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De l’enfance à la trentaine, l’animatrice et mannequin Naadei Lyonnais se demande ce qui ne va pas chez elle. Pourquoi prend-elle plus de temps que les autres pour accomplir une tâche, pourquoi doit-elle s’y reprendre à trois fois ? Pourquoi paye-t-elle ses factures en double, oublie son passeport, rate ses vols ?
Elle décide d’élucider le mystère. On lui diagnostique un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), qui touche 3% des adultes en France.
Ce qui l’a poussée à chercher de l’aide? Une rupture amoureuse. « J’ai perdu la personne que j’aimais le plus au monde, explique la grande voyageuse qui, à l’époque, vivait en Islande avec son amoureux. Quand je suis rentrée au pays, j’étais prête à savoir quel était le problème. »
Naadei confie que ces nombreux oublis ont fini à la longue par miner son couple. « C’est difficile à vivre au quotidien, on quitte le resto, il faut y retourner parce que j’ai oublié mon téléphone, je vais jouer un match, je l’appelle : peux-tu venir me chercher, j’ai oublié mes clés. »
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Les conséquences d’un TDAH non diagnostiqué et non traité à l’âge adulte peuvent se traduire de toutes sortes de façons, dont la perte d’un emploi, un niveau de vie inférieur à celui auquel la personne aurait pu avoir en regard de son potentiel (carrière, emploi, revenus, etc.), accidents de voiture, problèmes relationnels, faible estime de soi ou sentiment de sous-performance.
TDAH au féminin
Contrairement à la croyance populaire des années 80-90 voulant que le TDAH soit une maladie d’enfant qui disparaît avec le temps, on sait aujourd’hui que ce trouble peut également être présent chez les adultes, m’explique au téléphone Marie-Claude Guay, neuropsychologue et professeure au département de psychologie à l’UQAM.
« Selon la littérature scientifique, les symptômes du TDAH chez les garçons peuvent se traduire par une hyperactivité, un trouble d’opposition et un comportement qui peut être perçu comme de l’insolence ou de la provocation, alors que souvent, les fille qui ont un TDAH dérangent moins en classe. Chez elles, le TDAH implique moins d’agitation motrice et d’impulsivité, ce qui le rend moins apparent », détaille-t-elle.
Or, « ce sont des femmes qui ont compensé pendant plusieurs années, mais quand les exigences sont devenues trop élevées – elles n’ont plus l’énergie nécessaire pour continuer à pallier », d’où leur besoin de chercher des solutions, ajoute la neuropsychologue.
Puisque Le TDAH se caractérise par des difficultés à maintenir l’attention ou des difficultés d’organisation, il n’est pas difficile de voir comment cela peut poser problème quand on devient parent, quand on obtient un nouveau poste exigeant ou qu’on entame des études supérieures qui nécessitent de longues heures de concentration soutenues.
Redécouvrir son mode de fonctionnement
Pour la consultante en communications Marie-Pier Lessard, c’est sur sa carrière que ce trouble a eu un impact considérable. « Les employeurs me disaient que j’étais sympathique et intelligente, mais que je faisais parfois à ma tête. »
Depuis son diagnostic, il y a six mois, elle a compris bien des choses. D’abord, être au bureau était une source de distraction et elle s’en sort beaucoup mieux maintenant qu’elle est à son compte. Fini le bruit de collègues qui discutent ou les éclats de rire dans la salle de réunion d’à côté.
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En contrôle de son environnement, elle a développé sa propre façon de fonctionner et elle est plus heureuse. Ses clients sont contents de faire affaire avec elle et lui disent régulièrement que ses mails et ses communications sont clairs, qu’elle est organisée, soit le contraire de ce qu’on lui a souvent reproché.
Quant à son parcours dans le système de santé, la jeune professionnelle s’estime chanceuse, considérant qu’elle n’a pas de médecin de famille. C’est une amie qui lui a recommandé d’aller voir un neuropsychologue pour passer des tests d’évaluation. Autrement, elle reconnaît que ça aurait été plus ardu.
Mais pour de vrai, le diagnostic : qu’est-ce que ça change ?
« C’est un parcours très émotif, répond Marie-Pier. Quand je me suis fait lire le rapport pour la première fois, je me disais: “je ne suis pas une cause perdue”. Ça légitime beaucoup de choses. Je dirais aussi que je comprends mieux mes émotions et les accepte plus. Avant, j’avais l’impression d’être too much. »
Pour sa part, Naadei dit que le TDAH a provoqué chez elle une sorte de crise de confiance. « Je m’explique : j’ai confiance en moi, mais je ne me fais pas confiance. Parce que ma première pensée quand j’ai un rendez-vous est de me dire qu’il ne faut pas que je sois en retard. »
Elle avoue qu’avant son évaluation, elle s’est longtemps sentie incomprise et explique que de se fondre dans une société neurotypique lui donnait l’impression de jouer un rôle : « À plusieurs occasions, je faisais semblant que j’étais comme tout le monde, ce qui me donnait l’impression d’être une impostrice. »
Aujourd’hui Naadei n’a plus besoin de faire semblant ou de jouer la comédie (sauf au petit écran, bien sûr). Comme ce fut le cas pour Marie-Pier, le parcours de diagnostic a été lourd en émotions.
Elle est passée du déni, à rejeter la faute sur les autres, à l’acceptation. Désormais, le fait de s’approprier sa situation lui fait plutôt l’effet inverse. Exit, la culpabilité. « C’est sûr qu’il y a un retour du balancier. Je m’auto flagelle un peu moins et je suis en mode solution. »
Toujours à la recherche d’astuces pour l’aider à prioriser ses nombreux projets et gérer son temps, elle se réjouit de me partager le dernier truc qu’elle a intégré à sa routine matinale : une playlist savamment construite qui débute avec Wake Up d’Arcade Fire, pour se lever. Puis, quand la chanson Leaving Las Vegas de Sheryl Crowe se fait entendre, c’est qu’il est temps pour elle de partir.