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Copenhagen Cowboy : est-ce que Nicolas Winding-Refn est encore intéressant ?

Dix ans après « Drive », le temps est-il venu de passer à autre chose ?

Par
Benoît Lelièvre
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Entre 2011 et 2013, le réalisateur danois Nicolas Winding-Refn avait l’attention de la planète entière. Le succès critique et commercial de son film Drive avait prouvé à une génération entière de cinéphiles qu’il était encore possible de faire des films commerciaux artistiquement intègres. Tout le monde attendait donc impatiemment le prochain chapitre de sa carrière.

Mais lorsque Only God Forgives a finalement pris l’affiche, en juillet 2013, ce nouveau film contemplatif ouvertement inspiré par le cinéma asiatique des années 2000 et aux antipodes de Drive a eu l’effet d’une douche froide sur son audience déjà niche. En 2016, Winding-Refn réaffirmait son approche laconique et hyperstylisée avec The Neon Demon puis enchaînait en 2019 sur sa première série télévisée ambitieuse (et interminable), Too Old To Die Young.

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À ce niveau, plusieurs cinéphiles avaient déjà perdu tout intérêt pour sa carrière. J’ai fait partie des braves qui ont regardé l’intégralité de Too Old To Die Young, même si j’ai été plusieurs fois tenté d’abandonner certains épisodes de 99 minutes. Je m’attendais vraiment à ce que ce soit la fin de la carrière de Winding-Refn qui semblait de toutes les façons plus intéressé à nourrir d’obscures obsessions sur son site web plutôt qu’à faire du cinéma.

Mais le voici de retour sur Netflix avec la série Copenhagen Cowboy. Je l’ai regardée pour vous avec en tête cette seule question : est-ce que Nicolas Winding-Refn commence à me faire perdre mon temps ?

Un côté Lynchien plus assumé

Conçue et tournée au Danemark, Copenhagen Cowboy raconte l’histoire de Miu (Angela Bundalovic), une jeune femme aux pouvoirs talismaniques très sollicités par les criminels locaux. Mais au fil des épisodes, la série révèle que c’est plutôt Miu qui utilise les gangsters de Copenhague pour arriver à ses fins et non le contraire.

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Copenhagen Cowboy s’inscrit dans les mêmes thématiques que Too Old To Die Young. On nage dans ce même univers interlope noyé dans une lumière nocturne et hyper saturée de néons. Les personnages laconiques y ont l’air de réfléchir à leur choix de mots beaucoup trop longtemps avant d’ouvrir la bouche. Si vous avez déjà regardé l’un de ses projets sur les dix dernières années, vous voyez déjà ce à quoi je fais référence. Winding-Refn traverse l’océan Atlantique dans Copenhagen Cowboy, mais ne parvient pas à se sauver de son obsession pour la romance du hors-la-loi.

La série a également un sens de l’humour beaucoup plus frondeur et surréaliste que sa prédécesseure. Winding-Refn dédie plusieurs scènes à l’obsession d’un personnage secondaire pour son pénis qu’il souhaite montrer à tout le monde en prétextant qu’il s’agit d’une merveille culturelle. Le message n’est pas subtil pour deux sous, mais la mise en scène pince-sans-rince du personnage (ainsi que les refus polis qu’il essuie) soulignent efficacement l’absurdité de sa demande. Ce ton histrionique n’est pas sans rappeler le classique de David Lynch, Blue Velvet. Le rendu est inconfortable, mais demeure super drôle.

Le ton histrionique n’est pas sans rappeler le classique de David Lynch, Blue Velvet. C’est inconfortable, mais ça demeure fucking drôle.

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Le petit côté lynchien n’est pas limité au sens de l’humour de Copenhagen Cowboy. Nicolas Winding-Refn adore prendre des pauses dans sa narration pour nous faire regarder quelque chose de beau, mais d’inexplicable, tel un enfant qui viendrait de faire une découverte dans la cour arrière de sa maison par un bel après-midi d’été. Lorsqu’il décide de nous faire entrer de façon impromptue dans un rêve ou dans la vision apocalyptique d’un personnage arbitrairement choisi, ma conjointe et moi nous regardons souvent en nous demandant si un détail important nous a échappé. Même si tout s’explique toujours éventuellement, ça reste un tantinet sportif à suivre.

D’ACCORD, mais est-ce que c’est bon ?

C’est là où j’ai franchement de la difficulté à vous dire si regarder Copenhagen Cowboy en vaut la peine. Ce n’est pas véritablement transcendant ou bien raconté, mais Nicolas Winding-Refn ne semble pas non plus chercher à captiver son audience. Son travail semble plutôt motivé par un désir d’exploration de textures et possibilités esthétiques de son propre imaginaire. À certains moments, son œuvre semble carrément dénuée du désir de plaire.

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Est-ce là une autre génialissime déclaration d’intégrité artistique ou bien un grossier abus de notre temps et de notre attention ?

À certains moments, son œuvre semble carrément dénuée du désir de plaire.

…quelque part entre les deux ? Copenhagen Cowboy peut frustrer l’auditoire à plusieurs reprises au sein d’un même épisode, mais finit toujours par livrer la marchandise d’une façon ou d’une autre. Plusieurs fois, les fans de longue date de Nicolas Winding-Refn comme moi songeront à arrêter leur visionnement puis finiront par être content.e.s d’avoir persévéré.

Non, Nicolas Winding-Refn n’est peut-être pas le nouveau réalisateur du peuple. Il a toutefois ouvert la voie et développé un marché pour une génération de talents aux idées trash, mais à l’esthétique léchée, comme Panos Cosmatos, auteur du film Mandy. C’est peut-être ça, son plus grand héritage.

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