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Dates alcoolisés : entre drague et casseroles
100 % de mes dates Tinder ont commencé au bar, devant un verre d’alcool – le premier d’une longue série. Quand une connaissance a arrêté de boire et s’est remise sur Tinder, les réactions ont été unanimes : « Tu vas casser ton abstinence alors ? ». Le trio fête-alcool-sexe est tellement ancré dans l’imaginaire collectif et les habitudes sociales que dater en toute sobriété ne s’est même pas présenté comme une option au premier abord. Parce qu’il lubrifie les contacts sociaux – pas forcément éloquents après trois pintes –, parce qu’il déshinibe, parce qu’il met de côté nos peurs et nos complexes, l’alcool est très souvent un ingrédient non négligeable lorsqu’il s’agit de coucher avec quelqu’un·e pour la première fois. Pour le meilleur comme pour le pire.
À LA RECHERCHE DU COOL
Alma, étudiante en arts, ne s’est jamais rendue à un rendez-vous Tinder sans avoir bu au préalable, et conçoit difficilement ce genre de moments sobre. « Toutes les fois où j’ai eu un premier date, je me suis arrangée pour boire un verre avant avec des potes, et dans le pire des cas, je bois seule. Je me suis déjà pris des shots au comptoir d’un bar en mode cowboy avant de rejoindre quelqu’un ». Comme pour la plupart des gens qui consomment de l’alcool, elle y trouve cette qualité désinhibitrice qui lui permet de dépasser la gêne du contexte du rencard et d’être plus entreprenante. « C’est un peu triste, mais j’associe beaucoup la séduction aux soirées et à l’alcool. En ayant bu j’ai des idées de moovs, et l’alcool atténue mes accès de malaise et de rougissement ».
En couple depuis trois ans, Marie a longtemps expérimenté les premiers dates, avec des filles plus ou moins intéressantes. « Plus la personne me plaisait, plus j’avais tendance à recommander des verres pour rester plus longtemps avec elle et pour me sentir moins conne et sortir de ma zone de confort. Quand j’ai rencontré ma copine actuelle, la première fois qu’on s’est chopées, j’étais complètement saoule et notre relation a commencé comme ça. À chaque fois qu’on couchait ensemble, on était alcoolisées ». Il y a boire pour gagner en confiance en soi, mais aussi pour l’effet anxiolytique de l’alcool. Si Yanis a pas mal bu pour effacer sa timidité avec les filles, qui l’ont longtemps impressionné, c’est désormais surtout pour gommer la pression du date. « Boire me fait oublier les mille questions que je me pose avant d’aller voir une fille : est-ce que je l’intéresse, est-ce que je vais me faire recaler… ». Plus facile de draguer une fois débarrassé de la peur du stop.
DRUNK SEX
Le sexe après quelques pintes, s’il soulève déjà les questions du biais de jugement et du consentement, s’avère aussi trop souvent répétitif et indélicat. C’est rarement lorsque la vision se floute et que les décibels augmentent à l’inverse proportionnel de l’effort d’articulation que les sensations sont les plus fortes. « L’été dernier, je suis rentré avec une fille que je venais de rencontrer, et on avait pas mal tisé. Quand j’y ai repensé le lendemain, je me suis dit que j’avais peut-être abusé, j’ai juste fait ce qui me passait par la tête sans chercher à savoir si elle kiffait le moment. Il n’y avait pas la recherche de connexion avec la personne, c’était clairement que du sexe ». Sans compter que l’ivresse peut freiner physiquement les rapports ou mener à l’oubli de capote, grand classique du drunk sex.
Après des semaines de soirées avec sa nouvelle fréquentation, Marie a vu leur rapports sexuels s’améliorer, sobriété aidant. C’est quand leur relation a pris un tournant plus sérieux et qu’elles ont commencé à se voir sans les potes et les pintes que l’alchimie a opéré. « Plus le temps passait et mieux c’était parce qu’on cherchait à se faire plaisir de manière beaucoup plus sensuelle. Avec l’alcool, c’était plutôt “je tire mon coup” et basta, et j’apprécie pas du tout cette manière de faire ».
VERRE DE TROP
Bien sûr, boire des coups ne donne pas un accès direct à l’autoroute du sexe, que celui-ci soit bon ou mauvais. Parfois ce n’est pas sa conquête que l’on retrouve dans son lit le lendemain, mais une bonne gueule de bois et un arrière-goût de honte qui a du mal à passer. « Une fois, je n’ai pas eu le temps de manger avant de rejoindre un date Tinder et on a bu pas mal de vin. Je suis repartie, j’étais éclatée au sol, je suis passée pour une tocarde devant lui et je ne l’ai plus jamais revu. » Depuis cet épisode, Inès a retenu la leçon : bégayer après quelques verres et tanguer sur le chemin du retour n’est clairement pas la meilleure stratégie si on vise un rapprochement physique et une dignité intacte.
Dans la gamme gros fail, Marine a rejoint un mec rencontré sur Tinder dans un bar de la capitale. Ils boivent, rigolent, s’embrassent puis il l’invite à la suivre jusqu’à son appartement. « Il était en vélo et moi à pied, donc on s’est donné rendez-vous chez lui. J’ai eu quelques galères sur la route : j’ai attendu un Uber qui a été annulé, j’ai pris un Vélib’ mais j’avais trop froid donc je l’ai reposé à mi-chemin avant d’attraper un nouveau taxi… Je l’ai tenu au courant, il m’a dit qu’il m’attendait. Mais quand je suis arrivée chez lui, plus de réponse ni à mes messages ni à mes appels. Il m’a écrit le lendemain, il s’était endormi. » Pas rancunière, elle a accepté de lui donner une seconde chance, en espérant qu’il ne refasse pas un KO technique lors de leur prochain date.
Pour tendre vers plus d’originalité et de sexe qualitatif, le dating subversif se tient sans doute à distance du houblon et autres liquoreux. À condition d’avoir le courage d’affronter la gêne des premières minutes en toute sobriété.