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Des KitKats aux Doritos : on a rencontré une créatrice de saveurs addictives
Qu’a-t-elle de spécial, cette barre de chocolat KitKat dont tout le monde raffole ? Et ces Doritos « Barbecue Style » ? Est-ce que ça se trouve dans la nature, du « Barbecue Style » ?
Eh bien, pour être honnête avec vous, je n’y avais jamais vraiment pensé avant d’écrire cet article. Tant que mes chips ou mes bonbons sont bons, je suis bien heureuse. Mais maintenant, grâce à ma rencontre avec l’aromaticienne Marlène Andrei, mes yeux s’ouvrent.
Puisqu’elle vient de Grasse, ville emblématique du parfum, Marlène Andrei n’avait pas vraiment le choix de faire ce métier.
Comme elle me l’a dit, quand on a un intérêt pour la science « sur la Côte d’Azur, généralement, on finit dans une parfumerie ».
Depuis qu’elle s’est installée au Québec, elle a pu ajouter une autre corde à son arc en devenant aussi aromaticienne.
Même si les métiers de parfumeur et d’aromaticien peuvent sembler similaires, ces deux types d’expertises ne s’exercent pas sur les mêmes produits : le premier se spécialise dans l’odorat et s’affaire à créer des parfums, tandis que le deuxième manie l’art du goût en concevant des saveurs alimentaires.
Marlène m’a partagé quelques fun facts sur son métier, qu’elle qualifie comme une profession « de renouvellement et de remises en question continuelles » et maintenant, je les partage avec vous, bande de chanceux. Maintenant, place à l’interview.
Comment fait-on pour créer ces fameux Doritos « Barbecue Style » (et tous les autres arômes de nos aliments préférés) ?
Pour un arôme alimentaire, souvent, on se base sur ce qu’il y a dans la nature. L’action primaire qu’on va faire, si l’arôme n’a jamais été développé ici, comme des fruits des Caraïbes, par exemple, c’est qu’on va analyser le fruit de la manière la plus approfondie qui soit pour se rapprocher le plus possible du goût du fruit. La formule [moléculaire] va évoluer dans ce sens.
Ça prend combien de temps, concevoir un arôme ?
Ça dépend de l’arôme qu’on fait. Dès qu’on en a fait un, après, on peut l’ajuster pour créer de nouvelles versions. Des arômes de fraise, j’en ai une vingtaine de différents, par exemple : une fraise plus mûre, plus acide. Quand on ne connaît pas un fruit, ça peut prendre plus longtemps. On travaille sur une demande depuis 2013 et on vient à peine d’achever le projet. Donc ça peut prendre deux jours, comme des semaines, des mois, des années, dépendamment du projet et de ce que le client veut.
Est-ce qu’il y a des saveurs qui coûtent plus cher à produire ?
Le coût d’une saveur, que celle-ci soit naturelle ou artificielle, est dû surtout aux molécules qui la composent et à la difficulté d’obtention desdites molécules. Il y a des composés chimiques synthétiques qui coûtent extrêmement cher, car ils sont difficiles à obtenir en laboratoire, et il y a des composés chimiques naturels peu chers, car ils sont très faciles à obtenir.
Est-ce qu’il y a des arômes plus difficiles, voire impossibles à recréer ?
Parmi les arômes les plus durs à recréer, on a l’arôme de beurre de cacahuètes. C’est plus difficile à faire puisqu’on ne peut pas utiliser l’allergène et c’est ça qui va donner le goût d’arachide. Donc on regarde comment on fait pour le recréer avec les molécules.
Comment on sait si un arôme va être populaire ou va être un flop ?
Ça va dépendre beaucoup des consommateur.rice.s. Par exemple, je viens de Grasse, et là-bas, on a des glaces à la lavande, à la rose. Je ne pense pas qu’au Canada, ça aurait un gros succès. Il y a une influence culturelle. Sur nos étagères, on n’a pas beaucoup de saveurs étranges.
Quelles sont les demandes les plus bizarres que vous ayez reçues ?
On nous a demandé de créer des arômes d’œuf, de poutine, de pizza pour des vapoteuses. Ce sont des saveurs très, très bizarres.
Que doit-on faire pour devenir une bonne aromaticienne ?
Premièrement, si t’es chimiste, tu as quand même une longueur d’avance sur les autres, car tu sais comment fonctionnent les molécules. Et il faut avoir une bonne palette. Les facultés olfactives peuvent s’améliorer. J’ai développé mon propre odorat en étant assistante-parfumeuse à la fin de mes études. Pour être un.e bon.ne parfumeur.euse et aromaticien.ne, il faut aussi avoir de la patience pour formuler un arôme.