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C’est quoi le truc avec le jeu Animal Crossing?
Il y a de fortes chances que, quelque part à travers vos (trop) nombreuses heures d’internet de confinement, vous ayez vu passer des images du jeu Animal Crossing: New Horizons. Si vous n’êtes pas déjà converti à cette populaire série de jeux vidéo, ces petits villages estuaires colorés et peuplés d’animaux très kawaii vous ont sans doute laissé dubitatif. Rassurez-vous, vous êtes au bon endroit pour comprendre ce phénomène virtuel mondial. Prenez place à bord de notre vol Dodo Airlines (la compagnie aérienne du jeu), on décolle!
Tous souverains au royaume animal
Animal Crossing est une série de jeux Nintendo lancée en 2001 sur la console GameCube. Expérience similaire à ce qu’on peut observer du côté des Sims, la série propose une simulation de vie sociale, à la différence où elle met en scène des animaux à l’apparence humanoïde et repose sur un passage du temps réel. Animal Crossing: New Horizon, cinquième itération de la série, a été lancée le 20 mars dernier sur la Nintendo Switch. Et la Terre en a tremblé.
En phase avec les autres titres de la série, le joueur y personnifie un habitant humain qu’il peut créer à son image et qui doit mener le développement d’une petite communauté bucolique où vivent toutes sortes de personnages animaliers tous très mignons et possédant une personnalité distincte.
Outre la pêche, la chasse aux insectes et la recherche de fossiles, le jeu est parsemé de petites tâches, missions et défis journaliers peu compliqués. Pas de grande quête, de monde à sauver ou d’ultime vilain à vaincre.
Outre la pêche, la chasse aux insectes et la recherche de fossiles, le jeu est parsemé de petites tâches, missions et défis journaliers peu compliqués. Pas de grande quête, de monde à sauver ou d’ultime vilain à vaincre. Le but principal, c’est plutôt d’entretenir des relations amicales tout en tentant de faire le plus d’argent possible et de collecter un maximum de meubles, d’accessoires, de vêtements et d’objets variés pour votre personnage, votre île et votre maison (le rêve de tout influenceur?). La personnalisation est d’ailleurs une dimension fondamentale du jeu, permettant aux joueurs d’y exprimer toute leur créativité et de créer un environnement abouti qui leur ressemble. Que ceux qui peinent à agencer leur salon ou à cultiver un jardin zen soient rassurés : ils peuvent compter sur plusieurs ressources utiles en ligne, comme des versions importables de toiles célèbres de grands musées ou des conseils personnalisés de Bobby Ber, le décorateur intérieur de Queer Eye. Zhuzh!
En résulte donc un jeu volontairement lent, imaginé pour être consommé au quotidien, à petite dose. Et le 20 mars dernier, alors qu’une immense partie de la population entamait un confinement généralisé, inutile de vous dire que ce genre de proposition a littéralement été reçu comme un cadeau du ciel.
Un remède de cheval contre le Covid-19
Si le jeu en soi est une proposition se démarquant déjà dans le répertoire de la Switch et un titre très accessible pour les joueurs néophytes, le timing exceptionnel de sa sortie relève sincèrement de l’extraordinaire. Au moment où le plus modeste des rapports sociaux est à chérir et que le temps libre est une ressource plus accessible que jamais, Animal Crossing s’est rapidement imposé comme l’échappatoire idéale à la crise du COVID-19. En plus de trôner au sommet des palmarès de ventes de jeux vidéo (toutes plateformes confondues) depuis le début du confinement, ses 13,4M de copies écoulées en 6 semaines en ont fait le titre ayant connu le meilleur lancement dans l’histoire de la Switch, entraînant même des ruptures de stock de la console partout dans le monde.
L’absence complète de violence et l’esprit bon enfant des personnages qu’on y côtoie en font un véritable refuge de bien-être psychologique. La répétition des mécaniques de jeu quotidiennes (cultiver son jardin, saluer ses voisins, aller au magasin, etc.) reproduit également un microcosme qui permet aux joueurs d’émuler cette vie en société qui nous fait cruellement défaut en ce moment.
Ce succès s’explique facilement. Alors que chaque nouvelle journée apporte son lot d’incertitudes et qu’une grande partie de la population est aux prises avec des symptômes de trouble de stress post-traumatique, l’expérience de slow gaming qu’offre Animal Crossing est un baume contre l’immense charge de stress et d’anxiété qui sévit actuellement partout dans le monde. L’absence complète de violence et l’esprit bon enfant des personnages qu’on y côtoie en font un véritable refuge de bien-être psychologique. La répétition des mécaniques de jeu quotidiennes (cultiver son jardin, saluer ses voisins, aller au magasin, etc.) reproduit également un microcosme qui permet aux joueurs d’émuler cette vie en société qui nous fait cruellement défaut en ce moment. Il faut également considérer l’esthétique et la musique du jeu, qui confèrent un rythme méditatif à l’ensemble, offrant une chance réelle de décrocher de l’effervescence pandémique. En d’autres mots, c’est pas mal plus reposant que de binge watcher Tiger King ou The Last Dance.
Mais ce qui est vraiment déterminant dans le succès d’Animal Crossing, c’est le fort esprit de communauté qu’il engendre. On peut bien sûr penser à la manière dont les scènes prennent vie à travers d’innombrable GIFs et mèmes partagés sur le web, mais ce sont surtout les liens qu’il tisse entre les joueurs qui en fait un jeu dans une classe à part. Ici, contrairement à vos prochaines vacances au Maroc que vous avez dû annuler à cause de la crise, les avions volent tous les jours et peuvent vous emmener visiter l’île de vos amis via le mode multijoueurs en ligne. Le jeu devient donc également une plateforme d’échange social où on peut passer – virtuellement – du temps avec ses amis ou faire des rencontres. Si certains ont fait preuve de créativité pour y organiser un rendez-vous galant, d’autres ont même choisi d’y rassembler leurs proches pour se marier. What a wonderful time to be alive!
La loi de la jungle
Outre le fait de vendre au magasin général tout ce qu’on récolte en extra sur l’île en échange de clochettes (la devise du jeu), Animal Crossing propose deux moyens de faire croître ses profits : l’épargne et la bourse.
Évidemment, ce paradis terrestre comporte des failles et, comme dans la vraie vie, sa part d’ombre repose sur le capitalisme. On l’a dit plus tôt, le but du jeu est de développer une île vierge. De construire tranquillement de nouvelles infrastructures et de bonifier peu à peu les installations pour y améliorer la qualité de vie des résidents. Outre le fait de vendre au magasin général tout ce qu’on récolte en extra sur l’île en échange de clochettes (la devise du jeu), Animal Crossing propose deux moyens de faire croître ses profits : l’épargne et la bourse. Si le premier est un système assez conventionnel (et très formateur pour les jeunes joueurs) où de l’intérêt est appliqué mensuellement sur l’argent qu’on dépose au guichet local, le second est un peu plus difficile à avaler. Chaque dimanche, une vendeuse de navets (oui oui, des navets) passe sur l’île et vend ses légumes à un prix aléatoire généralement assez bas. Au courant de la semaine suivante, le prix auquel le magasin général vous rachète ces navets fluctue de manière imprévisible, comme à la bourse. Vous pouvez choisir de vendre avec une petite marge de profit, ou d’attendre au lendemain pour voir si le prix est plus avantageux. Mais attention, cela peut s’avérer risqué puisque le dimanche suivant, vos navets seront pourris et vous serez incapable de les vendre.
Jusqu’ici, ça va. Comme le système d’épargne, il s’agit d’une belle introduction aux principes de la bourse. Le problème, c’est que des joueurs ont trouvé un moyen de profiter du système. Comment? En créant un réseau de revente parallèle : Turnip Exchange. En gros, des joueurs qui observent un prix de revente très avantageux (entre 3 et 5 fois le prix) dans leurs magasins locaux proposent aux autres joueurs de les accueillir sur leurs îles pour qu’ils puissent y revendre leurs navets, moyennant des dédommagements substantiels. La popularité de la manoeuvre a aussitôt explosé, permettant à plusieurs joueurs de s’enrichir et de développer à vitesse grand V leurs îles, faisant passer ceux qui y jouent normalement comme des villageois sans ambition. Et comme de fait, le genre de petite égratignure sur l’estime de soi qu’on peut ressentir en se comparant aux autres dans la vraie vie a commencé à apparaître dans le jeu. Je ne suis plus seulement incapable de m’acheter un appart’ IRL, mon île virtuelle ressemble à un village reculé d’Ukraine comparée à celle d’autres, qui font littéralement pousser de l’argent dans les arbres. Misère…
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Le visage du capitalisme crasse.
Apprivoiser toutes les possibilités
Malgré ces bémols, Animal Crossing est un jeu qui vaut assurément le coup. Même si l’île où se développe votre communauté peut sembler plutôt petite au premier coup d’oeil, chaque recoin représente un riche terreau pour votre créativité et ne demande qu’à être exploré. C’est un jeu évolutif, qui se bonifie au fil des semaines et des mises à jour thématiques concoctées par Nintendo. Un safe space qu’on peut visiter quotidiennement pour relâcher un peu de pression ou simplement lutter contre la solitude. Et en dépit de ceux qui tentent d’y instaurer les exigences d’une croissance économique dissonante, la communauté entourant le jeu est l’une des plus agréables dans l’univers du jeu vidéo. Et c’est une destination accueillante et rassembleuse.
Si le retour à une vie normale semble encore un concept abstrait, force est d’admettre que cette pause imposée constitue un excellent moment pour s’initier au jeu vidéo. En ce sens, Animal Crossing est non seulement le titre parfait pour une première incursion dans ce médium, c’est aussi le remède idéal au confinement.
Beaucoup de souvenirs nous viendront en tête lorsqu’on repensera au printemps 2020. Mais à travers la maladie, l’angoisse et l’incertitude, il y aura une place au soleil dans l’Histoire pour Animal Crossing. À vous de décider si vous souhaitez en faire partie.