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Depuis quand les femmes n’aiment pas leur vulve ?

La labiaplastie est l’une des procédures esthétiques les plus populaires en ce moment.

Par
Laïma A. Gérald
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« Ça a littéralement changé ma vie ! », me répond d’emblée Alexandra*, une Montréalaise de 28 ans, le sourire dans la voix, lorsque je lui demande si elle est satisfaite de la labiaplastie à laquelle elle a eu recours il y a quelques mois.

Également appelée « nymphoplastie », la labiaplastie est une procédure chirurgicale visant à modifier la taille ou la forme des lèvres génitales externes du sexe féminin.

De plus en plus médiatisée, la demande de labiaplastie ne cesse d’augmenter. À l’échelle mondiale, le nombre de labiaplasties réalisées en 2019 a atteint 164 667, ce qui correspond à une augmentation de 24,1 % par rapport à 2018 et une hausse de 73,3 % par rapport à 2015, selon l’International Society of Aesthetic Plastic Surgery (ISAPS). Depuis, ces chiffres continuent de monter en flèche.

En outre, la labiaplastie était la 15e intervention de chirurgie esthétique la plus populaire chez les patientes féminines pour l’année 2019.

Depuis quand les femmes n’aiment pas leur vulve ?

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Inconforts quotidiens

« Depuis l’âge de 14 ou 15 ans, j’ai toujours eu un inconfort au niveau de la vulve », se remémore Alexandra dès que je la questionne sur les motivations derrière sa labiaplastie. Adolescente, de nombreuses activités quotidiennes l’incommodaient jusqu’à la souffrance — le port d’un jean serré, une promenade en vélo, la pratique de la course. « J’avais mal chaque jour et je pensais que j’étais seule à vivre ça. »

Pourtant, de nombreuses femmes endurent une gêne quotidienne similaire en raison de la taille de leurs petites lèvres, surtout lorsque celles-ci dépassent de leurs grandes lèvres de manière excessive.

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En effet, comme en témoigne Alexandra, l’irritation causée par le frottement peut causer des douleurs lors d’activités sportives, mais aussi au cours de rapports sexuels.

Mais au-delà de l’inconfort physique, il y a le malaise psychologique. « Je me souviens que j’étais très gênée de me retrouver nue devant un partenaire. J’étais aussi embarrassée d’être en maillot de bain en public. Mes petites lèvres dépassaient un peu de la culotte et ça me rendait très self conscious », poursuit la jeune femme.

C’est en tombant sur la clinique de Dre Geneviève F-Caron, une médecin spécialisée en chirurgie plastique et en chirurgies intimes féminines, qu’Alexandra apprend qu’il existe peut-être un remède à ses maux.

« J’ai fait mon évaluation et j’ai booké right away », se remémore celle qui admet ne jamais avoir regretté son choix.

Comment va ta nouvelle vulve ?

Après qu’Alexandra m’ait brièvement raconté la chirurgie en tant que telle, une intervention qu’elle qualifie d’assez peu invasive (on parle d’un retour au travail après 3 à 5 jours), une question plus intime me brûle les lèvres : comme trouve-t-elle sa « nouvelle » vulve ?

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« Elle est tellement belle. Je suis en amour, I just love it so much », s’exclame la jeune femme avant même que j’aie le temps de finir ma phrase.

« Je sais que ça sonne drôle, mais l’intervention a changé ma vie. Je n’ai plus besoin d’avoir des rapports sexuels dans le noir ! »

Si avant sa labiaplastie, Alexandra se sentait très anxieuse face à l’anatomie de sa vulve, la jeune femme est manifestement ravie du résultat. Elle en parle d’ailleurs très ouvertement à son entourage qui se montre heureux pour elle et soutient sa démarche. Sauf peut-être sa grand-mère qui, sans pour autant juger, ne comprend pas trop de quoi il en retourne. Après tout, dans son temps, on ne pensait pas à ça…

« Dans mon cas, je suis allée de l’avant pour deux raisons : le confort en premier, puis l’esthétique ensuite. C’est vraiment une pierre deux coups », admet Alexandra au fil de notre conversation. « Maintenant, je me regarde dans le miroir et je me dis : “Wow, magic! »

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Aux yeux de la vingtenaire, la hausse d’articles dans les médias et la libération du discours entourant les labiaplasties sont des avancées extrêmement positives.

« J’aurais aimé savoir plus tôt dans ma vie que c’était une possibilité », affirme celle qui encourage les personnes avec des vagins à s’informer afin de prendre une décision éclairée si elles ressentent un quelconque inconfort, qu’il soit physique ou psychologique.

Bien que la jeune femme considère avoir pris sa décision pour des raisons relevant à la fois du bien-être et de l’esthétisme, la plupart des femmes qui demandent une intervention chirurgicale esthétique génitale ont des organes génitaux considérés comme « normaux », selon le Journal d’obstétrique et gynécologie du Canada (2022). Qui plus est, jusqu’à 87 % de la plupart d’entre elles sont rassurées par des conseils de professionnel.le.s de la santé et ne procèdent finalement pas à l’opération.

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Mais c’est quoi, au juste, des organes génitaux « normaux »?

Barbie look et sexe de pornstar

« Les vulves sont comme les visages : il n’y en a pas deux de pareils », ai-je entendu dans un de mes cours de sexologie à l’UQAM, en 2015. Ça m’avait marqué !

Selon Dr Ibraheim, un chirurgien américain expert en procédures gynécologiques chez MYA, il existe plus ou moins sept façons dont un ensemble dit « normal » de lèvres peut apparaître : asymétrique, lèvres internes proéminentes, lèvres externes courbées, lèvres fermées, lèvres externes proéminentes, lèvres ouvertes et lèvres internes visibles.

Ça fait donc de toutes les vulves, une vulve normale. Vous me suivez ? « Pussy A-1 », comme dirait la rappeuse Cardi B.

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Mais tout comme le reste du corps, les organes génitaux aussi font l’objet d’injonctions et de standards de beauté irréalistes. De nos jours, « la mode des vulves » valorise les sexes féminins presque — voire totalement — imberbes, avec les petites lèvres qui ne dépassent pas des grandes, une vulve bien rose et un clitoris petit.

Ce fameux sexe lisse, presque juvénile, duquel rien ne dépasse et qui semble sentir le bouton de rose en permanence, rappelle l’entre-jambe des poupées Barbie, d’où l’expression « Barbie look », souvent utilisée pour décrire ce sexe idéalisé.

« Malheureusement, la femme moyenne peut se retrouver à ne voir que des exemples de vulves à travers la pornographie, ce qui ne représente pas une norme de beauté réaliste ou atteignable », déplore par ailleurs Dre Rumbi Mutenga, récemment citée dans Cosmopolitan.

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Parallèlement, la tendance de l’épilation intégrale du bikini et celle des leggings moulants, toutes deux exposant les détails du sexe, pourraient également expliquer la hausse de labiaplasties en Occident. En effet, si la vulve est plus visible, pour soi-même comme pour ses partenaires, on y prête inévitablement une attention plus grande. On veut qu’elle soit « parfaite ».

Pour sa part, Alexandra considère-t-elle avoir cédé à une forme d’injonction?

« Oui, la pornographie a joué un rôle dans la construction de mon complexe, c’est certain », admet humblement Alexandra.

Elle relève du même coup le manque de diversité et de représentation des parties génitales que l’on voit sur Internet.

« La porno peut jouer sur l’estime personnelle de beaucoup de femmes en nous renvoyant l’image que si nos vulves n’ont pas l’air de ça — roses, imberbes, avec des petites lèvres très fines, presqu’invisibles — elles ne sont pas normales. »

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Alexandra, bien consciente qu’une part de sa décision réside bel et bien dans la pression exercée par les standards de beauté, encourage toutes les femmes qui songent à ce type d’interventions irréversibles à questionner les raisons profondes qui sous-tendent leurs choix.

Elle rappelle aussi au passage que celles dont les lèvres sont excessivement longues et qui souffrent d’irritations ou de douleurs peuvent bénéficier de cette même intervention chez un.e gynécologue et ainsi être remboursée par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

Que cette labiaplastie trouve sa source dans l’inconfort physique, dans le désir de correspondre aux normes ou dans celui d’améliorer sa confiance en soi et son bien-être psychologique, il est important que cette décision soit prise après une réflexion approfondie.

On recommande également une discussion avec un.e professionnel.le de la santé qualifié.e pour mieux comprendre les risques et avantages potentiels de la procédure.

À chacune sa manière de se sentir Pussy A-1.

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