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Comment l’extrême-droite récupère la colère des agriculteurs
Une opération de com’ facile
Après avoir fait un petit tour en tracteur, Marine Le Pen se pose devant les caméras et lance une déclaration choc : « Si l’agriculture coule en France alors c’est l’ensemble de notre pays qui coule. »
La scène s’est déroulée hier à Radinghem-en-Weppes dans le Nord. Et le chargé de com’ du RN a bien veillé à ce qu’on voit la patronne du parti dans l’engin. Il ne fallait surtout pas rater cette occasion de surfer sur la colère des agriculteurs qui font la Une des médias.
Marine Le Pen a d’ailleurs profité de sa sortie médiatique pour demander l’arrêt des accords de libre-échange qui pénaliseraient les agrilcuteurs français.
MAIS CE QUE MARINE LE PEN NE DIT PAS, C’EST QUE LES DÉPUTÉS EUROPÉENS DE SON PARTI NE SE SONT PAS TOUJOURS OPPOSÉS AUX ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE.
Un petit détail qui n’a pas de quoi inquiéter le RN qui mise gros sur la colère du mouvement agricole. À l’approche des élections européennes, la mobilisation des agriculteurs permet au parti d’extrême-droite de cibler le vote agricole, traditionnellement à droite, mais surtout de toucher les 87% des Français qui soutiennent le mouvement.
On est bien loin de Julien Odoul qui ironisait en 2021 sur le suicide d’un agriculteur en demandant si “la corde est française”.
Alors que le gouvernement se concentre sur les revendications de la fameuse FNSEA (fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), l’extrême-droite s’intéresse à une autre entité : la Coordination rurale. Formé en 1991, ce mouvement non-syndiqué a su attiser la colère agricole sur la base de revendications anti-écolo.
La CR séduit particulièrement Marion Maréchal, tête de liste Reconquête aux élections européennes. Présente à leur manifestation organisée à Bruxelles, elle n’a pas hésité à multiplier les selfies pour séduire les agriculteurs contestataires.
Une infiltration de l’ultradroite
Les partis d’extrême-droite ne sont pas les seuls à faire de la récupération en ce moment, les groupuscules d’ultradroite en profitent également pour s’imposer.
À Montpellier, le groupe identitaire Jeunes d’Oc s’est pointé dans une manifestation d’agriculteurs pour crier “- d’argent pour les migrants, + d’argent pour les paysans” en distribuant des tracts.
« En fait, ici c’est les blancs »
Toujours à Montpellier, des nationalistes du groupuscule Bloc Montpelliérain se faisant passer pour des paysans ont intimidé les journalistes Samuel Clauzier de Médiapart et Ricardo Parreira, co-fondateur d’Indextrême .
Déclarant « ici c’est les blancs », dans une vidéo publiée par le média local Le Poing, ils ont fini par être écartés du coeur de la manifestation par les paysans.
Ce sont ces mêmes hommes qui ont agressé un militant qui a tenté de prendre la parole pour dénoncer la récupération du Rassemblement national.
BFM pense interviewer un simple artisan qui soutient les agriculteurs ? Raté, il s’agit d’un militant néo-fasciste qui porte un polo de la marque Thor Steinar. Un vêtement néo-n@zi interdit dans l’espace public en Allemagne puisque son logo est constitué de symboles du IIIe Reich.
Une faillite de la gauche
Comment expliquer une telle perméabilité du mouvement agricole aux forces d’extrême-droite ?
Au-delà d’une affinité logique avec la droite qui est davantage installée dans les territoires ruraux, plusieurs journalistes ont constaté un certain désintérêt de la gauche pour la cause des agriculteurs français.
« L’affaire n’est pas mince : les agriculteurs ne votent pas LFI, ni PS et encore moins EELV. Ils ne l’ont jamais fait. un électorat qui n’a jamais vraiment intéressé la gauche tant il est historiquement ancré à droite », souligne par exemple l’hebdomadaire L’Express.