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Collectif étudiantes inter IEP : « La culture du silence est la clé de voûte des violences sexistes et sexuelles »

#SciencesPorcs : les étudiantes des Instituts d'Études Politiques prennent la parole.

Par
Collectif étudiantes inter IEP
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Nous nous exprimons pour signifier combien la violence sur nos corps est présente même dans nos prétendues formations « d’élites », et que cette violence n’est pas suffisamment condamnée, au regard du mal qu’elle cause. D’après Madame la Ministre Frédérique Vidal, les directions de nos établissements sont ébahies de la déferlante de témoignages. Quelle hypocrisie : la violence, l’abus, et les agressions n’ont jamais épargné et n’épargnent pas nos écoles. Ce n’est pas un phénomène nouveau et aucune direction ne peut prétendre qu’elle n’était pas au courant. Si vous en doutiez encore, nous vous invitons à regarder le compte Instagram d’Anna Toumazoff, le nombre de témoignages suffit à montrer l’ampleur du problème.

Il est temps aujourd’hui de laisser les victimes parler pour elles, pour les silencieux.ses, pour toutes celles et ceux à qui l’on peut éviter de subir ce que nous avons subi. C’est aussi une façon de signaler aux différentes administrations et directions qu’elles ont échouée à nous écouter, à nous accompagner et à nous protéger. Il est temps que chaque IEP reconnaisse les problèmes qui lui sont inhérents, et pour cela, il est nécessaire que les instituts arrêtent de remettre en cause constamment les paroles et les vécus de toutes celles et ceux qui témoignent.

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Nous sommes conscientes que les violences sexistes et sexuelles découlent du patriarcat et de la domination masculine, mais certains mécanismes propres aux grandes écoles les cristallisent dans nos IEP. Un esprit corporatif et bourgeois conséquent, des boys clubs qui perdurent, des rituels d’intégration souvent misogynes ou sexistes, voici comment se construit la culture du viol dès le début de notre scolarité.

Une culture du viol qui ne cesse jamais, tant les commentaires à propos des personnes sexisées et de leur sexualité prospèrent et que la solidarité masculine entre agresseurs perdure. Une culture du viol qui est à son paroxysme lors du célèbre Crit ou du MiniCrit (compétitions inter-IEP), ou encore des différentes soirées organisées par les écoles.

Afin que la parole se libère réellement, il faut mettre fin à l’omerta et à cette culture du silence qui est la clé de voûte des violences sexistes et sexuelles de chaque IEP. Cette culture du silence est mise en place par les agresseurs, par les boys club et de manière générale, par tous ceux qui profitent de la culture du viol dans les IEP, et qui s’en accommodent bien trop facilement. L’omerta s’abat comme une chape de plomb sur chaque victime et sur chaque étudiant.e, isolant les victimes et protégeant les coupables.

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Évoquer ce silence est, en ce sens, essentiel pour comprendre comment ces violences se perpétuent et quels travers gangrènent les IEP.

Pourquoi les viols, les agressions et le harcèlement s’arrêteraient, si les coupables ne sont jamais impactés ? S’ils restent bien en place sur les bancs des écoles, à la tête des associations, au sein des équipes et des bandes d’ami.e.s pour ensuite arriver à la tête de grandes entreprises et de Ministères ? Si nos administrations, lorsqu’on les contacte, nous disent ne rien pouvoir faire ? Pour certain.e.s, afin que la situation change, il faut que les victimes portent plainte. Or, quand seuls 1% des viols sont condamnés en France, et que la parole des victimes est constamment remise en cause, comment blâmer celles et ceux qui décident de ne pas porter plainte ? Pointer du doigt l’absence de plaintes comme si le système judiciaire était une solution efficace revient à occulter une partie du problème réel.

Il est temps que chaque IEP éduque ses étudiant.e.s aux discriminations et aux violences sexistes et sexuelles. Ce n’est pas une simple vidéo de prévention ou un discours en début d’année qui fera changer les mentalités. S’il leur est trop complexe de gérer toutes ces souffrances, autant faire en sorte qu’elles n’arrivent plus jamais. Il est temps que les « cellules d’écoute » de certains IEP soient effectives et que les chargés de mission égalité de genre et anti-discriminations soient à la hauteur de la tâche qui leur incombe. Il est temps que chaque acteur de la vie étudiante dans ces instituts prenne conscience que leur comportement et leurs actions peuvent blesser et impacter la santé mentale d’autrui. Et surtout que chacun se rappelle qu’appartenir à la « Famille Sciences Po » n’est pas un privilège dispensant de rendre des comptes quand on commet un crime pénalement répréhensible.

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Nous demandons ainsi, toutes ensemble, issues de différents IEP, que l’impunité des agresseurs, des harceleurs et des violeurs cesse, pour qu’enfin l’administration tienne ses objectifs de garantir un lieu d’études sécurisant et sain. Nous demandons des moyens d’action concrets et véritablement efficaces au sein de nos établissements au lieu de ces demi-mesures artificielles prises pour rétablir la réputation des IEP à chaque fois qu’un scandale éclate.

Nous ne cesserons de le demander, afin que chaque futur.e étudiant.e rejoigne un campus dans lequel iel pourra évoluer sans subir des actes et des violences intolérables. Nous, jeunes femmes, étudiantes, et malheureusement victimes, nous tenons à dire à tout.e.s les étudiant.e.s que nous vous croyons, que nous vous écoutons, et que vous ne serez plus seul.e.s à devoir vivre avec ce qui vous est arrivé .