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Doit-on interdire aux musulmans de passer à la télé ?
Retour sur "l'affaire Merwane Benlazar".
Vendredi dernier, Merwane Benlazar, humoriste révélé par le Jamel Comedy Club, a tenu sa première chronique à la TV dans l’émission C à Vous, créant un énorme scandale. Était-ce un appel au djihad en ce jour de grande prière pour les musulmans ?
Non, il s’agissait d’une simple pastille humoristique sur l’actu, rythmée par les jingles du Multiplex football de Canal + :
Mais alors qu’est-ce qui a pu déclencher l’ire de Nathalie Loiseau qui dit parler “au nom de toutes les femmes” ? Qu’est-ce qui a poussé Pascal Praud à déclarer qu’une “étape importante a été franchie dans la course à l’islamisme” ?
Eh bien Merwane Benlazar s’appelle Merwane, il porte un bonnet Zara et une barbe de plus de 4 cm. Un look hipster chez les autres, mais immédiatement qualifié de “salafiste” puisqu’il s’agit ici d’un musulman d’origine algérienne.
Cela fait pourtant plusieurs années que Merwane Benlazar aborde les scènes de stand-up et les émissions radios. Il joue justement de ce style pour rire avec son public :
Mais alors que s’est-il passé de différent cette fois-ci ? Il est passé à la télé : un espace où les musulman·es peuvent être rapidement ciblé·es par l’extrême droite. Ce n’est malheureusement pas la première fois que ça arrive.
C’était le cas en 2018 avec “l’affaire Mennel”. La candidate de The Voice, qui devait être l’une des têtes d’affiche de la saison 7, avait ébloui Zazie, Pascal Obispo, Florent Pagny et Mika en reprenant “Hallelujah” de Leonard Cohen.
Sauf que Mennel Ibtissem portrait alors un turban. Au lendemain de l’émission, la fachosphère a exploré le passé numérique de l’étudiante pour déterrer des tweets problématiques. Le même procédé dont a été victime Merwane Benlazar, qui a dû restreindre l’accès à son compte X.
Victime d’une vague énorme de cyberharcèlement, Mennel a tenté de se justifier, rappelant “être née à Besançon” et “aimer la France”.
Mais cela n’a pas été suffisant pour calmer la vindicte de l’extrême droite : la chanteuse a été contrainte de quitter le télé-crochet, alors que ¾ des émissions avaient déjà été enregistrées.
Quelques mois plus tard, une autre femme de confession musulmane a été victime d’une campagne de harcèlement suite à un passage à la télévision.
Et pas besoin d’un passage en prime time le samedi soir sur TF1 pour créer la polémique, cette fois-ci, un simple reportage dans le 19:45 de M6 a fait le job.
Maryam Pougetoux a provoqué une avalanche de réactions sur les réseaux sociaux. Son tort ? Porter le voile et représenter un syndicat étudiant.
Comme pour Merwane Benlazar, le harcèlement n’est pas parti directement de la fachosphère, mais des cercles laïcistes avec des tweets de Laurent Bouvet, cofondateur du Printemps républicain et de l’essayiste Céline Pina.
La suite, vous la connaissez : reprise de l’extrême droite, insultes et appel à la haine.
“La chasse aux musulman.e.s (présumé.e.s) qui ont l’outrecuidance de se rendre visibles, orchestrée par le Printemps républicain se poursuit. Le but : nous expulser de la sphère publique. Mais on est là, chez nous”, réagira Rokhaya Diallo, elle-même ciblée la même année pour avoir osé demander des pansements foncés pour les peaux noires.
“Finalement, c’est simple : si l’on veut exclure une personne (réellement ou supposément) musulmane du débat public, il suffit de l’accuser d’être islamiste, en profitant du flou sémantique qui entoure ce mot depuis plusieurs décennies.” – Frantz Durupt dans Libération.
Et parfois, pas même besoin de prendre la parole pour être attaqué par l’extrême droite.
L’été dernier, Ilyesse, candidat dans Koh Lanta, a été qualifié d’islamiste dans un tweet vu par plus de 13 millions d’utilisateurs pour avoir porté un short qui couvre les genoux et le nombril.
Alors, doit-on interdire aux musulmans de passer à la télévision ?
Oui, à en croire, Rachida Dati qui a assuré au Sénat que l’humoriste ne sera plus à l’écran :