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« Dexter: New Blood », le retour du tueur en série éthique

Cette suite pourrait nous réconcilier avec la décevante finale de la série initiale.

Par
Benoît Lelièvre
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*Ce texte contient quelques spoilers.*

Huit ans après la disparition de Dexter Morgan, le monde n’est pas encore prêt à tourner la page. Malgré les trois dernières saisons de la série qui étaient aussi superflues qu’insipides, on a décidé d’oublier ses moins bons moments au profit des grands frissons télévisuels que son protagoniste nous a offerts au fil des années : l’enquête du sergent Doakes, sa relation toxique avec Lila, son duel avec le Trinity Killer, etc.

Il faut nous comprendre. Aucun personnage ne l’a remplacé dans la culture populaire depuis. Dangereux, mais inoffensif pour nous. Déviant, mais structuré et bienveillant dans ses élans asociaux. Il était un peu comme cet ami qui arrive toujours au bar avec des histoires abracadabrantes à travers lesquelles vous vivez des émotions qui ne vous appartiennent pas.

Bonne nouvelle, Dexter est de retour dans le cadre de la minisérie de dix épisodes Dexter: New Blood, pilotée par le créateur de la série Clyde Phillips (c’est quand il est parti que c’est devenu mauvais). La minisérie semble questionner aujourd’hui les fondements mêmes du personnage, et ça, c’est très prometteur. C’est comme ça qu’on fait une suite qui se tient !

https://www.youtube.com/watch?v=l9H1uSS_zkk

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Petit précis d’éthique meurtrière

Pour les non-initié.e.s, Dexter Morgan est un tueur en série qui obéit à un code d’éthique rigide établi par son défunt père adoptif (un vieux flic rouillé) pour commettre des crimes en toute impunité : ne pas tuer d’innocents, toujours viser des criminels ayant échappé au système, tuer pour une raison, etc. C’est ce qui le différencie de ses proies aux yeux du public de la série. Il choisit ses victimes si et seulement si elles cadrent avec le « code de Harry ».

Sauf qu’au fil des saisons, le code de Harry s’effrite un peu. Plus Dexter tue, plus il a de la difficulté à garder son secret. Il doit faire de plus en plus d’accrocs au code afin de se protéger, ce qui le mènera ultimement à assassiner sa sœur Debra dans l’épisode final et à fuir la Floride. Cette tragique conclusion venait boucler la boucle et confirmer que l’idée d’être un tueur éthique ne fonctionne pas. Que tôt ou tard, des personnes innocentes en feront les frais.

Ce qui est captivant dans le premier épisode de Dexter: New Blood, c’est que Dexter n’est plus hanté par le fantôme de son paternel bienveillant, mais bien par celui de sa sœur. Oui, oui ! Celle-là même qu’il a assassinée pour se sauver des griffes du système judiciaire.

Dexter: New Blood semble vouloir défier notre perception du personnage et brouiller cette ligne morale qui était pourtant très claire durant la première mouture de l’émission, et ÇA, c’est cool.

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Contrairement à Harry, Debra n’est pas présente pour rappeler à Dexter sa nature de prédateur, mais pour le garder loin de ses vieilles habitudes. Chaque fois que Dexter pense à son ancienne vie, elle apparaît pour lui rappeler le mal qu’il a fait. Elle est la représentation de sa culpabilité, du mensonge dans lequel il a vécu pendant les huit premières saisons. On ne peut pas garder un tueur dans le droit chemin et Dexter: New Blood (du moins, selon le premier épisode) semble vouloir défier notre perception du personnage et brouiller cette ligne morale qui était pourtant très claire durant la première mouture de l’émission, et ÇA, c’est cool. C’est une relecture enrichissante de l’œuvre originale.

Faire une suite pour les bonnes raisons

Les suites et les reboots n’auront jamais été aussi populaires aujourd’hui, au cinéma comme à la télé. Afin de tirer le maximum de leurs propriétés intellectuelles, les différents réseaux et studios les gardent en vie très longtemps. Parfois beaucoup trop. On a Disney à remercier pour ça avec leur Marvel Cinematic Universe, qui bouleverse l’industrie du divertissement depuis 2008. La télévision a également la mauvaise habitude de garder les émissions à l’antenne tant qu’il y a assez de demande, et ce, même si les créateurs et créatrices n’ont plus rien à dire.

Dexter a initialement été victime de sa popularité.

Il est constamment entouré d’armes dans le commerce de chasse et pêche où il travaille, mais sa culpabilité et sa remise en question l’empêchent de s’en servir pour ce qu’il sait faire de mieux.

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Le personnage semble cependant revenir pour les bonnes raisons. Du moins, c’est ce que laisse présager l’épisode de dimanche dernier Cold Snap. Loin du soleil de Miami et de ses collègues flics, Dexter Morgan (alias Jim Lindsay) vit en exil. Physiquement, mais psychologiquement aussi. Sous la vigilance du fantôme de sa soeur, il est incapable d’abattre un cerf en début d’épisode. Il est constamment entouré d’armes dans le commerce de chasse et pêche où il travaille, mais sa culpabilité et sa remise en question l’empêchent de s’en servir pour ce qu’il sait faire de mieux.

Les prochaines semaines nous diront si Dexter: New Blood aurait dû voir le jour ou non. La critique était très polarisée lundi dernier après la diffusion du premier épisode. Certain.e.s ont trouvé l’exercice morne et mal écrit (remarquez que Dexter n’a jamais été la série la mieux écrite), d’autres ont applaudi le retour à l’esprit des premières saisons sous la tutelle de l’excellent Clyde Phillips.

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Personnellement, j’ai trouvé la forme similaire, mais l’esprit complètement différent. Dexter revient aux sources, mais sans cette confiance en lui qui lui faisait croire qu’on peut violemment donner la mort pour les bonnes raisons. On y explore le côté du personnage que la série initiale a toujours refusé d’explorer, et la nature éphémère du projet (dix épisodes) laisse croire qu’il y aura finalement une conclusion satisfaisante et appropriée.