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Don’t Worry Darling : un excellent mystère dont il vaut mieux ne rien savoir

Notre critique sans spoiler du nouveau projet très attendu d’Olivia Wilde.

Par
Anaïs Bordages
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Olivia Wilde a sans doute connu de meilleures semaines. Présente à la Mostra de Venise 2022 pour promouvoir le très attendu Don’t Worry Darling, la réalisatrice est accablée par la rumeur d’un désamour potentiel avec Florence Pugh, son actrice principale, qui s’est retirée d’un grand nombre d’engagements promotionnels ces derniers jours. Shia LaBeouf, qui avait quitté le tournage et a été remplacé par Harry Styles dans le film, a également accusé Wilde d’avoir menti sur les raisons de son départ. Enveloppés de ragots, les coulisses chaotiques de Don’t Worry Darling resteront sans doute un objet de fantasme pendant longtemps. Pour autant, cela ne devrait pas obscurcir la qualité du résultat final. Car une chose est sûre : Olivia Wilde sait faire des films.

Présenté hors-compétition à Venise, Don’t Worry Darling n’est que le deuxième long métrage de l’actrice devenue cinéaste, révélée dans Newport Beach il y a presque vingt ans. Et c’est une impressionnante réussite. Ce thriller écrit par Katie Silberman (également scénariste de Booksmart, le premier film de Wilde) nous plonge dans une étrange ville de Californie nommée Victory. La vie y semble idyllique – si la vie bourgeoise traditionnelle des années 50 correspond à votre idée de la perfection. Les femmes, sublimes et tirées à quatre épingles, restent à la maison pour s’occuper des tâches ménagères, quand elles ne font pas du shopping un cocktail à la main, ou n’assistent pas à des cours de danse classique particulièrement studieux. Les hommes, quelconques mais également tirés à quatre épingles, sont tous des employés de Victory Enterprise, et s’y rendent tous les matins dans leurs voitures vintage parfaitement vernies. Comme nous, leurs épouses n’ont aucune idée de ce qu’ils y font. Elles n’ont qu’une seule règle à respecter : ne surtout pas se rendre dans le désert, où se trouve le QG de l’entreprise.

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Parmi ces femmes parfaites, Alice (Florence Pugh) sort tout de suite du lot. Moins rigide dans son apparence (elle se balade parfois dans les chemises trop grandes de son mari et laisse toujours quelques mèches de cheveux libres lorsqu’elle se coiffe), elle semble aussi plus libre dans sa sexualité. Alice est la seule femme du quartier à savoir conduire, et s’adonne le soir à des virées nocturnes avec son mari (Harry Styles), dont elle est follement éperdue. Malgré son bonheur matrimonial, la jeune femme commence à remarquer des phénomènes étranges. Un matin, alors qu’elle s’apprête à faire des œufs pour le petit déjeuner, elle remarque que les coquilles sont vides. Une chanson lui trotte sans cesse dans la tête, sans qu’elle sache d’où elle vient. Et Margaret (KiKi Layne), son ancienne amie, paraît subitement beaucoup moins heureuse et détendue que le reste des habitants.

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Maîtrise technique

Quels secrets renferme Victory ? Évidemment, on ne va pas vous le dire. Don’t Worry Darling est un thriller qui mérite d’être découvert avec le moins d’informations préalables possibles. Si l’idée d’une communauté moins paradisiaque qu’elle n’y paraît n’a rien d’original, le film d’Olivia Wilde déjoue les clichés et entretient savamment le suspense. Don’t Worry Darling bâtit son mystère patiemment, multipliant les indications subtiles au fait que quelque chose ne tourne pas rond : le médecin au sourire lugubre, les dialogues de certains personnages qui s’expriment en clichés, et même la musique, une succession de tubes rétro tellement évidents qu’ils en deviennent suspects. Sans faire preuve d’une originalité folle, le film réussit grâce à la maîtrise totale de ses divers éléments techniques, des costumes au son, en passant par la photographie de Matthew Libatique.

Le montage expert, que l’on doit à l’excellent Affonso Gonçalves (True Detective, Carol, The Lost Daughter), est tout aussi crucial pour faire monter la tension. Certaines scènes (dont une impliquant du cellophane) dérangent par leur durée, tandis que d’autres sont perturbées par des plans subliminaux, trop rapides pour être véritablement compris. La bande originale, faite de respirations féminines saccadées (similaire à celle que l’on a pu entendre récemment dans la série Yellowjackets) ajoute une couche supplémentaire de tension et vient parfaitement contredire l’atmosphère lumineuse et colorée du film. Olivia Wilde prouve quant à elle qu’elle possède un œil affûté, un excellent sens du timing, et un talent pour créer des images mémorables. Don’t Worry Darling fait partie des meilleurs mystères : ceux qu’on s’amuse à vouloir inlassablement décrypter, mais qui parviennent toujours à être plus malins que nous.

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