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Couples sans enfants : vivre d’amour et de beaucoup d’argent

Est-ce que la parentalité est devenue un choix financier ?

Par
Florence La Rochelle
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Renée et Martin ont le sourire fendu jusqu’aux oreilles : le couple de cinquantenaires fait défiler les photos sur leur téléphone, en s’arrêtant sur leurs plus beaux souvenirs avant de me tendre fièrement l’appareil. « Ça, c’est quand on a emmené les enfants en ski ! »

« Les enfants », ce ne sont pas les leurs – ce sont ceux et celles de leurs ami.e.s. « Fonder une famille, c’est fabuleux ! Mais c’est pas une obligation. Nous, on n’a jamais eu ce projet-là », explique Renée en lançant un regard complice à Martin, tous les deux assis dans le solarium de leur belle maison avec vue sur le lac.

J’ai rencontré le duo il y a quelques semaines, alors que le mot-clic #DINKS (dual income, no kids, soit deux revenus, pas d’enfants en français) devenait viral sur TikTok. Avec le coût de la vie qui monte en flèche, faisant mal au caddie de courses, et l’accès au logement et à la propriété qui devient de plus en plus difficile pour les jeunes – et je ne parle pas des évènements climatiques extrêmes qui se multiplient – ne pas avoir d’enfants est un mode de vie qui gagne en popularité.

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Mais les promesses d’abondance financière et de liberté telles que dépeintes en ligne se sont-elles traduites dans la vie (et le portefeuille) des personnes qui ont fait ce choix il y a déjà quelques dizaines d’années ? C’est pour répondre à cette question que je me suis entretenue avec le couple – et j’en ai profité pour poser quelques questions au planificateur financier indépendant Marc-Olivier Desmarais.

Quand la parentalité n’est pas sur la bucket list

Avoir un enfant coûterait un peu moins de 10 000€ par année. Les principales catégories de dépenses qui constituent ce montant sont les coûts de garde des enfants, les frais associés aux déplacements et la nourriture. « C’est beaucoup plus de dépenses fixes, avoir des enfants », explique Marc-Olivier.

Mais quand je questionne Renée et Martin sur leurs motivations à renoncer à la parentalité, la charge financière n’est jamais évoquée.

« Ça ne devrait pas être une question d’argent », affirme Renée, même si elle conçoit que la hausse du coût de la vie n’était pas aussi effarante lorsqu’elle a pris cette décision.

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Pour la vétérinaire, devenir mère n’a simplement jamais été dans les plans. « Ça s’est décidé très jeune pour moi, dans les années 1980, explique-t-elle. Il y avait déjà des enjeux d’environnement, de la guerre dans le monde. Je me suis sérieusement demandé si je voulais mettre des enfants sur la Terre. »

Au-delà des facteurs externes qui ont pesé dans la balance, elle n’a tout simplement jamais eu le désir de vivre la maternité : « Quand j’étais toute petite, je faisais une bucket list des choses que je voulais faire dans la vie. Avoir des enfants n’en faisait pas partie. »

Martin, de son côté, affirme simplement que : « L’opportunité ne s’est jamais présentée avec les conjointes que j’ai eues dans ma vie. Il aurait fallu que ce soit un projet commun très fort. »

Vivre de flexibilité et de liberté

Le couple a investi son temps, son énergie, et ses économies dans les voyages : « Ça nous a permis d’arpenter le Québec au complet avec notre van et d’aller dans tous les festivals de musique que tu peux pas imaginer », lance l’ingénieur avant de me montrer quelques clichés de leur dernier séjour en voilier en Europe.

La van de Renée et Martin.
La van de Renée et Martin.
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Sur le plan professionnel, ne pas avoir d’enfants est synonyme de flexibilité pour le couple, qui, à une autre époque, a été amené à séjourner hors du pays pour le travail.

« Ça permet de saisir toutes les opportunités professionnelles qui se présentent », explique Renée.

Sans surprises, le duo se débrouille aujourd’hui très bien financièrement. Martin estime d’ailleurs que leur foyer serait « dans les 5% », ce qui correspondrait à un revenu annuel conjoint de plus de 200 000€ par année.

C’est ce qu’observe Marc-Olivier auprès de sa clientèle : « Mes clients qui n’ont pas d’enfants peuvent habiter dans un appartement plutôt qu’une maison, acheter plutôt que louer et se concentrer sur le travail. Leur potentiel de revenus est plus grand parce qu’ils ont plus de temps à accorder à ça. »

Les enfants des ami.e.s

Mais même s’il n’a pas d’enfants, ça ne veut pas dire que le duo ne côtoie jamais la marmaille :

« Notre famille, c’est nos ami.e.s. On a toujours intégré leurs enfants dans les activités, les repas, les évènements qu’on organisait. On a des enfants dans nos vies quand même. »

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Martin explique fièrement avoir toujours été très impliqué auprès des familles de ses ami.e.s. « On a organisé des fêtes d’enfants chez nous, avec toutes sortes de petits jeux. » « La bataille de ballons remplis d’eau était très populaire ! », ajoute Renée en riant.

Martin auprès des deux fils d’un couple d’ami.e.s.
Martin auprès des deux fils d’un couple d’ami.e.s.

Bientôt de jeunes retraité.e.s ?

« La retraite précoce, c’est ce qu’on voit le plus souvent » chez les DINKS, explique Marc-Olivier. « S’ils sont capables d’épargner une grosse proportion de leurs revenus – tôt – ils peuvent se bâtir un fonds de pension vraiment vite, et donc diminuer le temps de travail passé un certain point », ajoute le planificateur financier, qui précise tout de même qu’encore faut-il avoir envie d’un mode de vie relativement sobre.

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Mais quand je parle à Martin et Renée de l’idée de se retirer du marché du travail, le couple ne manifeste pas d’enthousiasme particulier. « J’adore le travail que je fais, explique Martin. Mais c’est sûr que si je pouvais diminuer les heures tranquillement, ce serait l’idéal. C’est pas pressant. »

Pour le couple dont la vie sociale s’est articulée autour des amitiés, difficile d’entrevoir une retraite où ils ne sont pas accompagné.e.s de leurs ami.e.s pour en profiter.

« J’vais prendre ma retraite à l’âge où mes ami.e.s vont la prendre, explique martin. Si je la prenais en ce moment, je serais le seul de ma bande. Nos projets de retraite, faut que ça marche avec les autres. »

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Moins travailler, ce n’est pas non plus ce qui motive Renée, qui trouve le principe de la retraite un peu « flou », plus elle s’en rapproche. « Ce qui est important, c’est de faire ce qui nous tente dans la vie. C’est sûr que nous, on a une certaine indépendance financière, alors ces choix-là sont plus faciles à faire. » Mais pour l’instant, ces choix-là, ce sont de simplement de continuer à organiser des soirées dansantes dans la belle véranda de leur maison, et de voyager en se rapprochant de la nature – tout en s’investissant dans leurs emplois respectifs.

Renée en camping.
Renée en camping.
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Des projets, et pas de regrets

Renée en convient : fonder une famille, c’est le projet d’une vie. Mais ce ne sont pas non plus les projets qui manquent au sein de son couple. « Vu qu’on n’a pas d’enfants, il a fallu qu’on se trouve une raison d’être là, d’être heureux et de continuer ! Donc, on a l’habitude de se trouver des projets à faire », explique-t-elle.

Quand je questionne Marc-Olivier sur la question de la succession dans les couples sans enfants, il insiste sur l’importance du testament. « Les héritiers légaux changent si on a des enfants ou pas », lance-t-il. Il précise que, par exemple, si un couple en union libre sans testament achète une maison (et donc que chaque personne possède 50% de la propriété), et que l’un d’eux décède, la moitié de la maison irait à la famille du défunt. Résultat : l’un des membres du couple devient co-propriétaire avec sa belle-famille. « Bref, il faut vraiment avoir un testament », conclut-il – chose dont Renée et Martin sont bien conscient.e.s, comme ils ont longuement pensé à leur héritage : « Pour nous, ce sera pas aussi concret qu’une maison léguée à des enfants. Mais on va donner autrement », expliquent-ils.

« En vieillissant, s’il nous arrive quelque chose, c’est certain qu’on est moins entouré.e.s. Il faut prévoir un assez gros coussin financier pour pallier cette éventualité-là. », ajoute-t-elle.

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Mais d’ici à ce que le coussin serve, Martin et Renée comptent bien profiter de leurs moyens et de la vie qu’ils ont bâti avec leurs ami.e.s – sans regrets. « Moi j’ai pas de regrets. On dit que ça prend un village pour élever des enfants. Nous, on a fait partie du village, tout simplement », lance fièrement Renée.