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Dupond-Moretti et les seins nus des journalistes : petit florilège du sexisme en politique
Eric Dupond-Moretti a fait sa rentrée avec un déplacement à Aurillac afin de constater les dégradations du tribunal judiciaire commises en marge d’une manifestation de soutien à une femme, interpellée quelques jours auparavant pour “exhibition sexuelle”. La prévenue s’était promenée seins nus, au milieu des hommes torse-poil… Une arrestation à laquelle le Garde des Sceaux n’a pas pu s’empêcher de faire référence, en glissant une remarque graveleuse, à l’intention des journalistes présentes sur place. “Je constate que parmi les journalistes femmes qui m’ont interrogé, personne n’était devant moi les seins nus, hein. Il ne faisait pas assez chaud ?”
La plaisanterie a fait l’objet de vives critiques dans la presse, et suscité l’indignation de plusieurs personnalités politiques, mais elle rappelle surtout que la misogynie colle encore aux basques des hommes de pouvoir, comme Manuel Valls à l’espoir de relancer sa carrière. On se souvient en effet des sifflements qui ont accueilli Cécile Duflot à la tribune de l’assemblée nationale, lorsqu’elle s’est présentée en robe dans l’hémicycle. Ou de l’injonction du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin – dont on ne détaillera pas ici tout le pedigree de mascu – adressée à la journaliste Apolline de Malherbe en 2021 (“Calmez-vous madame, ça va bien se passer”). Et la phallocratie est transpartisane, alors les élus de droite comme de gauche se tirent souvent la bourre pour faire étalage de leur machisme. Voici quelques-unes de ces phrases prononcées par des ministres, des chefs d’état ou des députés, qui prouvent que dans la sphère politique française, le sexisme est aussi répandu que les emplois fictifs.
BERNARD ROMAN : FAN DE BIGARD
En 1997, Bernard Roman (ancien député du parti socialiste, et président jusqu’en 2022 de l’Autorité de régulation des transports) a confondu la buvette de l’Assemblée Nationale avec une peña de Bayonne. Tandis que Marisol Touraine se désaltère entre deux séances, il l’interroge : “Tu connais la différence entre une minute de sodomie et une minute de fellation ?” – L’intéressée est sans voix, mais Bernard poursuit : “Tu as deux minutes ?”. Elle lui jettera son verre d’eau à la figure. Visiblement, l’homme politique ne distinguait pas pour sa part l’humour du harcèlement sexuel.
VALÉRY GISCARD D’ESTAING : MINISTÈRE AMER
Dans sa trilogie de livres Le Pouvoir et la Vie, l’ancien président de la république Valéry Giscard d’Estaing, décrit ainsi son ancienne ministre chargée des universités, Alice Saunier-Séïté : “Son corps est musclé, avec des mouvements d’une aisance féline, et des jambes qui me paraissent bronzées. Une pensée bizarre me traverse l’esprit : quand elle faisait l’amour, elle devait y mettre la même véhémence.” Pas sûr qu’il se serait permis de fantasmer avec autant d’emphase la manière de se palucher de son premier ministre Raymond Barre.
FRANÇOIS HOLLANDE : EX TOXIQUE
En 2007 Laurent Fabius lance cette pique à Ségolène Royal, qui vient d’annoncer sa candidature à la primaire socialiste : “Mais qui va garder les enfants ?” 15 ans plus tard, les éléphants du PS sont toujours aussi en forme. Interrogée en 2022 à propos de son ex-compagne sur le plateau de l’émission Quelle époque ! et invitée à lui poser une question, l’ancien président de la République, François Hollande, pense faire un trait d’humour en lui adressant cette remarque : “Il faut que tu t’occupes de la petite”. Fou rire dans le public. Effectivement, l’ex chef d’Etat n’a pas dû s’occuper très souvent de sa benjamine, car à 30 ans passés, pas sûr qu’elle ait encore besoin d’une baby-sitter.
CHARLES PASQUA : SOMBRE CONNARD
Au cours d’un débat au RPR sur les élections régionales de 1998, Charles Pasqua aurait fait cette suggestion à propos des femmes membres du mouvement politique : “Il n’y a qu’à proposer une chose simple : toutes les femmes qui veulent avoir l’investiture doivent être baisables.” Malheureusement pour la France, ils n’ont pas appliqué cette logique aux hommes du parti.
FRANÇOIS FILLON : MAUVAISE PRISE
En 2017, François Fillon est candidat à la primaire des Républicains. Alors qu’il est interrogé sur RMC à propos de son ambition présidentielle, il déclare qu’il n’aime pas l’idée que “La France est un pays à prendre” […] “comme une femme au fond”. Pourtant, à en juger par cette déclaration équivoque et son entêtement à maintenir sa candidature malgré l’affaire du Pénélope Gate, l’ancien premier ministre respecte aussi peu l’Hexagone que ses potentielles partenaires.
HUGUES FOUCAULT : LE BIC EN FEU
En juin 2013, Hugues Foucault, élu UMP et proche de Christine Boutin, aperçoit Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des Droits des femmes, machouiller son stylo. L’élu ne peut s’empêcher de partager son émoi sur Twitter : “#NVB suce son stylo très érotiquement”. Après avoir fustigé la pudibonderie excessive de la “gauchosphère”, il finit par présenter ses excuses. S’il avait pu également présenter sa démission…
JEAN-LUC MÉLENCHON : SEXISME SANS FARD
En 2005, Ségolène Royal essuie à nouveau les plâtres pour les femmes socialistes qui ont le malheur d’avoir un peu d’ambition politique. Alors qu’elle fait part aux membres de son parti de son intention de se présenter aux primaires, Jean-Luc Mélenchon, qui n’avait pas encore fait sécession à l’époque, déclare à son sujet que “L’élection présidentielle n’est pas un concours de beauté”. La candidate avait déjà été plusieurs fois ministres (sous Bérégovoy et Jospin), et députée des Deux-Sèvres. Ou comment réduire les compétences d’une femme à l’application de fond de teint.
PATRICK BALKANY : L’ÉTOFFE D’UN MASCU
Interrogé en 2012 dans Le Figaro sur l’attitude lamentable des députés face à la robe à fleurs de Cécile Duflot, l’ex maire de Levallois avait cru bon de répondre : “Peut-être avait-elle mis cette robe pour ne pas qu’on écoute ce qu’elle avait à dire”. Malheureusement pour lui, les bracelets électroniques ne détournent pas l’attention des affaires de fraudes fiscales et des sorties sexistes.
JACQUES CHIRAC : SERIAL MISOGYNE
Dans Le Monde Selon Chirac, paru en 2015, Jean-Louis Debré rapporte sur le ton de la blague cette petite phrase lancée par l’ancien président – son ami de toujours – à l’occasion d’un toast :“Allons boire à nos femmes, à nos chevaux et à ceux qui les montent”. Charmant.
Il avait déjà fait montre de tout le respect qu’il portait aux femmes qui savent rester à leur place, en déclarant en 1978 à la revue F Magazine. “Pour moi, la femme idéale, c’est la femme corrézienne celle de l’ancien temps, dure à la peine, qui sert les hommes à table, ne s’assied jamais avec eux et ne parle pas.” Et l’ancien président idéal, c’est celui qui sait fermer sa gueule.
PATRICK DEVEDJIAN : PRÉSIDENT DU BOYS’ CLUB
En 2007, à quelques pas de l’Assemblée Nationale, un conciliabule entre sarko boys dérape devant les caméras d’une chaîne locale. Alors qu’on lui présente Michel Havard, le nouveau député UMP de la première circonscription du Rhône qui est parvenu à éliminer la députée sortante au premier tour des élections législatives (“Voici celui qui a battu Anne-Marie Comparini ! Il a fait un tabac !”), Patrick Devedjian croit bon d’ajouter dans un grand sourire à propos de l’élue MoDem “Cette salope !” Quand un représentant politique tient ce genre de propos en présence des médias, on ose à peine imaginer ce qu’il raconte en coulisse.