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Dyspareunie d’intromission : « J’ai l’impression qu’on me déchire de l’intérieur »

Ou quand le sexe n'est que douleurs.

Par
Eloïse Goix
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-J’ai trouvé ! Vous êtes atteinte de dyspareunie d’intromission.
-Dy- quoi ?, ai-je répondu à ma gynécologue lorsqu’elle a prononcé ce terme médico-scientifique un peu abstrait un soir de février 2020.

Elle m’a sauvée, en réalité. Vous comprendrez pourquoi plus tard.

Nous sommes en avril 2019, j’ai 22 ans. Je ne le sais pas encore mais mon quotidien va changer, je pèse mes mots. Du jour au lendemain, sans la moindre explication, mon corps de femme m’abandonne. Je ne suis plus en mesure d’avoir des relations sexuelles avec l’homme qui partage ma vie depuis déjà plusieurs années. Dès qu’il m’effleure, je bondis. Ne parlons pas de la pénétration. J’ai l’impression qu’on me déchire de l’intérieur, qu’on me coupe avec une lame de rasoir. C’est mon corps entier qui se paralyse. Au début, j’essaye de comprendre toute seule. Je me construis un scénario bateau dans ma tête : « Ça doit être le stress, je dois être un peu contrariée en ce moment ». Rien à faire. Les douleurs persistent, s’accentuent. Je culpabilise. Je suis dans une relation longue durée, installée… si j’enlève le sexe, que restera-t-il ? Alors j’essaie tant bien que mal de me dire que le prochain rapport sera différent.

J’appelle alors une acupunctrice de renom. Elle soigne Emmanuel Macron, je me dis qu’elle va bien réussir à me soigner moi aussi.

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Pourtant, je l’appréhende, j’angoisse à l’idée d’avoir mal à nouveau. Je me force à coucher avec lui car je ne veux pas me sentir impuissante. Je ne voulais pas qu’il se dise que notre vie sexuelle allait être réduite à néant mais je n’avais plus envie d’être dans l’intimité avec lui. Les mois ont passé, aucune amélioration en vue. Je suis désespérée. J’essaye alors d’être la meilleure petite-amie possible. Je me rattrape autrement, je le couvre de cadeaux, de petites attentions au quotidien. Je veux qu’il se dise que malgré notre errance sexuelle, je suis quand même à la hauteur. La pression sociale… Après un an de souffrance, je décide de prendre rendez-vous chez ma gynécologue. J’attends cette consultation comme un enfant qui trépigne d’impatience à Noël. Je prie de toutes mes forces qu’elle me trouve quelque chose Je suis prête à tout entendre, je veux guérir, je veux récupérer mon corps. Elle m’ausculte mais ne voit rien d’anormal et me prescrit deux crèmes inefficaces. Je me rends alors chez mon généraliste. Il m’envoie réaliser des analyses en tout genre, RAS. Sous les conseils avisés de ma mère, j’appelle alors une acupunctrice de renom. Elle soigne Emmanuel Macron, je me dis qu’elle va bien réussir à me soigner moi aussi.

Énième spécialiste, rien n’y fait. Et dans un français approximatif, elle me dit : « Ma chérie, c’est pelvien ». Ça ne m’aide pas plus que ça.

Je suis épuisée moralement. Les diagnostics sont flous, incomplets, je ne comprends pas pourquoi personne ne réussit à poser des mots sur mes maux. Je me sens toute seule. Ah non pas si seule, ma détresse est avec moi !1 an après la première consultation, je demande un nouveau rendez-vous en urgence chez ma gynécologue, ça ne peut plus durer. Elle prend le problème très au sérieux. Après lui avoir fait un historique précis et complet de mes douleurs, la consultation chez l’acupunctrice lui fait tilt. Quelques minutes de silence s’écoulent… elles me paraissent une éternité. D’une voix enjouée, elle me lance : « Je sais ! J’ai trouvé ! Vous êtes atteintes de dyspareunies d’intromission ». Elle me parle une autre langue, je ne comprends pas ce terme. Elle m’explique que ce sont des douleurs qui surviennent lors de la pénétration vaginale. Il y a les dyspareunies de présence quand la douleur est localisée à l’entrée du vagin et les dyspareunies profondes lorsqu’elle est localisée au fond du vagin. Il s’agit d’une pathologie souvent liée à des facteurs psycho-socio-culturels et au rapport à sa sexualité.

« Voilà. Vous avez trouvé toute seule. L’arrivée de vos douleurs corrèlent avec cette trahison que votre corps a décidé de rejeter. »

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Immédiatement, la gynécologue m’écrit un numéro sur un bout de papier : celui d’une ostéopathe interne (ostéopathie pelvienne). Dix jours après, j’étais dans son cabinet. « Avez-vous subi des traumatismes dans votre vie ? », me demande le docteur à la première consultation. Sans réfléchir, je fais non de la tête. Elle faisait référence à un viol ou un inceste. Ensemble, on essaye de comprendre l’origine de ces douleurs. Au bout d’une vingtaine minutes à discuter sur la table d’examen et alors que cette dernière avait déjà effectué un touché vaginal horriblement douloureux et un touché réctal pas plus agréable, j’ai une illumination : « Je crois que j’ai vécu un traumatisme mais je ne sais pas si c’est légitime. J’ai été trompée par mon copain actuel, je l’ai découvert de la pire des manières, je crois que je m’en suis jamais vraiment remise. » D’un regard doux et bienveillant, elle me rétorque : « Voilà. Vous avez trouvé toute seule. L’arrivée de vos douleurs corrèlent avec cette trahison que votre corps a décidé de rejeter. »

EN-FIN ! Immédiatement, tout fait sens. Pendant plus d’un an, nous avons beaucoup travaillé ensemble, autant sur le plan physique que psychique. Je me suis attachée à elle.

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Le bilan : les douleurs étaient encore présentes mais j’arrivais à les gérer. Pas de quoi crier pleinement victoire…

Aujourd’hui, à 24 ans, je vais mieux. Depuis six mois, j’ai dit adieu aux dyspareunies d’intromission. La clé de la guérison ? Une rupture et une belle rencontre. Quelques mois après m’être séparée de mon ex-copain, quelqu’un d’autre est entré dans ma vie. J’étais très anxieuse à l’idée de coucher avec lui, j’avais tellement peur d’avoir mal et de repartir dans une spirale infernale. Miracle ! Mes douleurs sont restées avec mon passé, loin de moi. Après 3 ans de souffrance, j’ai enfin récupéré mon corps. Tu m’avais manqué.

À vous toutes.