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Confinée dans un camp : l’histoire d’Aysha, réfugiée syrienne au camp de Za’atari.

Par
Eiman Zarrug
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Alors que la pandémie de COVID-19 poursuit sa progression à travers le monde, les chercheurs et les experts continuent de tirer la sonnette d’alarme sur les ravages potentiels que pourrait causer le virus s’il se répandait dans les camps de personnes réfugiées, où les espaces ne sont pas conçus pour affronter une telle menace. C’est le cas du camp de Za’atari en Jordanie, où les équipes de l’ONG Oxfam travaillent en collaboration avec la communauté pour limiter l’impact du virus.

« Certaines personnes pensaient que les mouches pouvaient transmettre le Covid-19 ou que l’ail pouvait les en guérir… Il y avait tellement de rumeurs qui circulaient il y a quelques semaines que c’était difficile de distinguer le vrai du faux », explique Aysha, une personne réfugiée d’origine syrienne vivant dans le camp de Za’atari.

Crédits photo : Adeline Guerra / Oxfam

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Le camp, situé dans la partie nord de la Jordanie et à moins de 16 kilomètres de la frontière syrienne, abrite près de 77 000 personnes réfugiées syriennes.

Afin de s’assurer que les personnes réfugiées soient équipées le mieux possible, Oxfam (sur place depuis 2012) a lancé des campagnes de sensibilisation à l’hygiène, et a mis en place une chaîne téléphonique pour diffuser des messages au plus grand nombre possible de personnes dans le camp.

« On a créé différents groupes de discussion, explique Aysha. On écoute les préoccupations des gens et on les oriente pour adopter les mesures barrières comme le lavage des mains, l’hygiène et la distanciation physique. On s’assure également que les gens partagent des informations fiables. »

Du travail rémunéré

Aysha fait partie de quelques centaines de participantes au programme « travail contre rémunération » mis en place par l’ONG pour offrir des occasions de travail et une source de revenus aux personnes réfugiées.

Créé pour combler des lacunes en matière d’accès à l’emploi, notamment pour les femmes, le programme s’appuie sur les compétences des participantes et des participants dans des domaines comme l’entretien et le nettoyage, le travail de proximité, le recyclage ainsi que dans des métiers plus techniques.

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Aysha est membre d’une équipe de 18 personnes qui travaillent comme agentes et agents communautaires pour sensibiliser l’ensemble de la communauté de Za’atari. En ces temps de pandémie, son travail devient plus important que jamais.

Des enfants réfugiés participent à une séance de sensibilisation coorganisée avec Oxfam et l’UNICEF bien avant qu’il y ait des cas confirmés à la Covid-19 en Jordanie.

Crédits photo : Nesma Alnsour / Oxfam

Des voyages déchirants

À la suite de la crise de 2011 en Syrie, des centaines de milliers de personnes réfugiées comme Aysha ont entrepris des voyages déchirants et dangereux à la recherche de sécurité. Près de dix ans plus tard, le camp de Za’atari abrite des dizaines de milliers de personnes. Avec la propagation du COVID-19, les gens dans le camp ont peur que le virus ne les contamine.

«Inviter les gens à rester à l’intérieur pour se protéger était difficile au début, mais quand je vois à quoi ressemble le camp ces jours-ci, je pense que nous avons réussi.»

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« Nous nous attendions à ce que le virus finisse par se propager ici, en Jordanie, même quand il semblait encore loin., explique Mohannad Abu Siam, responsable principal de l’engagement communautaire pour l’organisation. Nous savions que nous avions besoin d’une stratégie pour sensibiliser le plus de personnes possible, le plus vite possible. »

« Nous avons organisé et coordonné des réunions au téléphone et animé des séances d’information communautaire, explique Mohannad. Nous avons aussi établi un partenariat avec l’UNICEF pour organiser des séances de sensibilisation à l’hygiène dans les écoles et les centres jeunesse du camp. »

L’équipe pilotée par M. Abu Siam a ainsi pu rejoindre plus de 10 000 personnes réfugiées avant que le couvre-feu ne soit imposé en Jordanie.

Aujourd’hui, plus de 400 bénévoles font partie d’un réseau de messagerie sophistiqué capable de diffuser des messages à des dizaines de milliers de personnes réfugiées chaque jour.

« Inviter les gens à rester à l’intérieur pour se protéger était difficile au début, mais quand je vois à quoi ressemble le camp ces jours-ci, je pense que nous avons réussi », dit Aysha.

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Un camp bondé devenu silencieux…

Le couvre-feu instauré au niveau national et qui a transformé la vie dans tout le pays a également changé la vie à Za’atari. Ce qui était autrefois un camp bouillonnant d’activité, s’étendant sur cinq kilomètres carrés et regorgeant de marchés bondés et de vendeurs de rue, s’est transformé en un labyrinthe de rues désertes avec des magasins fermés. Un calme inhabituel a inondé les quartiers du camp.

De temps à autre, il est brisé par l’écho des bavardages et des rires provenant de l’intérieur des caravanes.

Pendant que Aysha répond aux messages provenant de la communauté sur son téléphone, ses deux jeunes enfants ont les yeux rivés sur la télé pour suivre les cours qui y sont diffusés.

« Les élèves suivent les cours à la maison, ça veut dire que nous obtenons dix heures supplémentaires d’électricité pendant la journée, puis deux autres le soir », raconte Aysha.

«J’ai perdu mon mari à la guerre. Je m’occupe des enfants, de la maison et je travaille. L’éducation de mes enfants c’est très important pour moi.»

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Avant, l’électricité n’était disponible que pendant deux heures dans la soirée. Alors que certains ont accès à des panneaux solaires, on estime que la moitié des personnes réfugiées à Za’atari ne peuvent tout simplement pas se les permettre et se retrouvent donc dans le noir.

Aysha décrit les défis de l’adaptation à cette situation sans précédent. Et même si elle n’exprime pas sa frustration, on peut en percevoir une pointe dans le ton de sa voix :

« J’ai perdu mon mari à la guerre. Je m’occupe des enfants, de la maison et je travaille. L’éducation de mes enfants c’est très important pour moi. Donc, je fais de mon mieux, mais le système d’apprentissage à distance pose plus de défis », dit-elle.

Ça va bien aller…

Lorsqu’on l’interroge sur l’avenir dans le contexte de la pandémie et de la nouvelle réalité dans le camp avec les mesures instaurées, Aysha se veut optimiste :

« Je pense que ça va passer. Pour l’instant, je suis juste contente que tout le monde prenne la situation au sérieux et que les gens respectent les règles du confinement. Je suis vraiment heureuse de contribuer à la diffusion de ces consignes. En fin de compte, c’est précisément ce qui va nous aider à traverser cette situation. »

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Eiman Zarrug est membre de l’équipe Oxfam en Jordanie

Cet article a été écrit en collaboration avec Aisha Shtiwi