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Conserver ses ovocytes au congélo

Pour ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.

Par
Pauline Allione
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Depuis la loi de bioéthique du 2 août 2021, toutes les femmes âgées de 29 à 37 ans peuvent congeler leurs ovocytes. Jusque-là réservé aux donneuses et aux personnes suivant un traitement pouvant impacter leur fertilité, le protocole permet de suspendre temporairement l’horloge biologique en vue d’une potentielle future grossesse. Rencontre avec Jade et Alexandra qui, avant l’ouverture de l’autoconservation à toutes les femmes, ont pris des chemins de traverse pour se donner plus de chances de concevoir un jour.

Célibataire à 36 ans, Jade a pensé conserver ses gamètes en 2016, pour ne pas faire une croix sur son désir d’enfant. « Je souffrais d’endométriose et d’une insuffisance ovarienne précoce, donc il fallait que je prenne le taureau par les cornes. À l’époque ma gynécologue ne m’avait pas expliqué que je pouvais faire une autoconservation en France si j’avais une pathologie, donc je suis allée en Belgique ». De cette procédure qu’elle suivra à trois reprises, Jade se souvient surtout de la fatigue dûe à un emploi du temps surchargé, à jongler entre le traitement et le boulot.

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HORMONES, PIQÛRES ET AZOTE

Passées la consultation médicale et une batterie d’examens pour évaluer son état de fertilité, celle-ci a entamé un protocole d’une dizaine de jours, rythmé par des injections quotidiennes pour augmenter la production d’ovocytes, des échographies et des prises de sang. « C’était une vraie organisation, je gérais mes rendez-vous avant d’aller au travail, et le traitement hormonal chamboulait tout mon champ émotionnel. J’avais des moments d’euphorie puis de down, des sautes d’humeur, j’étais fatiguée sans raison, j’avais des bleus sur tout le ventre à cause des piqûres… C’était pas simple à gérer. »

Au terme de la procédure, le prélèvement des gamètes matures est programmé deux jours après la dernière des trois ou quatre échographies prévues, sous anesthésie locale ou générale. Les ovocytes ponctionnés sont congelés par vitrification et conservés dans une cuve d’azote à – 196°, liquide dans lequel ils restent parfaitement intacts. Le protocole est entièrement pris en charge, mais il faut tout de même débourser 45 € par an pour garder ses gamètes au frais, et formuler chaque année son souhait de poursuivre la conservation. En l’absence de consentement écrit pendant dix ans consécutifs, la conservation est interrompue.

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« MA DÉMARCHE INITIALE N’ÉTAIT PAS DE DONNER, MAIS JE POUVAIS RENDRE SERVICE AU PASSAGE »

Âgée de 37 ans début 2021, Alexandra a esquivé de justesse la nouvelle loi de bioéthique, qui limite l’autoconservation au 37ème anniversaire. Celle-ci avait en effet déjà entamé les démarches d’un don d’ovocytes avec autoconservation, dans l’idée d’avoir des enfants un jour. « Mon gynéco m’avait conseillé de congeler mes ovocytes parce qu’à partir de 35 ans, la fertilité chute rapidement ». Non éligible à l’autoconservation puisqu’aucune raison médicale ne l’obligeait à se lancer dans la procédure, la Parisienne a d’abord pensé se rendre dans une clinique en Espagne avant d’envisager le don, bien moins coûteux. « Ma démarche initiale n’était pas de donner, donc il y avait quelque chose d’étrange à me dire que d’autres femmes porteraient mes ovocytes. J’ai rencontré un psychologue qui s’est assuré que j’étais consentante et apte à me lancer dans cette démarche mais tout compte fait, donner mes ovocytes ne me dérangeait pas. Si je pouvais rendre service au passage, c’était tant mieux ».

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Plus possible depuis le passage de la loi relative à la bioéthique, le don avec autoconservation permettait de donner ses gamètes et d’en garder une partie pour soi, selon le nombre d’ovocytes prélevés. Alexandra ne sait pas encore si elle passera par la PMA pour utiliser l’un de ses ovocytes sagement endormi à l’hôpital, mais la pression de l’horloge biologique s’est allégée. Elle avait d’ailleurs particulièrement ressenti cette pression au passage de la nouvelle loi de bioéthique : « Cette limite d’âge m’a donné le sentiment que la femme avait une date de péremption. Ce n’est pas adapté à notre société actuelle, les femmes de 37 ans et plus continueront de faire congeler leurs ovocytes en Espagne, en Belgique, encore à leurs frais ». L’utilisation des ovocytes congelés est elle aussi soumise à une limite d’âge, et est autorisée jusqu’à 45 ans pour une femme (contre 60 ans pour un homme qui congèle ses spermatozoides).

Jade a de son côté eu moins de chance : après trois prélèvements avec stimulation ovarienne, seulement un gamète mature a été prélevé et sa conservation a finalement échoué. « Nous avons perdu cet ovocyte en novembre dernier, ça a été très difficile, parce que je suis désormais en préménopause », confie-t-elle. Comme toute assistance médicale à la procréation, l’autoconservation comporte des risques d’échec. Le protocole peut permettre de récolter une dizaine d’ovocytes comme aucun, et le bon déroulement d’une grossesse ne peut jamais être garanti. Malgré sa faible production d’ovocytes, Jade a toutefois déjoué les pronostics des médecins : avant que sa dernière autoconservation ne se révèle infructueuse, elle est tombée enceinte naturellement et est désormais la maman d’une petite fille de deux ans.

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