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Dès que j’ouvre les réseaux sociaux, je me sens pauvre

Facebook, TikTok et Instagram nous complexent face à notre situation financière.

Par
Lucie Piqueur
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C’est bien connu, les réseaux sociaux nous font sentir laid.e.s, à coup de corps filtrés, athlétiques, jeunes, minces, blancs et uniformes. L’autre phénomène dont on parle moins, c’est à quel point les influenceurs et influenceuses nous font sentir pauvres. Ça me soulage beaucoup d’en parler, parce qu’avant de comprendre le phénomène, je commençais à me trouver vraiment loser.

Financièrement, j’ai l’impression de m’en sortir correctement. Mais il suffit de 20 minutes sur les réseaux sociaux pour que je remette en question tous mes choix de carrière. Tant de voyages spontanés à Paris, de rénovations luxueuses de maisons et de conseils beauté qui me font faire faillite rien que d’y penser… Comment ça se fait que tout le monde (sauf moi) a autant d’argent ?!

Ce n’est pas nouveau qu’on se compare aux autres. Mais on dirait que sur les réseaux sociaux, c’est encore pire. Quand j’entends parler des extravagances de Jeff Bezos, ça m’agace beaucoup moins que les tiktokers anonymes de 25 ans qui me montrent la cabine de première classe pour leurs vacances à Tokyo, ou qui me racontent comment ils sont devenus millionnaires avant la fin de leurs études.

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Manipulé.e.s par notre insécurité financière

Je ne suis pas la seule à me sentir comme ça. Selon un sondage américain, 47 % de la génération Z et 46 % des millénariaux ont déjà ressenti de la jalousie, de l’anxiété ou de la honte par rapport à leur situation financière à cause d’une publication sur les réseaux sociaux.

D’ailleurs, c’est bien le but des compagnies. Pour vouloir acheter plus, on doit commencer par avoir l’impression qu’il nous manque quelque chose. Avoir toujours le nez dans l’intimité de gens comme nous, ça nous force à nous comparer. Selon une autre étude, la jalousie est le moteur de la majorité des interactions sur Facebook. Nos publications sont une version toute rose de notre quotidien, et ce n’est pas pour rendre nos proches jaloux, mais plutôt pour nous sentir à la hauteur en comparaison des autres.

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76 % des millénariaux et 66 % des gen Z admettent que leurs habitudes d’achat sont influencées par un réseau social ou un autre.

Le problème, c’est que tout ce brassage d’émotions négatives par rapport à l’argent est loin d’avoir une influence positive sur notre situation financière. Les médias sociaux encouragent les achats impulsifs. C’est dire : 76 % des millénariaux et 66 % des gen Z admettent que leurs habitudes d’achat sont influencées par un réseau social ou un autre. Dépenser moins pour garnir son compte en banque, ou dépenser plus pour sauver les apparences ? C’est apparemment le genre de questions qui garde les jeunes adultes réveillé.e.s la nuit.

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Trop beau pour être vrai

Ne tombez pas dans le panneau : la réalité financière des gens qui peuplent vos réseaux est souvent différente de l’image projetée.

À commencer par cette connaissance qui vient de publier une photo de sa nouvelle grosse voiture hors de prix comme si de rien n’était. Vous voyez ça comme une preuve qu’elle gagne trois fois votre salaire ? C’est peut-être le cas, mais si elle avait acheté son camion sur un coup de tête, au milieu d’une crise existentielle, en vidant les économies pour envoyer son enfant à l’université… la photo serait la même.

Certain.e.s appellent ça l’effet du Canard. Sur Instagram, tout le monde a l’air d’un canard se laissant tranquillement glisser sur une rivière, alors que sous l’eau, ça pédale sans relâche contre le courant. Quand on sait que 3 Américain.e.s sur 5 ont déjà menti sur les réseaux sociaux pour se donner l’air d’avoir des finances plus stables, on commence à voir notre fil d’actualité d’un œil un peu plus critique.

Pour les influenceurs et influenceuses, avoir l’air riche est même devenu un modèle d’affaires à part entière.

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Pour les influenceurs et influenceuses, avoir l’air riche est même devenu un modèle d’affaires à part entière. Pour obtenir des partenariats avec des marques de luxe, il faut évidemment se bâtir l’image et le bassin d’abonné.e.s qui vont avec. Soit on est né.e. une Kardashian, soit on « fake it til we make it ». Paradoxalement, plusieurs se sont ruiné.e.s en essayant d’avoir l’air riches… dans l’espoir de devenir riches. (On peut louer un décor de jet privé, ou acheter des boîtes vides de grandes marques sur internet, deux types de commerce spécialement conçus pour les wannabe influenceurs de luxe…)

Lissette Calveiro a avoué avoir accumulé 10 000 $ de dettes en expériences exaltantes et en bonnes photos dans l’espoir de devenir une influenceuse Instagram. Heureusement pour elle, la chance a tourné le jour où elle a réalisé l’ampleur de ses problèmes financiers et qu’elle a réorienté son créneau d’influence. Aujourd’hui, elle raconte ouvertement sa mésaventure et offre plutôt à ses abonné.e.s des conseils pour vivre et voyager avec un petit budget. Sans être influenceuse de luxe, elle dit quand même gagner 10 000 $ par mois en partenariats avec des marques.

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Pour Lissette, tout est bien qui finit bien. Nos complexes à nous, par contre, ne sont pas près de disparaître.