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Comment je suis devenue domina

Rencontre avec une travailleuse du sexe passée pro dans l’art de dominer.

Par
Pauline Allione
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Pour bosser, Mona Succube n’enfile ni un bleu de travail, ni le classique jean-chemisier. Son truc, c’est plutôt les harnais et combinaisons en vinyle, les muselières et cuissardes à talons aiguilles. Dominatrice professionnelle à temps plein, la Parisienne de 25 ans a accepté de raconter son quotidien dans les lignes d’URBANIA.

Depuis que je suis jeune, j’ai toujours voulu accompagner et aider les autres. Je me suis donc naturellement orientée vers le social, avant d’entamer une licence de psychologie pour devenir sexologue. C’est pendant ces années d’études que j’ai découvert le BDSM, qui a très vite occupé une place importante dans ma vie. J’avais 19 ans et je suis entrée dans le milieu par la porte de la soumission, parce que c’est ce qui me semblait le plus naturel. J’y avais été éduquée, c’était ce qu’on me montrait dans les pornos, je n’imaginais pas qu’il puisse en être autrement.

En fréquentant les clubs et des événements, j’ai peu à peu renversé ce rapport de domination pour prendre le dessus. De plus en plus ancrée dans la scène BDSM, j’ai commencé à me faire un nom sur les réseaux sociaux, et il n’était pas rare que des hommes rencontrés en club demandent à me revoir à l’extérieur. J’ai sauté le pas un peu plus tard, alors que j’étais vendeuse dans un love store. Je n’avais pas d’économies de côté, alors j’ai donné rendez-vous à mes premiers clients pour des séances de domination tarifées.

Crédit : Nicolas Guy
Crédit : Nicolas Guy
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« ON NE VIENT PAS ME VOIR MOI, MAIS MONA SUCCUBE »

Je connaissais déjà de nombreuses pratiques du fait de mon expérience, mais ça a été assez stressant au départ. Je tâtonnais et surtout, je ne me sentais pas légitime de demander de l’argent. La tenue aide beaucoup à endosser le rôle de domina et à performer dans le personnage que je me suis créé : mes clients ne viennent pas me voir moi, mais Mona Succube. J’ai désormais tout un panel de pratiques assez diversifiées, comme les claques ou le fouet, mais les trois quarts des demandes que j’ai relèvent du pegging, qui consiste à pénétrer les soumis – puisqu’il s’agit presque exclusivement d’hommes – à l’aide d’un gode-ceinture.

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La plupart d’entre eux viennent pour ce que j’appelle du SM soft, et les personnes vraiment masochistes sont finalement assez rares. Avec ceux qui veulent du plus hard, on met toujours en place un safe word en début de séance pour aller plus loin et tout stopper si la personne en ressent le besoin. Je les pénètre, les masturbe ou joue avec leurs parties intimes, mais je ne suis personnellement jamais nue et je ne mets jamais mon corps en jeu. Chaque domina pose ses propres limites, et c’est ce dont j’ai besoin pour séparer ma vie professionnelle de ma vie intime puisque je vis aussi le BDSM dans ma vie privée.

« IL Y A DE NOMBREUSES SÉANCES DONT JE RESSORS BOULEVERSÉE »

Il reste encore énormément de choses à renverser dans le BDSM. C’est un milieu encore très patriarcal, même si ça tend à être plus queer et inclusif, notamment dans le sex positif. Je suis consciente qu’il y a quelque chose de dichotomique lorsqu’en tant que féministe, je me retrouve à dominer des mecs de 40 ans, mariés et qui viennent tromper leur femme, mais au-delà de ça, mon travail me passionne et m’apporte énormément.

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J’ai toujours été dans l’accompagnement et je suis contente de tendre la main à ces hommes, leur faire du bien me fait du bien à moi aussi. Je fais de vraies belles rencontres, et il y a de nombreuses séances dont je ressors aussi bouleversée que mes clients. Pour moi qui suis politisée, féministe et qui tient en aversion plein de comportements problématiques, voir ces hommes de temps en temps me fait du bien. Ils me permettent de poser les pieds sur terre et de m’échapper, l’espace d’un moment, d’un milieu militant dans lequel il arrive qu’on ait des débats assez virulents.

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Incarner Mona Succube me procure un sentiment de puissance, il y a quelque chose qui diffère par rapport aux autres métiers du sexe. Quand j’ai fait mon coming out sur mon travail à mes parents, le fait que je domine a beaucoup joué dans la façon dont ils ont reçu la nouvelle. Ce n’est pas moi qui me fait baiser, mais moi qui baise les autres. Il y a quelque chose de vraiment puissant là-dedans.

Propos recueillis par Pauline Allione.