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Désembourgeoisons la littérature !
On a rencontré Alexandre Lansky, vulgarisateur de grands classiques et homme à la plume poilante
Vous n’avez jamais lu Du côté de chez Swann et vous vous sentez comme une merde ? Vous considérez les classiques de la littérature avec un niveau de flemme qui tabasse ? Votre prof de lettres au lycée vous a traumatisé et vous êtes encore en PTSD du commentaire de texte ? Pas de panique. Déjà, vous avez le droit de vivre sans avoir lu Proust, a priori il va pas venir s’en plaindre auprès de vous et Alexandre Lansky non plus.
Alexandre lansQUIÇA ?? L’auteur qui se cache derrière Les grands classiques, comme on ne te les a jamais résumés : des résumés et analyses aussi pertinents que drôles de grands classiques qui devraient réconcilier n’importe qui avec la lecture. Alexandre ne prend pas ses lecteurs de haut et qu’il est totalement capable de trouver un lien en SCH et Stendhal sans la jouer démago. Les histoires sont racontées de manière tellement drôle et originale que le livre s’adresse en réalité à tout le monde. Bref je m’auto-rabats mon claquos pour laisser la place à M’sieur Lansky à qui on a posé des questions auxquelles il a eu l’amabilité de répondre. Sympa de sa part.
Est-ce que c’est un gros mytho de dire que les jeunes ne lisent plus ?
La réponse à deux visages en vrai. D’un côté oui, statistiquement, si on se réfère aux études menées. De l’autre, ça veut dire quoi « lire » ? Est-ce qu’on parle uniquement des romans ? Beaucoup de jeunes lisent des manga, ou des auteur-ices contemporain-es, et, alors même que c’est de littérature pour moi, j’ai l’impression qu’on les compte pas dans ces réflexions. Au final, c’est aussi les types de lecture qui ont changés. Ça reste de la consommation, les usages changent et s’adaptent aux évolutions de la société. Que les jeunes ne lisent plus de romans classiques de la littérature, on peut s’accorder là-dessus, mais pas qu’ils ne lisent plus tout court. C’est plus complexe.
D’ailleurs on parle des jeunes, mais est-ce que le livre ne s’adresse vraiment qu’à eux ?
Non pas vraiment. Je vois une fourchette qui va de 15 à 30 ans globalement. Mais on peut lire et apprécier le livre même à 40 ans et plus. Ma grand-mère a kiffé par exemple. En dessous de 15 ans ça va être compliqué par contre. Même si je fais le maximum pour en saisir la moelle épinière et vulgariser, ça reste des lectures assez exigeantes. Après ce qui est sûr, c’est que je fais mon possible pour glisser des références de mon âge et avec lesquelles j’ai grandi. J’ai 28 ans, donc ça touche autant à Ninho et Seby Daddy, que Despo Rutti, Casey, Jacques Brel et SCH. L’essentiel passe par le langage, vu que j’écris comme je parle, donc c’est sensé résonner chez tous les gens des classes moyennes et inférieures qui ont grandies en France depuis 1997. Ça fait du beau monde quand même.
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Faut-il avoir forcément lu Proust pour être une personne de qualité ?
Non, mais c’est un débat vieux comme le monde en vrai, tout ce truc autour de la culture, qu’il y en a des supérieures et des plus importantes, bla-bla-bla. Moi je suis pas d’accord. Tu peux être la personne la plus cultivée du monde et être une grosse merde humainement. Puis être cultivé ça veut rien dire déjà. Dans la vie réelle on s’en branle, je pense pas qu’il faut aborder l’art sous le prisme de l’envie de se cultiver, sinon tu vas finir par faire des TikTok de prouveur là, qui font des routines réveil à 4h, musculation, lecture, douche froide, boulot, dodo. L’art dans son ensemble c’est aussi et surtout à envisager comme un loisir, pas seulement comme un moyen d’élévation sociale. En tout cas, c’est mon avis. À la fin, je préfère 1.000 fois parler à un quelqu’un qui a lu des romans de gare parce qu’il en avait envie qu’un type qui se branle sur moi parce qu’il a lu Proust juste parce que « faut le lire pour être quelqu’un d’intelligent il paraît ».
Tes résumés sont très pointus mais aussi hilarants. Comment restes-tu fidèle à l’histoire et au contexte de l’œuvre tout en nous déboulonnant de rire avec des formulations qui déboîtent ?
C’est gentil merci haha. Franchement j’ai pas trop de réponse à te donner, tout ce que je sais c’est que j’ai pondu 12654 formats différents du résumé de Crime et Châtiment avant de me décider sur la formule qui me plaisait le plus. C’est ce qui m’a pris le plus de temps en réalité : trouver le format à répéter et la marche à suivre pour chaque résumé. Je voulais pas faire un livre de résumés très sérieux, je suis pas prof, et je voulais pas non plus faire un livre de sketchs parce que je suis pas humoriste. L’idée c’était surtout de rester moi-même, et vraiment de retranscrire tout ce que mon cerveau pensait en lisant les livres. Je tombais sur des passages, et parfois j’avais directement en tête les références idéales pour les résumer et vulgariser ce que l’auteur voulait dire. Après le but c’était aussi que moi je m’amuse en écrivant.
A la base, tu produis des résumés golri de grands classiques sur ton compte insta @lecinquiemeart. Qu’est-ce qui motive tes choix de livre ? D’ailleurs comment as-tu fait ta sélection pour le livre ?
Dis-toi à la base je voulais résumer 50 livres un peu avec le même format de textes courts que sur insta. Puis après je me suis calmé et au final j’en ai choisi 8. D’autant plus que je voulais vraiment faire des résumés plus longs pour chaque, histoire de faire un truc complet. Pour la sélection en vrai, ça s’est fait assez facilement. Déjà c’est des livres que j’aime plus que tout. Puis je voulais, par livre, tirer une thématique générale : l’amour, l’adultère, la vengeance, la mort, l’absurde… Chaque livre incarne un point de vue, celui de l’auteur, et ça me permettait de faire des liens directs avec d’autres oeuvres hors-littérature qui racontent le même point de vue mais exprimé différemment.
Sur quel livre tu as le plus galéré à pondre un résumé et/ou à trouver des références contemporaines ?
Voyage au bout de la nuit c’était le plus complexe parce que y a beaucoup, beaucoup de choses à dire et tout condenser en 10/15 pages c’est dur. Pareil pour Anna Karénine. Après pour les références contemporaines, ça a été facile et rapide pour la plupart. C’est des thématiques universelles, humaines, donc tout le monde en parle tout le temps, partout.
Jusqu’à preuve du contraire, tu n’es pas prof de littérature. Qu’est-ce qui t’a poussé à endosser ce rôle de transmetteur de culture classique ?
J’ai toujours trouvé ça perturbant que l’école dégoûte autant de générations de la lecture et de la littérature. La faute à un système bourgeois, le traitement qu’il fait de la culture « classique » depuis des années et des années. Tu grandis et si tu comprends pas ce qu’on t’impose de lire ça te met dans la tête que t’es trop con, trop idiot en fait. Dès lors, y a un traumatisme qui s’installe, doucement, et à terme c’est presque irréparable. Moi ce que je veux dire aux gens c’est que cette culture elle nous appartient, autant qu’aux autres, même plus encore, et qu’il suffit juste d’avoir un enseignement différent pour pouvoir réapprendre à lire avec plaisir. Faut garder en tête que la lecture doit être un loisir, comme aller au cinéma quoi. Le problème, c’est que le traitement scolaire des œuvres en l’état, ça produit que du rejet. Toutes ces œuvres, tous ces livres, tous ces auteurs… C’est absurde de priver une partie de la jeunesse de leur propre culture.
Est-ce que tu prévois un jour de passer également au crible des livres contemporains ? (trop envie que tu nous résumes l’autobiographie de Sarkozy en prison)
Alors je peux être témoin du fait que tu m’as envoyé la question avant de savoir que Sarko allait sérieusement sortir un livre sur ses 21 jours en prison (NDRL, c’est vrai). Donc c’est génial. Et pour les livres contemporains en vrai je l’ai déjà fait en partenariat avec la Grande Librairie. Donc je pourrais le refaire, sans soucis, mais en vrai ça a pas trop de sens. Ce qui bloque surtout les gens face à la littérature des anciens, c’est le langage, le vocabulaire, les manières de parler et d’écrire. C’est le premier truc auquel je m’attaque quand je décide de résumer : traduire avec un langage actuel. Pour les œuvres contemporaines, normalement cette barrière tu l’as pas déjà, donc les gens ont un accès plus facile.
Avant ce projet de livre, Alexandre Lansky nous régalait déjà sur son compte insta @lecinquiemeart que je vous invite à suivre tout de go (moi qui n’ai jamais réussi à fucking lire A rebours j’ai enfin compris de quoi ce livre parlait).
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