.jpg)
Vous êtes encore là après la lecture du titre ? Sodomie, caca, pénétration anale.. Toujours avec nous ? Ok, alors vous êtes prêt.e.s. pour briser avec nous l’un des plus gros tabous de notre société. A la dernière conf de rédac URBANIA, quelqu’un a évoqué le sujet de la douche anale, et l’envie d’en entendre parler ici. Je me suis dit « allez, c’est pour moi. » Sauf que c’est tellement pas politiquement correct de parler de sodomie, qu’il n’est pas hyper aisé de trouver les bonnes infos. Tabou, oui, dans un sens, mais au sein de la communauté gay, en tout cas, j’ai l’impression que ça va au delà du simple tabou. Personnellement, je n’ai jamais pratiqué la douche anale. JAMAIS. Et je ressens cet étrange ressenti, un peu culpabilisant, face à un tel standard, une norme sociale instaurée, acceptée, au sein de la communauté qui sous entendrait que, sans douche anale, la sodomie c’est forcément sale. De plus en plus, j’entrevois ici, une certaine forme d’homophobie internalisée. Vouloir à tout prix remplir tous les critères du gay parfait, socialement convenable, pour être accepté, jusqu’à penser que la sodomie n’est pas naturelle et qu’il faudrait systématiquement préparer le corps pour la pratiquer, c’est monnaie courante parmi nous. Et ça se comprend. A force de l’entendre à longueur de journée, partout, ça finit par rentrer, et ça a forcément des conséquences sur nos sexualités.
Enfin bon, je me retrouve là à vous parler de ma non expérience de la douche anale, mais que vaut-elle ? Je ne suis pas épargné, moi aussi rempli d’aprioris et de conceptions subjectives de la chose. J’ai surtout voulu parler de tout ça avec Nathalie Giraud Desforges, sexothérapeute qui nous a aidé à y voir plus clair là dedans. Et spoiler alert : 1- La sodomie c’est pas sale 2- La douche anale c’est pas obligatoire 3- Et surtout : y’a pas de règles tant que les parties prenantes (et prises.. pour le jeu de mot) sont safe et consentantes.
Mais alors déjà, c’est quoi la douche anale ? « Ça consiste à utiliser une poire de lavement munie d’un réservoir à remplir d’eau, juste tiède, et d’une tige à insérer dans l’anus après l’avoir lubrifiée, pour libérer l’eau. Vous la gardez quelques instants avant de l’évacuer aux toilettes. Et voilà ! Cela permet de nettoyer le rectum des matières qui pourraient s’y loger. »
Et pourquoi un tel tabou ? Est-ce que c’est parce qu’on parle de sodomie ? Pour Nathalie, OUI ! Clairement ! « C’est vrai que la douche vaginale, pour nettoyer le vagin, donc (à utiliser avec parcimonie dans des cas précis indiqués par le médecin car le vagin est à la base complètement auto-nettoyant) passe comme une lettre à la poste alors que la douche anale est … Anale ! » Pour comprendre l’origine du tabou, on en revient aux origines de la sodomie. Au temps de Sodome et Gomorrhe, ces villes de débauche et dépravation, détruites par Dieu et qui servent encore de justification à la répression de l’homosexualité et de la pratique de la sodomie entre les hommes. Pour nos sociétés, encore sous l’influence de la religion judéo-chrétienne, « le nom même de la sodomie porte l’interdit et le péché, la condamnation et le danger ».
Et aujourd’hui, c’est un fait. « Va te faire enculer » est encore utilisé comme une insulte. « C’est une insulte non seulement sexiste mais aussi homophobe, qui est essentiellement lancée par les hommes et surtout réservée aux hommes. Elle est construite sur la base de la pénétration par derrière « cul » , forcée, qui cherche à humilier et à dévaloriser l’autre. » Selon l’avocat Etienne Deshoulières « Il s’agit d’une insulte hétérosexiste, c’est-à-dire une insulte d’homme hétérosexuel qui vise à inférioriser les femmes et les gays”, c’est ce qu’il explique sur le site de STOP homophobie. Et comme le dit Woodkid dans le podcast coming out, avec ce genre d’insultes, « c’est la grande douche ! Tout le monde reçoit », les femmes, les gays.
Par ailleurs, Nathalie constate que « la sodomie est une pratique dont les médias parlent beaucoup plus ces dernières années » et cette pratique aurait aussi été testée par davantage de couples, selon les études de Janine Mossuz Lavau, sociologue. « La pratique du massage prostatique se développe pour les hommes. Et comme celui-ci passe par l’anus, cela détend le sujet du derrière ! »
Pour en revenir à nos moutons, la douche anale, ce n’est pas obligatoire avant un rapport. C’est avant tout une question de confort et d’hygiène. « Si les pratiquants sont plus à l’aise avec cette pratique, ils seront aussi plus relax et aptes à apprécier le plaisir anal. »
Il n’y a pas de risques particuliers « si les lavements sont faits à l’eau plutôt tiède que froide, en douceur, si la dose est faible et l’eau évacuée rapidement. Autrement vous pourriez bien avoir des écoulements inopinés et non prévus… » et si c’était le cas, c’est gênant, je vous l’accorde, mais c’est ok. On respire un coup et on essaie de relativiser.
En bons journalistes, nous nous sommes lancés à la recherche de témoins. Nous sommes tombés sur Victor, 26 ans, qui teste l’expérience pour la première fois. Il nous raconte : “j’ai testé une fois où je voulais que le rapport soit vraiment propre. En fait, je voulais surtout enlever l’aspect inconnu, inattendu de ce qu’il pouvait se produire. Je voulais planifier un peu le rapport, être sur de moi, sûr que cette fois allait être la bonne sans être dépendant de mon corps, ne pas avoir à attendre. J’ai acheté le produit sur internet, lu ce que je trouvais en ligne à ce sujet, tutos, forum etc et me suis aidé de la notice d’utilisation une fois la poire de lavement reçue. J’ai testé une fois, seul dans ma salle de bain puis après, je savais que je l’avais avec moi si j’avais envie d’avoir un rapport spontané. Au final, je ne l’ai jamais utilisée, c’est assez contraignant, il faut s’isoler dans la salle de bain, tout prévoir en amont. Je n’en ai jamais vraiment parlé. Ça ne devrait pas être tabou mais il se trouve que ça l’est quand même. Il y a quand même cette pression ressentie du rapport sexuel réussi, du rapport idéal. Au final on se débrouille très bien sans, avec mon copain.”
Pour celles et ceux qui n’oseraient pas franchir le cap et qui appréhenderaient leur premier rapport anal. Les mots d’ordre de Nathalie sont les suivants : respect, consentement, douceur, lenteur et lubrifiant indispensable « car l’anus ne se lubrifie pas naturellement ». Et n’oublions pas que le corps “est un merveilleux auto-nettoyeur, l’anus et le rectum en font partie. Aidé d’un peu d’eau (sans savon, sans parfum, sans frotter), ils sont généralement propres. » Utiliser un préservatif, aussi, pour protéger, peut rassurer (on parle ici de protection sur le plan hygiénique, au delà des protections contre les MST et de l’utilisation contraceptive du préservatif) « Ne pas passer d’une pénétration anale à une pénétration vaginale au risque d’avoir une infection vaginale ET se laver les mains avant et après ! »
Vous voyez que la sodomie c’est beau, c’est naturel. Pas de stress, on est pret.e quand on l’est. Pourquoi ne pourrait-on pas tout simplement écouter son corps, (en tant que bottom) et le sentir, ou non, en fonction des moments, sans cette idée de devoir être 100% clean, 100% opérationnel et prêt à recevoir 7/7 24/24 ? Soyons indulgents envers nous même. On peut s’aimer avec et sans sodomie. On peut faire l’amour avec et sans sodomie, avec et sans douche anale. Tout est possible. Et c’est ça qui est beau.