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Comment j’ai dé-québécisé des textes d’URBANIA pour la France

Mes plus plates excuses. «Plates», au sens français du terme.

Par
Daisy Le Corre
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Si, un jour, on m’avait dit que j’allais vivre au Québec, trouver la perle rare, parler franglais, fonder une famille, prendre un avocat, me passer de la mer (et de ma mère, un peu), etc. j’y aurais sûrement cru. Oui parce qu’on mérite tous de vivre au Canada, de s’en donner les moyens et d’en profiter comme je le fais! Mais si on m’avait dit que j’allais travailler chez URBANIA («tu veux dire, ce média de ouf que je lis en cachette dans les toilettes du groupe L’Express-Roularta?») et que la première partie de mon mandat allait consister à souiller mes textes préférés à l’aide de mon «français de France»: j’aurais crié au scandale. Pourtant, c’est ce que je fais tous les jours et on me paie pour ça. Sorry not sorry.

Comment je m’y prends? D’abord, je choisis soigneusement les textes que je vais lire, relire, savourer et enfin souiller. «Mais ne dis pas que tu souilles ou que tu détériores les textes, dis juste que tu les adaptes! » Non Lucie (notre stratège from Paris elle aussi): les gens doivent savoir que je sabote tout ce qui m’a fait tomber en amour avec URBANIA quand je m’ennuyais dans les couloirs de certaines grosses rédactions parisiennes. Pas de fake news ici.

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C’est à l’identité d’URBANIA que je m’attaque en faisant ça, je sais. Les visuels d’URBANIA qui parlent autant que les textes? Ça je garde, parfois j’en demande des nouveaux. Shout out à Ben et Germain (lui qui a troqué La Canebière pour le Boulevard Saint-Laurent pour le plus grand plaisir de nos pupilles et les vôtres).

Bref, après avoir jeté mon dévolu sur les textes de certains de mes collègues québécois, je mets ma cape de maudite Française, j’essaie d’éviter de croiser leur regard (sauf celui de Corinne qui est littéralement en face de moi, donc je ne touche pas à ses textes), et je change tout ce que le cerveau parisien que j’aurais oublié en France ne serait pas pantoute en mesure de comprendre en lisant un article d’URBANIA à l’heure actuelle (comme pantoute par exemple, «pas du tout»).

Prêt.es?

Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai changé «Allô» par «Coucou», «dîner» par «déjeuner» et «souper» par «dîner», «bibitte» (terme qui fait toujours mourir de rire ma mère) par «bébête», «bobettes» par «sous-vêtements», «prendre une marche» par «aller marcher», «présentement» par «actuellement», «débile» par «incroyable», «avoir la marde au cul» par «avoir le cul bordé de nouilles», «craque de fesses» par «raie des fesses», «niaiseux» par «con», «bullshit» par «conneries», «c’est plate» par «c’est nul», «jokes» par «blagues», «faque» par «du coup», «boutte» par «bout», «gang» par «team», «pas mal» par «presque», «toute est dans toute» par «il n’y a pas de hasard», etc.

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J’avoue avoir pris aussi quelques après-midis pour ajouter «de» entre «pour» et «vrai» dans plus d’un article et je ferme les yeux quand la chronique de Jasmine apparaît sur mon écran (à cause du nom, pas de Jasmine).

Mais je vous mentirais si je vous disais que je dénature tous les textes de mes collègues québécois systématiquement. Il y a une petite voix en moi, plus québécoise que française, qui tient à garder des tournures bien d’ici plus évocatrices que n’importe quel pavé syntaxiquement parfait made in France. Alors, volontairement, je laisse traîner (quand c’est compréhensible) ce qui fait et ce qui fera toujours la pâte d’URBANIA: un média francophone d’Amérique du Nord, avec son vocabulaire, ses lignes conductrices et ses angles avant-gardistes.

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Pour (de) vrai, je prends un malin plaisir à lisser les textes de mes collaborateurs et à les dé-québéciser pour la France. Ça me permet de fouiner dans des archives improbables d’URBANIA, de retomber sur mes articles préférés (oui j’ai relu le spécial «Lesbiennes» moult fois), d’enquêter sur le potentiel de notre contenu culte, d’apprendre que notre public français (vous qui êtes en train de lire ces lignes) est en manque puisque l’article le plus lu est celui-ci (Google Analytics ne ment pas). Mais SURTOUT, ça me permet d’être enfin dans les coulisses d’une machine fantasmatique qui, du haut de ses 16 ans d’existence, n’a pas pris une ride et a même décidé de profiter de son adolescence pour venir en France. Il était temps.

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