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Comment j’ai repris des études à 31 ans

Je ne suis pas folle, vous savez.

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« Quoi, tu vas lâcher un CDI ? » ; « Et ta retraite, t’y as pensé ? » ; « C’est courageux, dis donc… » (d’un air dubitatif). Voilà un panel de réactions de proches à l’annonce de ma reprise d’études, en septembre dernier. Super encourageant, vous en conviendrez.

Oui, il y a six mois, j’ai décidé de quitter mon job de journaliste en presse locale, mon appart confortable avec vue sur la cathédrale (de Beauvais, mais c’est toujours ça), des amis et une vie sur des rails pour revenir dans ma ville natale, Quimper, reprendre un master tourisme littoral.

Mais qu’est-ce qui m’a pris, 10 ans après avoir arrêté les études, me direz-vous ? Pour tout comprendre, il faut revenir quelques années en arrière.

A la base, j’ai toujours voulu être journaliste. Depuis le collège, je ne pensais qu’à ça. Etrange, quand on sait que je ne viens pas d’un milieu de journalistes et que je n’en connaissais aucun. Pendant ma licence d’histoire, j’ai fait un stage dans le journal de ma ville, puis un autre, jusqu’à finir en contrat de professionnalisation là-bas pendant deux ans. Franchement, j’avais l’impression d’avoir trouvé « ma » voie, l’unique.

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Après moult CDD, j’ai atterri, au hasard d’un CV envoyé, en Picardie. L’aventure ne devait durer que trois mois mais a fini par occuper trois ans et demi de mon existence. Finalement, contre tout attente, c’était plutôt agréable. Mieux que de me faire exploiter par des boîtes sans scrupule, comme ça avait été le cas auparavant. Mieux, aussi, que de rester empêtrée dans les problèmes que j’avais laissés en Bretagne. Mettre de la distance m’a permis de prendre l’air et surtout, de prendre soin de moi (big up, d’ailleurs, à ma formidable psy picarde).

Le déclic en Inde (so cliché)

Malgré tout, plus le temps passait, plus les questions venaient à moi. « N’aurais-je pas pu faire mieux et aller plus loin dans mes études ? » ; « Finalement, j’ai envie de vivre en Bretagne, chez moi, au bord de la mer » ; « Et si je rencontre un mec ici, je serai coincée là toute ma vie ? Oh non ».

En parallèle, à ce moment-là, au travail, tout n’était pas rose. Entre la défiance énorme du public vis-à-vis de la presse qui me blessait terriblement, les difficultés financières rencontrées par les journaux et des problèmes de gestion et d’organisation où je travaillais, je saturais.

L’open space, les collègues que tu n’as pas choisis, le boulot un week-end sur deux. Tout cela, j’en avais marre. Pire, je finissais par connaître par cœur mon taf et m’y ennuyer, par manque de stimulations intellectuelles.

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Un voyage d’un mois en Inde m’a remis les idées en place (oui, c’est super cliché). Il fallait bouger. Et comme me l’avait dit le médecin ayurvédique rencontré à Rishikesh, je suis quelqu’un qui « suit mes propres règles et n’écoute que mon cœur ». Cette petite phrase m’a servi de déclic.

En écoutant mon cœur, il a bien fallu me rendre à l’évidence : cette vie-là n’était plus pour moi, même s’il elle m’avait apportée bien des joies à certains moments. L’open space, les collègues que tu n’as pas choisis, le boulot un week-end sur deux. Tout cela, j’en avais marre. Pire, je finissais par connaître par cœur mon taf et m’y ennuyer, par manque de stimulations intellectuelles.

Donc j’ai réfléchi. Que puis-je faire comme études ? Les sciences sociales ont toujours été une évidence. Et jeune, j’avais eu des expériences dans le tourisme l’été. Mon choix s’est donc penché sur un master de tourisme littoral, qui venait juste d’ouvrir dans ma ville. Y’a-t-il des hasards dans la vie ? Un dossier et un entretien plus tard, me voilà acceptée.

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Filtres snapchat et sorties en boîte

La machine était lancée. Quand tu changes de vie, il faut savoir une chose : personne ne t’encourage. Tes collègues te dissuadent de quitter un boulot bien payé, ta famille projette ses propres angoisses sur toi et ton conseiller en reprise d’études du Fongécif (l’organisme qui est censé financer les formations) ne te conseille rien d’autre que de rester là où tu es. Il ne faudrait pas que tu coûtes trop cher à la société. Il faut donc faire seul.e, surtout si tu es célibataire.

Quand tu changes de vie, il faut savoir une chose : personne ne t’encourage.

Le plus agaçant, c’est que chacun essaye de trouver une explication à ce revirement censé être « anormal ». « C’est parce qu’elle n’a pas eu de CDI dans tel journal » (un ancien collègue dudit journal) ; « De toute façon, ça a toujours été une intello » (la grand-mère) ; « Reprendre les études, tu te fais pas chier. Ça va te faire une pause de bosser seulement quinze heures la semaine » (beaucoup de gens).

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Têtue comme je suis, j’ai avancé et trouvé mes solutions. Malgré un financement refusé, la fac m’a quand même acceptée. J’ai « payé » avec mon compte CPF (compte personnel de formation). Le pôle emploi a bien voulu me suivre, en m’indemnisant pendant la formation. La France, c’est quand même cool pour ça. Et mon gentil tonton Christophe a débarqué un bon matin d’août, dans un camion de déménagement immatriculé 29 devant mon appartement beauvaisien. En deux heures, tout était dedans. Bye bye Beauvais.

Le jour de la rentrée, je faisais moins la maligne. Qu’est-ce que je faisais là, entourée de jeunes de 23 ans pour la plupart ? En 10 ans, la fac a bien changé. Exit les notes prises sur nos feuilles grands carreaux, tout le monde vient avec son ordi. Et puis maintenant, les études, c’est beaucoup de contrôles continus. Exposés, dossiers à rendre en groupe, oraux, il y a en a tout le temps ! Redevenir étudiante m’a aussi forcée à changer de position. Je ne suis plus la journaliste locale qui fait partie de la petite bourgeoisie de province. Je suis regardée comme les autres étudiantes par les profs. Forcément, ça force à se remettre en question.

Fréquenter des « jeunes » me permet de me mettre à jour sur plein de choses. J’ai découvert les filtres snapchat, les façons de draguer sur Tinder et des nouveaux mots (T’es trop mim’s tu sais ?). Je me suis même fait trainer en boîte et en soirée étudiante. Quand on me connaît, un miracle. Bref, j’ai perdu 10 ans en six mois !

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Bien sûr, c’est beaucoup de boulot mais aussi de grandes satisfactions. Quand tu reprends des études à 31 ans, tu as l’avantage de la maturité. Ton expérience professionnelle te donne un autre regard sur les cours. Et puis franchement, apprendre de nouvelles choses quand tu stagnes depuis cinq ans dans ta carrière, c’est vraiment super agréable. J’ai enfin l’impression de progresser. Et quand je dis ça, je ne parle pas que des cours. Fréquenter des « jeunes » me permet de me mettre à jour sur plein de choses. J’ai découvert les filtres snapchat, les façons de draguer sur Tinder et des nouveaux mots (T’es trop mim’s tu sais ?). Je me suis même fait trainer en boîte et en soirée étudiante. Quand on me connaît, un miracle. Bref, j’ai perdu 10 ans en six mois !

Mon regard de « vieille » me fait aussi réaliser la difficulté d’être étudiant dans ce monde de brutes. On s’imagine que tout est facile quand on a 20 ans. Mais en fait non. Entre la pression des parents, de la société, la crainte de l’avenir et le manque d’argent, ils ont de quoi stresser les pauvres. Je me dis que si je deviens maman un jour, j’aiderais mes enfants quoi qu’il arrive.

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A quelques semaines de mon stage de fin d’année, je ne regrette absolument pas mon choix. Sortir de ma zone de confort a été la meilleure décision de ma vie. Et finalement, me voir épanouie a convaincu mes proches que j’avais pris la bonne direction. La morale de l’histoire, c’est que rien n’est impossible quand on en a vraiment envie. Alors, vous attendez quoi pour tenter l’expérience ?