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Comment « affronter la journée » sans cannabis ?

En partenariat avec la ZEP (Zone d’Expression Prioritaire).

Par
La ZEP
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Ce récit provient des ateliers d’écriture animés par les journalistes de la Zone d’Expression Prioritaire (la ZEP), un média qui accompagne l’expression des jeunes pour qu’ils et elles se racontent en témoignant de leur quotidien et de toute l’actualité qui les concerne.

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« On roule un joint ? » ; « Bah ouais. » Je comble cette tristesse cachée, ce vide intérieur, ce manque de sentiments avec cette sensation de relâchement qui me permet d’oublier tout ça. J’inhale ma fumée, en me disant que cela ira mieux juste après. Mais non, tout cela n’est qu’une illusion qui vient cacher ma triste réalité. Bienvenue dans ma vie, une addiction sans fin, que j’essaie de rompre depuis quatre ans.

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J’ai commencé à consommer du cannabis l’année de mes 14 ans. La première fois, c’était pour rigoler avec un garçon. J’ai adoré les effets, je me suis sentie libre, euphorique et en vie. J’étais dans une période de ma vie où je faisais n’importe quoi. La première année, ma consommation n’est restée qu’occasionnelle, je fumais très peu. Puis, les vacances sont passées et j’ai augmenté ma consommation d’un seul coup, en faisant la fête tous les soirs. Et, petit à petit, j’ai pris l’habitude.

Je fumais tous les jours. J’ai passé mes premiers mois de lycée complètement enfumée et à l’ouest de ce qu’il se passait. Le premier trimestre a été difficile : suivre un cours de deux heures sur les dérivés en mathématiques avec les effets du THC qui te font écrire en zigzag, ça ne va pas de paire. J’arrivais quand même à m’en sortir car je ne fumais pas le soir, pour ne pas mettre le doute à mes parents. Le travail que je ne faisais pas en cours, je le faisais le soir, dans ma chambre.

Je ne contrôle plus rien, c’est la drogue qui me contrôle

Trois ans plus tard, je suis en terminale et ma consommation est toujours aussi présente. J’avais arrêté pendant environ un an après avoir fait un gros bad trip, pour pouvoir me reprendre en main et être plus productive dans mes actions. Mais j’ai replongé l’année dernière, en me disant à une soirée : « Vas-y, ça ne te fera pas de mal. » Le manque était trop fort, j’ai cédé à la tentation.

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Je dis à mes amis pour les rassurer que je ne suis pas addict. Que je contrôle la quantité de ce que je fume. Mais à vrai dire, je ne contrôle plus rien, c’est la drogue qui me contrôle. L’année est dure et la seule option que j’ai trouvée pour lâcher prise, c’est d’augmenter ma consommation. De base, je me limitais seulement aux fêtes, puis aux weekends et, maintenant, c’est dès que j’ai du temps libre.

Bien sûr, tout cela a un prix, et même un gros prix. On peut se fournir toutes les doses possibles pour le prix qu’on veut, la vente commençant à 10 euros. Avant, j’achetais pour 20 ou 30 euros à peu près une fois par mois, parfois deux. Je ne sais pas à combien de grammes cela correspond, mais je sais qu’avec 20 euros, vous pouvez vous faire au minimum sept joints.

Avec le temps, j’ai appris à savoir où acheter et à qui, car vous pouvez très vite vous faire arnaquer dans ce milieu. Surtout si vous n’êtes pas très menaçant, comme moi, les vendeurs en profiteront. Pour payer tout ça, je prends parfois sur l’argent de poche que me donnent mes parents, mais cela me fait beaucoup culpabiliser. Alors dès que j’ai pu, j’ai commencé à travailler en tant que serveuse.

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Je sais que je me ruine la santé, mais j’ai longtemps considéré ça comme un mal pour un bien. Certes, cela me détruit de l’intérieur mais, d’un autre côté, cela me soigne de tous mes malheurs.

Une addiction liée à la pression

Je ne suis d’ailleurs pas la seule. En observant autour de moi, j’ai remarqué que cette année scolaire, même à la pause du matin, certaines personnes sortent fumer un joint pour « affronter la journée ». Je pense que la pression du Covid pèse beaucoup sur les lycéens ces derniers temps. Le stress des notes, de l’annulation ou du maintien du bac, du contrôle continu… Tout cela venant se rajouter à la pression habituelle des parents, de l’école et des problèmes personnels. Beaucoup de monde cherche une échappatoire et se réfugie dans cette drogue.

Elle est peut-être illégale mais, à chaque coin de rue, je vois la fumée épaisse de quelqu’un qui la consomme. Personne n’est vraiment là pour nous dire d’arrêter, tout le monde s’en fiche un peu même. J’ai beau être dans un lycée privée catholique, si j’arrive avec les yeux rouges en cours, les profs feront comme si de rien n’était.

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Il y a deux mois, j’ai décidé une nouvelle fois de reprendre le contrôle et d’arrêter de fumer pendant les cours et en dehors des fêtes. Et comme vous le voyez, ce n’est pas un arrêt direct, car je suis tout simplement addict à cette drogue.

Mia, 17 ans, lycéenne, Lyon.