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Dans le métro de Kharkiv : « On essaye de rester en vie »
Entre eux, ils s’appellent « les passagers », mais leur wagon ne va nulle part. À Kharkiv, la deuxième ville d’Ukraine, ceux et celles qui n’ont pas pu ou pas voulu quitter la ville vivent sous un déluge de feu depuis deux mois.
À Saltivka, au nord-est de la ville, une zone résidentielle régulièrement pilonnée par l’armée russe, 700 personnes vivent dans la station de métro du quartier. Dans les vastes goulots humides et froids, chaque mètre carré est désormais occupé par des familles installées sur des palettes de bois ou à même le sol sur des matelas déposés sur les quais.
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« Le premier jour de la guerre, les trains fonctionnaient encore le matin, ensuite les gens ont commencé à arriver. Ils sont venus avec leurs affaires, des couettes et des tapis de sol. Ils ont compris qu’ils seraient là pour longtemps. Il y a eu jusqu’à 1500 personnes ici », raconte Natacha 24 ans.
Depuis deux ans, elle travaille en tant qu’employée dans la station. Sa fiche de poste n’a plus grand-chose à voir depuis le 24 février. Elle est passée du contrôle des billets à l’organisation de la vie collective de plusieurs centaines de personnes. « Les premiers jours ont été compliqués, il a fallu s’adapter. Mais petit à petit, on a réussi à s’organiser, grâce aux volontaires qui assurent la distribution alimentaire et des médicaments donnés par la Ville et par différentes ONG. »
Les premières semaines, Natacha retournait chaque soir dans l’appartement qu’elle partage avec sa mère malade, situé non loin du métro. Mais ces derniers jours, les bombardements sont devenus constants à Saltivka. « On n’est plus en sécurité nulle part à Kharkiv. Tu peux marcher dans la rue et mourir la seconde d’après. La semaine dernière, je ne suis quasiment pas revenue dans mon appartement. Un éclat d’obus est tombé juste à côté de mon appartement, les vitres ont été brisées. La semaine dernière, c’est tombé dans le jardin à côté de ma maison. Heureusement, l’immeuble n’a pas été touché. Ma mère était dans l’appartement et j’étais terrifiée, personne ne voulait me dire ce qui s’est passé. »
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Elena et ses deux enfants vivent dans le métro depuis le premier jour de la guerre, il y a deux mois. Ils vivaient dans la rue la plus proche de la ligne de front et on dut fuir aussi vite que possible. « Les premiers jours, il y avait tellement de monde qu’on a dormi dans les escaliers », se souvient Elena. Désormais, ils ont une place dans l’un des wagons arrêtés volontairement à la station pour accueillir les déplacés. Troisième wagon, deuxième porte, c’est leur nouvelle adresse. Leur appartement, lui, a été détruit.
Pour s’occuper l’esprit, elle aide dans la station en tant que volontaire. « Si je ne faisais pas à manger et la distribution, je serais devenue folle depuis longtemps », explique Elena qui était ouvrière avant la guerre dans une usine de fonderie. Elle ne réfléchit pas un seul instant à quitter la ville : « C’est chez nous ici, où irions-nous ? » Son fils de 14 ans ne va plus à l’école depuis deux mois. Dans le métro, il s’est fait de nouveaux amis et aide sa mère avec la distribution alimentaire. Quant à l’avenir, il essaye de ne pas trop y penser : « On verra si on est encore en vie à ce moment-là », répond-il simplement.
La nuit précédente, la galerie marchande située à quelques dizaines de mètres du métro a été visée par l’artillerie russe pour la seconde fois. Ne reste qu’un tas de ferraille fumant et une boutique de v êtement miraculeusement épargnée.
À la sortie de la bouche de métro, devenue l’un des principaux lieux de socialisation du quartier, Alexei attend la pizza qu’il s’est fait livrer en tirant nonchalamment sur sa cigarette. La boutique de son meilleur ami est partie en fumée, une autre roquette s’est abattue sur l’immeuble voisin d’Alexei. Mais il n’envisage pas de vivre dans le métro : « Je préfère rester chez moi tant que c’est encore possible. »
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