualité il y a trente ans. « Jusqu’à 2010, la prise en charge était orientée sur la pose d’un diagnostic pour donner accès à des traitements médicaux de réassignation de genre », me détaille-t-elle. « Aujourd’hui, on parle de confirmation de genre. Une démarche trans-affirmative ne vise pas à remettre en question le désir de la personne par rapport au changement mais à évaluer la portée de sa souffrance. »
La personne comprend-elle l’impact des traitements ? A-t-elle la capacité de poser un consentement éclairé ? Souffre t-elle d’une dysphorie de genre, c’est-à-dire un malaise important avec le genre qui lui a été assigné ? En Europe, et notamment en France, de jeunes professionnels s’intéressent de plus en plus à cette nouvelle approche, comme Denise Medico le note à travers les demandes de formation qu’elle reçoit au sein de la fondation Asadis.
Un petit pas pour se mettre au diapason de la société où le questionnement sur le genre (ou plutôt les genres) et la réappropriation de son corps ont pris une place à part entière. Il était temps.