Logo

Connaissez-vous les variantes du test de Bechdel ?

Il faut qu'on parle du test de la lampe sexy.

Par
Oriane Olivier
Publicité

Connu seulement des happy few qui avaient lu son incroyable comic-strip “Les gouines à suivre”, le test de Bechdel (du nom de l’autrice de BD qui l’a popularisé, Alison Bechdel), sert aujourd’hui d’outil de référence pour évaluer le degré de sexisme du 7e art, et sa fâcheuse tendance à transformer les femmes en faire-valoirs des personnages masculins.

Pour rappel, voici les trois règles qu’un film doit respecter pour réussir cet examen : il doit y avoir au moins deux femmes nommées dans l’œuvre, elles doivent parler ensemble, et elles doivent discuter d’autre chose que d’un homme. Si Alison Bechdel elle-même regrette aujourd’hui que la récupération académique de ce qui n’était au départ qu’un simple gag, puisse réduire la portée féministe des oeuvres de fiction à des questions un brin simplistes (spoiler : Twilight passe par exemple le test de Bechdel), il est malgré tout intéressant de constater que la présence des femmes dans l’industrie cinématographique influe de manière substancielle sur la réussite du test.

Publicité

Ainsi, sur un large panel de 4000 films sortis sur grand écran entre 1995 et 2005, et passés au crible par le site américain Polygraph, 53 % des long-métrages échouent au test lorsqu’ils sont écrits uniquement par des hommes, 38 % échouent lorsqu’il y a une femme parmi les scénaristes, et 0 % échouent lorsqu’il n’y a que des femmes dans l’équipe d’écriture… Même constat lorsqu’on s’interresse au genre des décideurs et décideuses à l’oeuvre dans la fabrication d’un long-métrage (notamment dans le domaine de la production et de la réalisation) : quand il n’y a aucune femme qui mène la danse, 37 % des films ne passent pas le test. S’il y a au moins une femme à un poste clef, on plonge à 9 % d’échec !

Vous l’aurez donc compris, et n’en déplaise au délégué général du festival de Cannes, Thierry Frémaux, qui s’obstine depuis des années à défendre dans sa sélection une position universaliste, soi-disant hermétique à l’identité des artistes : faire de la place aux femmes, et à toutes les minorités, dans l’ensemble de l’industrie cinématographique, est un prérequis indispensable dans la diffusion de récits qui ne se limitent pas à un prisme unique, normatif – et souvent caricatural. Maintenant que les bases sont posées, jetons un œil aux autres tests qui permettent de mettre en lumière les enjeux de représentation et de diversité au sein de la sphère culturelle, et plus largement, de la société.

Publicité

LE TEST DUVERNAY

Ce test a été inventé en hommage à la cinéaste Ava DuVernay (Dans leur regard, Selma), la première femme afro-américaine à avoir remporté le prix du meilleur réalisateur au festival de Sundance pour son film Middle of Nowhere. Il n’a pas de critère précis, car il a surtout vocation à évaluer la complexité des personnages racisés présents à l’écran, et la place qu’ils occupent dans le récit.

En 2013, déjà, l’auteur britannique d’origine indienne Nikesh Shukla – affligé qu’un lecteur reproche à l’une de ses nouvelles de comporter un trop grand nombre de prénoms d’origine indienne, tout en reconnaissant à l’oeuvre une certaine portée universelle dans les trajectoires de ses personnages – inventait le Shukla Test (ou Apu Test). C’est-à-dire un test dont la seule règle est qu’un film doit contenir au moins une scène de plus de 5mn, dans laquelle des protagonistes issus de minorités ethniques parlent entre eux d’amour, de baisse de libido, de mal de vivre, ou juste de leur sciatique : bref, tout sauf des questions raciales !

Publicité

LE TEST DE VITO RUSSO

Créé par GLAAD en 2013, l’association américaine qui veille à défendre les droits des personnes LGBTQI+ dans les médias, ce test, nommé ainsi en hommage à l’historien du cinéma et militant gay Vito Russo (l’un des membres fondateurs de l’asso), se propose d’évaluer la représentation des personnages queer dans la fiction.

Comme le test de Bechdel, il comporte lui-aussi trois règles : l’oeuvre doit contenir un personnage identifié comme LGBTQI+ ; ce personnage ne doit pas être défini exclusivement ou principalement en raison de son identité de genre ou de son orientation sexuelle, et le personnage doit être lié à l’intrigue de telle manière que sa disparition aurait une influence significative sur l’intrigue elle même. Adieu donc La Cage au folles, Gazon maudit, et Bruno, de Sacha Baron Cohen. Bonjour Les Crevettes Pailletées, Le Lycéen, ou encore Carol ! On ne peut pas dire qu’on perde au change en termes de qualité…

Publicité

LE TEST DE FINKBEINER

Le test de Finkbeiner, proposé par la journaliste américaine Christie Aschwanden en hommage à la rédactrice scientifique Ann Finkbeiner, permet quant à lui de s’interroger sur le sexisme des articles biographiques relatifs à des femmes scientifiques. En effet, les 7 critères qui permettent de déterminer si une publication passe le test avec succès sont que le texte ne mentionne pas : le fait que la scientifique soit une femme, le métier de son mari, la manière dont elle concilie maternité et travail, la manière dont elle materne ses subordonnés, combien la compétition dans sa spécialité l’a étonnée, le modèle qu’elle représente pour d’autres femmes, et enfin, le fait qu’elle est “la première femme à…“.

Si on peut discuter de la pertinence du dernier critère (il n’est en effet pas rare que les médias spécialisés relèvent le caractère inédit d’une découverte, et dans un monde où les femmes ne représentent encore seulement qu’un tiers des personnels de recherches, mettre en avant l’identité de genre de la personne qui en est à l’origine n’est pas nécessairement inutile), on comprend pourquoi les femmes de science en ont ras la blouse d’être ramenées à leur supposé instinct maternel, ou à leurs partenaires de vie. Imaginez un peu qu’on vous précise à tout bout de champ qu’Albert Einstein préparait une très bonne tarte aux questchs pour sa femme (elle aussi physicienne), et qu’il avait parfois des montées de lait ?

Publicité

LE TEST DE LA LAMPE SEXY

Peut-être le test le plus drôle – et aussi le plus lapidaire – de cette liste. Imaginé par la scénariste américaine Kelly Sue DeConnick, il s’agit tout simplement d’évaluer si on peut remplacer dans un film un personnage féminin par une lampe sexy (c’est-à-dire un luminaire avec une jambe de femme élancée, comme on en trouve parfois chez les brocanteurs ou les nostalgiques des années 80).

Autrement dit : d’estimer si les scénaristes ont fait un minimum d’efforts pour caractériser leurs personnages féminins, ou s’ils se sont contentés de créer des potiches sans relief, des demoiselles en détresse, ou des récompenses (voire les trois à la fois) pour leurs héros intrépides ? Auquel cas, on pourrait aisément leur substituer un élément du décor, attifé d’un porte-jarretelle, sans même altérer l’histoire. Sans surprise, la plupart des James Bond ne passent pas le test. De même que certains vieux Indiana Jones

Publicité