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Conversafion : coucher avec ses collègues, c’est une bonne idée ?

Chaud devant : l'heure du Courrier du Q a sonné.

Par
Oriane Olivier
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Qu’on ait une libido insatiable ou qu’on découvre timidement les joies de la bagatelle, qu’on soit adepte de plans à plusieurs ou qu’on n’éprouve aucun intérêt pour la sexualité, le cul peut être source de complexes, de questionnements et de doutes. Pour vous aider, Conversafion se propose donc chaque mois de répondre à toutes vos interrogations sur le sujet. Ecrivez-nous à [email protected] et on prendra un malin plaisir à vous répondre.

Aujourd’hui, on répond à la question de Clara*, qui se demande si « coucher avec son ou sa collègue est une bonne idée ».

Chère Clara, si tu es marseillaise et que ton “collègue” désigne ton pote de biture ou ton camarade de promo, ne prête pas attention aux quelques lignes qui vont suivre. Tu n’as pas d’accent méridional et tu parles de ton collègue de travail ? Alors reste un peu. On a des choses à te dire.

Primo, Clara, sache que tu n’es pas seul.e à avoir déjà fantasmé sur un.e collègue : 14% des Français.es ont en effet rencontré leur partenaire au boulot. Et 11% des personnes en couple ont déjà mis fin à une relation pour en démarrer une nouvelle avec quelqu’un croisé dans un cadre professionnel. Et c’est loin d’être surprenant puisque à moins d’être en 100% télétravail (auquel cas, il reste la masturbation), on passe plusieurs dizaines d’heures chaque semaine dans des bureaux saturés d’odeur de soupe micro-ondées, mais aussi de petits volcans d’hormones qui ne demandent qu’à se réveiller. Mais aller au bout de ce désir, est-ce pour autant une bonne idée ?

Tentons de répondre à cette épineuse question.

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Lorsque deux êtres consentants se plaisent, et que toutes les planètes sont alignées, il est très difficile de lutter. Plus tu tenteras de réfréner ton attirance Clara, plus tu t’englueras dans une situation faite de frustration et de non-dits, qui a peu de chance de trouver une issue favorable. A moins d’une soudaine mutation ou d’une nouvelle rencontre en dehors du cadre pro, tu risques donc de passer un bon moment à ronger ton frein. A défaut de te le péter. Alors pourquoi ne pas te laisser aller ? Après tout, le cul est un terrain de jeu et d’expérimentations. Et à cet égard, l’escalier de service de ta boîte est un endroit comme un autre pour tenter d’atteindre le 7eme Ciel. D’autant plus qu’une relation intime au boulot présente quelques avantages.

D’abord, une romance avec un arrière-goût d’interdit va faire fonctionner à plein régime les turbines de ton usine à fantasmes. Ta passion balbutiante profitera donc d’un bonus immédiat “sceau du secret”, qui devrait te garantir quelques jolies sessions de galipettes.

En recrutant ton nouvel.e amant à la machine à café, tu éviteras aussi des dizaines d’heures de dates médiocres, et opteras pour la baise de proximité. En circuit court. Celle qui te laissera du temps pour tes autres hobbies, plutôt que celui de chercher ton prochain.e coloc d’oreiller. Car avouons-le, les opportunités de faire la connaissance de nouvelles personnes passé le cap de la fin des études et de l’entrée dans la vie active sont comme le pouvoir d’achat des Français.es : elles chutent un peu plus chaque année.

« les fantasmes sont parfois aussi fragiles que l’égo d’Eric Zemmour, il suffit souvent de les consommer pour se les sortir de la tête. »

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Un autre bénéfice de ce type de relation, c’est que tu gagneras potentiellement un.e confident.e et un.e allié.e pour te soutenir contre ton N+1 toxique. A moins que tu aies un crush sur ce N+1 toxique. Dans les deux cas, on te recommande surtout une rupture conventionnelle, Clara.

N’oublions pas également qu’en cette période de crise écologique et énergétique, les modes de transport collectifs comme le covoiturage sont à privilégier. Arriver ensemble au bureau n’étonnera donc personne dans ton équipe, et tu feras ta petite part pour tenter d’éteindre l’incendie qui ravage notre planète, en même temps que le feu que tu as aux fesses.

Enfin, les fantasmes sont parfois aussi fragiles que l’égo d’Eric Zemmour, et il suffit souvent de les consommer pour se les sortir de la tête. Coucher avec l’objet de ton désir une bonne fois pour toutes te permettra donc peut-être de tourner définitivement la page et de savourer tes futures pauses café sans penser à la touillette de ton ou ta collègue.

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Et si tu te poses la question de la légalité de ce flirt, sachez que le droit français est de ton côté et protège la vie privée des salarié.es d’éventuelles sanctions disciplinaires, même lorsque l’entreprise tente d’imposer l’abstinence entre collègues. Du moins, tant que tu ne t’exhibes pas sur ton lieu de travail. Donc oublie peut-être les escaliers de service…

Bon, maintenant qu’on a abordé les points positifs, on va aussi évoquer les questions qui fâchent. Car, tu t’en doutes sûrement, l’expression “No zob in job” a sa raison d’être. Et se lancer dans une aventure avec un.e collègue peut aussi être bien casse-gueule.

En premier lieu, parce que les dynamiques de domination qui ont déjà cours dans la société s’exercent encore davantage dans des cadres hiérarchiques strictes, où les rivalités et les stratégies d’humiliation sont monnaie courante. D’ailleurs si tu envisages de coucher avec ton ou ta supérieure Clara, ou au contraire d’aller boire un verre avec ta nouvelle recrue, on te recommande fortement d’examiner la potentielle relation d’emprise à l’œuvre, avant de te lancer. Car cette position d’autorité peut créer un déséquilibre très dangereux, voire tomber sous le coup de la loi.

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Ensuite, compartimenter ta vie peut également être un moyen de te protéger. Car en liant étroitement l’intime et le professionnel, tu te prives d’espaces qui n’appartiennent qu’à toi.

Et si en temps normal, les soucis de boulot rejaillissent déjà trop souvent sur les proches. Dans ce cas précis, les deux sphères, celle du travail et celle des relations, fonctionnent alors encore davantage sur le principe des vases communicants. Au risque de déborder.

Avoir en permanence sous les yeux la personne qui te fait vibrer le berlingot n’est pas le meilleur moyen d’être efficace au travail.

Le troisième risque c’est celui de te faire licencier. Parce qu’avoir en permanence sous les yeux la personne qui te fait vibrer le berlingot n’est pas le meilleur moyen d’être efficace au travail. Et il est probable que tu passes plus de temps à mater l’élu.e de ton cul qu’à remplir correctement des powerpoints. Alors entendons-nous bien, cette mise en garde a pour objectif de te protéger, non de t’inciter à devenir une parfaite petite fourmi ouvrière. Et on milite activement pour le droit de rêvasser au travail – sauf pour vous les grutier.es et les chef.fes de service en réanimation. Personne n’a envie de claquer parce que vous repensez à votre cunni de la veille. Mais il est difficile d’avoir les idées claires quand on entame sa première réunion du matin aux côtés de la personne dont on vient jusre de quitter le lit. Et si le Code civil te protège vis-à-vis de ton entreprise, la jurisprudence française précise que cette relation ne doit pas créer de “trouble caractérisé”. Autrement dit, nuire à ton boulot. Auquel cas, c’est la porte.

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Une autre menace à ne pas négliger, c’est celle de l’insondable profondeur de la connerie humaine. Parce que selon l’environnement de travail plus ou moins bienveillant dans lequel tu évolues, il est possible que tu fasses l’objet de ragots et que tes collègues voient dans cette histoire un moyen de te décrédibiliser. Cela ne signifie aucunement que tu dois t’empêcher de vivre à cause de quelques médisances, mais c’est un paramètre à avoir en tête avec de sauter le pas car nous ne sommes pas tous et toutes armé.es pour y faire face.

Enfin, je ne t’apprends rien si je te dis qu’en cas de rupture, la situation peut très vite dégénérer. Cela peut devenir une source de souffrance si tu t’étais investie émotionnellement et que tu croises tous les jours ton ex à la cantoche. Mais aussi si tu es à l’initiative de la rupture et que la personne en question tombe le masque et se révèle harcelante. Là encore, tu ne pourras pas le deviner à l’avance Clara, et tu n’y es pour rien. C’est important de le marteler. Mais certaines idylles de bureau virent au cauchemar.

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Alors, comment te préserver au maximum tout en t’éclatant ? Eh bien comme dans n’importe quel type d’histoire, la clef c’est la communication. Et l’honnêteté. Et quelques balayettes pour les collègues médisant.es. Car ce sont les deux socles sur lesquels repose une relation saine. A fortiori quand les enjeux dépassent ceux d’une relation “traditionnelle”.

Discuter, s’assurer que les attentes de l’autre sont les mêmes, ne pas mentir sur ses intentions et recommencer cette conversation tant qu’il le faudra. La réticence de ton ou ta partenaire à échanger sur ces sujets sera d’ailleurs un bon moyen de prendre la température pour savoir tu t’embarques dans des sables mouvants émotionnels. Ou s’il va falloir recloisonner l’open-space.

Cette transparence est la seule manière d’arriver à concilier ton job et tes histoires de fesse. Ou d’amour. Puisque tous ces conseils s’appliquent aussi bien à un plan cul régulier entre collègues qu’à un couple en devenir. D’ailleurs je connais plusieurs personnes qui ont rencontré leur partenaire de vie au travail, et vivent aujourd’hui une parfaite idylle. A tel point qu’ils sont en RTT de leur cercle amical… Mais bref. Ça c’est une autre histoire.

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La bonne nouvelle Clara, c’est qu’avec la réforme des retraites qui est en train de se préparer, tu vas avoir quelques annuités supplémentaires pour décider si tu sautes le pas.

*Le prénom a été modifié