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Christopher Nolan ou le plaisir de regarder un film deux fois

Au coeur de l'oeuvre du réalisateur le plus aimé d'Hollywood. Après Denis Villeneuve, bien sûr.

Par
Benoît Lelièvre
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Comme plusieurs, je suis allé voir le nouveau film de Christopher Nolan Tenet et comme plusieurs, j’ai pas compris grand-chose.

Si ça vous arrivait aussi, il ne faut pas trop vous en vouloir. Cet ambitieux long métrage balance ÉNORMÉMENT d’information en deux heures et demie, nos yeux, nos émotions et notre cerveau sont constamment sollicités et c’est probablement tout à fait normal de ne pas être capable de digérer tout ça du premier coup.

Si Christopher Nolan est devenu assez populaire pour flamber un budget de 225 millions sur l’équivalent cinématographique de vos cours de trigonométrie de collège, c’est parce que ses films sont à la fois divertissants et intelligents.

Malgré l’ambition et la complexité exponentielle de ses films, ils sont traversés par des idées accessibles, engageantes et ancrées dans l’expérience humaine, qui donnent envie de les écouter deux fois (ou plus si vous êtes un peu foufou comme moi). En voici quelques-unes qui vous aideront à mieux apprécier votre premier visionnement de Tenet. Vous pourrez vous pratiquer à les repérer en regardant Interstellar, Inception, Dunkirk, The Dark Knight et autres classiques disponibles en streaming. C’est gratuit et vous ne risquerez pas de contracter la COVID-19!

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LA perception du temps

Tous les films de Christopher Nolan (ou presque) proposent une relation complexe et problématique au temps. Parfois c’est très évident, comme dans Interstellar où la relativité et le voyage dans le temps vont vieillir le protagoniste Cooper (le toujours magnifique Matthew McConaughey) plus vite que sa fille. Parfois c’est subtil comme dans Dunkirk, un film raconté de manière tronquée comme un souvenir de guerre où certains moments passent plus lentement que d’autres. Parfois c’est juste la perte de sensation dans votre fessier après être resté assis pendant trois heures devant The Dark Knight Rises.

Vous verrez que le rapport au temps de Tenet n’est pas très subtil non plus, même s’il n’est pas incroyablement complexe. La perception du temps a toujours été un outil de storytelling important pour Nolan, parce qu’il varie selon les points de vue. Il passe à une vitesse différente pour tout le monde. Vous êtes-vous déjà immergé dans une tâche sans voir le temps passer? Avez-vous déjà cru attendre 4 heures quelque part pour finalement réaliser qu’il ne s’agissait que de 15 minutes?

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Cette perception subjective est une arme importante dans l’arsenal de Christopher Nolan.

La mémoire

Vous me voyez venir.

Le temps et la mémoire, ça fonctionne ensemble. Le film où c’est le plus évident est bien sûr Memento, le thriller où un protagoniste ayant perdu sa mémoire à court terme enquête sur la mort de sa femme, mais Christopher Nolan traite le sujet de manière beaucoup plus nuancée dans un film comme Inception où Leonardo Di Caprio développe une technologie pour piller les souvenirs des gens à partir de leurs rêves. C’est intéressant parce que Nolan y déconstruit la manière dont l’esprit humain bâtit un souvenir à partir d’événements marquants.

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Demandez aux membres de votre entourage où ils étaient le 11 septembre 2001, chacun vous racontera une histoire différente avec un niveau de détails différents. C’est un aspect de l’esprit humain qui fascine Nolan et qu’on retrouve partout dans ses films, mais plus explicitement dans son vieux matériel comme Memento ou Following. C’est aussi un thème très important de Tenet, mais utilisé de manière beaucoup plus subtile.

Les clichés des films de genre

Ça, c’est vraiment le truc le plus cool à propos des films de Christopher Nolan.

Ils sont présentés dans des formats qui nous sont familiers, mais ils déconstruisent systématiquement les idées que les films de genre véhiculent. L’exemple le plus frappant est son chef d’oeuvre The Dark Knight, qui a redéfini les règles des adaptations de Batman au grand écran. Nolan y juge la violence du justicier masqué et la violence en apparence aléatoire du Joker sur un pied d’égalité. Les deux personnages se détruisent pour un «bien commun» très théorique, remettant en question la vision du monde morale des films de super héros.

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Un autre bon exemple est la fin de Dunkirk (spoiler pour un film vieux de 4 ans, I guess), où le sauvetage de centaines de soldats repose sur le sacrifice d’un seul homme dont on ignore le destin. Pas de belle fin heureuse. Pas d’amants qui se retrouvent sur un fond de musique romantique. Juste une fin inconfortable.

C’est simple, lorsque vous croyez repérer un cliché de genre dans un film de Christopher Nolan (et Tenet déborde de clichés de films d’espionnage), ne vous y accrochez pas trop parce que vous ne le verrez plus jamais de la même manière. Certains trouvent ça prétentieux d’aller à contre-courant comme ça, mais à mon avis c’est important. C’est comme ça que naissent les nouvelles idées. Nos super héros ne seraient pas sombres et tourmentés aujourd’hui si Nolan n’avait pas prouvé que c’était une avenue payante.