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« Don’t Worry Darling » : le nouveau film de Harry Styles est-il vraiment un navet ?
Le film d’Olivia Wilde Don’t Worry Darling est sorti en salles le 21 septembre dernier après plusieurs semaines de tourmente dans les médias.
La réalisatrice et Florence Pugh, l’actrice principale du film, seraient en si mauvais termes que la production aurait été mise en danger à plusieurs reprises à cause de divers conflits. Shia LaBeouf aurait été abusif sur le plateau de tournage. Harry Styles aurait craché sur Chris Pine à la première. Pire encore : le beau Harry, idole de la jeunesse, serait… nul à l’écran ?
Les critiques n’ont d’ailleurs pas été tendres au sujet du film, qui n’a amassé qu’une note de 38 % sur l’agrégateur Rotten Tomatoes.
Don’t Worry Darling raconte l’histoire d’Alice et Jack, deux jeunes marié.e.s dans une communauté privée et exclusive des années 60 où tout appartient à la même compagnie : le mystérieux projet Victory, qui cause une série d’incidents mystérieux entre Alice et son entourage.
Quand un film fait couler autant d’encre avant même de prendre l’affiche, il y a toujours anguille sous roche. La critique est souvent plus à propos de la production que du film en tant que tel. On a donc envoyé nos critiques Ben et Malia voir Don’t Worry Darling chacun.e de leur côté, avant de les asseoir ensemble pour répondre aux questions que vous pourriez avoir.
Pour de vrai, là : est-ce que Don’t Worry Darling est réellement un navet ?
«Quitte à rester dans l’analogie végétale, je dirais que le film est plus un litchi qu’un navet»
Ben : « Navet » n’est peut-être pas le bon terme. C’est un film avec beaucoup d’ambition, mais qui arrondit les angles à plusieurs endroits, ce qui nuit à son propos. C’est pas foncièrement mauvais ou ennuyeux. Un « fiasco mineur » serait peut-être un terme plus approprié ? C’est comme si un cuisinier ordinaire avait voulu faire un repas étoilé. Les ingrédients sont frais; ils ne fonctionnent juste pas ensemble.
Malia : Quitte à rester dans l’analogie végétale, je dirais que le film est plus un litchi qu’un navet : piquant et mystérieux de l’extérieur, mais finalement très pauvre en consistance. Et lorsqu’on en ressort, on est encore sur sa faim.
Est-ce que le beau Harry est si nul que ça ?
Malia : Ok, grande question. La réponse courte pour moi serait : oui. Pour sa défense, lorsqu’on fait ses armes aux côtés de grandes pointures hollywoodiennes (Florence Pugh, Gemma Chan, Chris Pine et, oui, même Olivia Wilde), ça peut être assez difficile de se démarquer. Et là, on voit un Harry Styles qui perd un peu pied dans la cour des grands avec un jeu d’acteur tantôt plat, tantôt surjoué. Cela dit, il y a de touuuut petits moments – vraiment infimes, hein, mais quand même là – où on peut se dire « ah peut-être », même si ça retombe souvent à l’eau aussi sec. Mais au moins, ça prouve qu’il y a de la place pour de l’amélioration.
Ben : Je te trouve un peu dure avec lui ! À mon avis, il a été correct, sans plus. Compétent. Je l’ai trouvé plus près de « éteint » que « surjoué » dans le spectre de la performance, mais il jouait un personnage défini par deux choses : son absence et son désir sexuel, alors s’il apparaissait niais lorsqu’il n’était pas absent ou horny, j’ai trouvé ça à propos. C’est sûr qu’il traînait de la patte derrière tout le monde. Je pense que si son rôle avait été interprété par un autre acteur, on ne réfléchirait même pas à sa perfo, non ?
Malia : Justement, ce que j’aime, c’est lorsque des têtes connues me font oublier leur célébrité réelle pour me vendre complètement le rôle qu’elles sont en train d’incarner, et là, ce n’est jamais arriv é. À titre de comparaison, Zendaya (dont j’écoutais religieusement tous les shows du temps où elle portait tutus pailletés et baskets violettes sur Disney Channel) a totalement réussi à me faire croire en l’existence de Rue Bennett dans Euphoria. Même chose pour Lady Gaga dans A Star Is Born. Donc qui sait, peut-être qu’avec le temps, ce sera possible avec Harry Styles ?
Ben : Laisse-moi te relancer avec une autre question, alors. Est-ce que sa performance nuit au film ?
Malia : Du tout, surtout avec une distribution aussi premium ! Je pense plutôt que Florence Pugh a dû faire le job pour deux lorsqu’ils jouaient ensemble et qu’elle a porté bien des scènes sur ses épaules afin de rendre le tout un minimum crédible. J’espère qu’elle a eu droit à un bon massage ensuite.
Ben : Surtout après s’être claqué cette production infernale ! La pauvre.
Qu’est-ce que le film fait bien ?
Ben : Le truc le plus intéressant à propos de Don’t Worry Darling, à mon avis, est un peu cette résurrection des idées de Ayn Rand dans Atlas Shrugged dans le but de montrer le vrai visage de l’exceptionnalisme américain. Quand on veut se sauver de tout le monde pour aller vivre dans un paradis artificiel, on en devient vite prisonnier, et surtout, on fait prisonniers les gens qui nous y accompagnent. Théoriquement et thématiquement parlant, c’est hyper-ambitieux. C’est pas la tasse de thé de tout le monde.
«Théoriquement et thématiquement parlant, c’est hyper-ambitieux. C’est pas la tasse de thé de tout le monde.»
Malia : Je pense aussi qu’Olivia Wilde a très bien réussi à souligner ce côté « prisonnier au paradis » par l’intermédiaire d’une filmographie très soignée. Rien qu’en alliant des couleurs vives et joyeuses à des scènes répétitives et claustrophobes, on comprend que quelque chose de pas très net se trame dans l’ombre. Shoutout aux départements des costumes et des décors, qui ont vraiment fait du bon boulot.
Ben : Ouais, la cinématographie était décidément superbe. Tu trouves pas qu’ils avaient l’air coincés dans une chanson d’Harry Styles ? J’ai fredonné Golden tout le long, sur le chemin de la maison.
Malia : J’ai plutôt pensé à un Wes Anderson, avec les habits coordonnés, l’esthétique léchée et le côté un peu chorégraphié de certaines scènes, notamment l’avancée dans le désert des voitures multicolores que conduisent les maris jusqu’à leur « travail » – wink, wink.
Et qu’est-ce que le film fait moins bien ?
Malia : Livrer un message. On comprend que le film expose ce fantasme d’asservissement total de la femme qui alimente certains hommes par intraveineuse. On comprend aussi que dans ce film, les femmes prennent leur revanche après avoir longtemps été décrédibilisées et diabolisées pour être mieux contrôlées. Mais la manière d’amener ces deux sujets sonne finalement creux, ce qui rend le tableau final plus caricatural que percutant. Et puis la fin bâcle, voire gâche ce qui aurait pu être un message beau et cohérent. Je suis ressortie de la salle avec l’impression d’avoir tout vu et rien vu en même temps.
«Je suis ressortie de la salle avec l’impression d’avoir tout vu et rien vu en même temps.»
Ben : Je crois que ce problème est ancré dans la façon de raconter. Don’t Worry Darling a de grandes ambitions, mais ne fait pas les petites choses. L’histoire de l’avion qui s’écrase, par exemple : c’est juste du mauvais storytelling. Ça sort de nulle part et ça ne revient plus jamais. En donnant des motivations en carton à tes personnages, c’est difficile de leur donner un poids émotionnel. Ils servent à raconter l’histoire, sans plus.
Malia : C’est vrai que les incompatibilités de scénario sont vraiment nombreuses, et l’histoire des avions en fait clairement partie. On ne sait pas non plus quels personnages étaient au courant de la vérité vers la fin, ni quelles étaient les véritables bases du Victory Project… C’est comme si le film souhaitait tant s’attaquer à de grands sujets qu’il en oubliait de vérifier la cohérence de ses détails. Finalement, tout tombe un peu à plat.
Votre moment préféré ?
Ben : Il y a plein de moments non intentionnellement drôles. Quand Chris Pine apparaît dans le cadre pendant que Harry Styles et Florent Pugh s’envoient en l’air, tout le monde s’est mis à rire dans la salle. Avec les années, Pine ressemble vraiment de plus en plus à Gary dans Team America: World Police. Sinon, j’ai bien aimé le reveal après la scène du dîner, malgré que ça mène un peu nulle part.
Malia : C’est drôle, dans notre salle, ça riait plutôt pendant le screaming match du dernier quart d’heure. Mais sinon, la scène qui m’a vraiment ancrée dans mon siège est celle vers le milieu du film, lorsqu’ils organisent un souper de voisins et que la tension monte tout doucement entre Florence Pugh et Chris Pine. On sent que le reste de la tablée avait le souffle coupé et nous aussi.
Votre pire moment ?
« c’est pas vraiment le plot twist qui m’a dérangé, mais plutôt ce que le scénario en fait. Ça ne va nulle part. »
Malia : Je n’ai pas nécessairement de « pire » moment spécifique en tête, mais plutôt une sorte de déception générale par rapport au plot twist. Peut-être est-ce dû au fait que j’ai écouté Wanda Vision et réécouté jusqu’à la surdose Black Mirror, deux séries dont les thèmes rejoignent certains aspects clés de Don’t Worry Darling, mais dès le premier quart d’heure du film, j’avais déjà deviné de quoi l’envers du décor serait fait. Donc même si j’ai quand même aimé découvrir le pot aux roses, j’espérais quand même qu’il soit moins prévisible. D’ailleurs, je ne sais pas ce que tu as pensé de ce plot twist ?
Ben : Encore une fois, c’est pas vraiment le plot twist qui m’a dérangé, mais plutôt ce que le scénario en fait. Ça ne va nulle part. Le vilain n’est jamais confronté idéologiquement parlant. C’est beau, avoir des éléments coups-de-poing dans un film, mais encore faut-il qu’ils aient leur justification. Le plot twist est juste une nouvelle information qu’on doit incorporer à l’histoire et ses implications ne sont pas uniformes. Ce qui m’amène à ma déception : Frank. L’idée de faire un hybride entre Jordan Peterson et John Galt était géniale, mais au final, il fait un peu office d’épouvantail non ?
Malia : On ne saura jamais totalement ses motivations ni les détails de toute cette machine illusoire dont il est le créateur, ni même si sa femme était réellement dans le coup ou planifiait sa propre fuite depuis le départ. J’ai entendu dire qu’Olivia Wilde voulait faire un film sur les Incels et je peux voir comment ça peut donner du sens au projet de Frank, mais là encore, rien n’est très sûr et tout est assez flou. Peut-être est-ce l’un de ces films que l’on doit regarder deux ou trois fois pour mieux repérer les indices? (Oui, oui, je lui laisse encore une petite chance.)
Le drama entourant la sortie du film a-t-il nui à votre appréciation ?
«quand on raconte une histoire aussi complexe, l’audience est en droit de s’attendre à plus qu’une série de tableaux impressionnistes à la Wes Anderson.»
Ben : Disons que je cherchais la petite bête dès la première minute, mais j’ai l’impression que si j’avais regardé Don’t Worry Darling en ne sachant rien de la production trouble, j’aurais été ENCORE PLUS déçu, parce que je me serais attendu à des réponses plus robustes. Parce que quand on raconte une histoire aussi complexe, l’audience est en droit de s’attendre à plus qu’une série de tableaux impressionnistes à la Wes Anderson. Est-ce que je suis trop exigeant ?
Malia : Non, j’ai aussi trouvé que la prémisse était ambitieuse et plaçait la barre très haut dès le départ, d’où la déception inévitable. Mais pour ma part, je pense que ne rien connaître du drama autour du film m’aurait rendue un peu plus clémente. Parce que là, j’étais assise en salle, mais j’étais aussi parée à la guerre. Dès qu’Olivia Wilde et Florence Pugh interagissaient, j’essayais de m’imaginer les moments de tensions hors caméra. Dès que Harry Styles apparaissait, je suranalysais ses expressions et intonations. Quand lui et Chris Pine se faisaient face, je pariais sur qui allait cracher sur l’autre en premier… bref, beaucoup de distractions !