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Critique culinaire: la poutine du Québecium à Paris
La vie d’un.e Québécois.e à Paris peut parfois être épuisante. C’est expliquer un peu trop souvent ce que ça fait d’avoir les narines qui gèlent à -30 degrés, décrire le contenu d’une poutine en recevant des regards qui expriment à la fois le dégoût, l’admiration et surtout rappeler que « oui, on parle le VRAI français » à un mec relou en soirée (je garde ce sujet pour une autre chronique, je pourrais écrire un roman là-dessus).
On ne peut pas échapper à tous les relous de terrasses, mais au moins, grâce à Benjamin Berthiaume et son équipe, au Québécium, vous pouvez montrer à vos amis parisiens à quoi ressemble une authentique poutine. Oui, oui, vous avez bien lu, avec du véritable fromage skouik-skouik Saint-Guillaume importé directement du Québec. Ça fait maintenant plus de quatre mois que j’ai quitté la belle province pour Paris et je peux vous dire que cette poutine a automatiquement comblé le craving que j’entretenais depuis plusieurs semaines.
Des frites maison croustillantes, un gravy léger et savoureux à déguster nature ou avec un effiloché de poulet ou du canard confit. « Je ne voulais pas faire de la salade, de la poutine avec 50 ingrédients dedans. Une bonne poutine, il faut juste que les frites soient parfaites, que la sauce soit faite maison et avoir le vrai fromage. J’ai 25 ans d’expérience dans le domaine maintenant », ajoute-t-il fièrement.
Dans son grand local vitré à deux étages, du 17e arrondissement, Benjamin voulait créer un espace convivial, authentique et chaleureux avec un service « comme chez nous ». Au Québecium, tu peux en effet tutoyer le serveur et commander ta viande à une cuisson “médium” sans qu’on te fasse de gros yeux.
Ça a pris du temps à Benjamin avant de se lancer dans cette folle aventure. Arrivé à Paris en 2006, il est tombé amoureux de cette ville où il a décidé de s’installer pour de bon. « En 2015, après une année difficile, je me suis rendu compte que j’avais envie de rester à Paris, qu’il y avait un vrai capital sympathie pour le Québec et que ça ouvrait des portes, confie-t-il. Je me suis dit: pourquoi tu restes dans un bureau à faire un truc que tu pourrais faire au Québec, alors qu’ici tu pourrais capitaliser sur le fait que tu es Québécois, sur l’accent, sur la culture et défaire les clichés ».
C’est dans une ambiance moderne, chic, mais décontractée que l’établissement offre une carte de bistro courte, mais bien apprêtée et une grande sélection d’alcools québécois. Finie la pinte de 1664 à 8 euros en happy hour à Châtelet: ici, on peut savourer une pinte de Rosée d’Hibiscus de la brasserie montréalaise Dieu du Ciel ou même la René Lévesque, une IPA nordique brassée par Benjamin lui-même.
Le décor nous fait vraiment entrer dans la culture québécoise à travers plusieurs époques. Les toilettes recouvertes de unes de journaux retracent des moments importants de l’histoire québécoise comme la crise du verglas ou le mariage de Céline et René. Le restaurant au grand complet est tapissé de photos d’archives et de photos de familles des membres de l’équipe. Le Québecium a aussi son Wall of fame, avec des portraits de plusieurs personnalités québécoises comme Ginette Reno, Gilles Vigneault ou Guy Laliberté.
Québecium pourrait autant avoir sa place au coin de Laurier et de Saint-Laurent à Montréal qu’aux Batignolles à Paris parce qu’il présente un concept vrai et dans l’ère du temps. Ici, on est loin de la nappe à carreaux et des oreilles de criss. D’ailleurs, le chef François Lauté a adapté la traditionnelle soupe aux pois cassés de cabane à sucre par un velouté de petits pois. Une cuisine qui marie le meilleur des recettes de grand-mères québécoises aux produits des artisans locaux.
Dans les prochains mois, la bière du Québecium sera brassée sur place dans deux grosses cuves qui arrivent sous peu. L’équipe développe son smoked meat qui s’apparente de plus en plus à celui de chez Schwartz’s selon Benjamin et vous pourrez venir voir quelques games du Canadien de Montréal. Ça promet!