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Ces mots qui n’ont rien à voir et qui ont la même racine

Immersion au coeur des étymologies communes les plus cheloues.

Par
Louise Pierga
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Amis de la langue française, compatriotes de l’étymologie désopilante, camarluches de la cocasserie linguistique, bien le bonjour ! “Bonjour” ? Une salutation qui pourrait avoir des résonances religieuses si on l’ausculte de plus près puisque “jour” vient du latin “diurnum”, synonyme de “dies” qui exprime aussi la clarté (un sens qui est d’ailleurs resté avec des expressions comme “abat-jour”), d’où sa racine proche de celle de Dieu, mais dont on ne trouve plus trop de trace dans la langue aujourd’hui en dehors de “midi” (la moitié du jour) et dans les jours de la semaine “lundi”, “mardi’ etc.

Et voilà, à peine un “bonjour” lâché qu’on se trouve aspiré dans le vortex étymologique du fantôme d’Alain Rey. Cet incontournable linguiste du Robert qui expliquait à juste titre que “Les mots sont des accumulateurs d’énergie”. Et pour cela, rien de tel que d’explorer les mouvements de leur étymologie – attention préparez-vous pour un salto céphalique : l’étymologie de “étymologie” nous donne son sens ultime : science de la vérité. Il y a mille façons de s’immerger dans ce colimaçon linguistique mais aujourd’hui, on va plutôt s’emparer des mots très éloignés de sens qui partagent pourtant la même étymologie. Sortes de cousins au sixième degré (genre ceux qui sont même pas invités aux mariages ni même aux cousinades).

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Les Slaves : des esclaves qui vont se faire voir chez les Grecs

Accrochez-vous bien à votre slip parce qu’il y a plusieurs hypothèses sur cette origine commune entre “slave” et “esclave”. Notons d’abord, que les deux mots trouvent leur origine dans le latin médiéval “sclavus”. Il se pourrait alors qu’à un moment on ait confondu “sclavus” avec un autre mot dérivé du russe : “slava” qui voulait dire “gloire”. Pas tout à fait étonnant puisqu’au VIe siècle, les Slaves occupaient l’Europe orientale et avaient toutes les raisons de se proclamer “les Glorieux” (comme on peut l’entendre dans le salut national ukrainien “Slava Ukraini !”).

D’autres théories avancent que “slave” vient du vieux russe “slovo” (qui veut dire “mot”) et définirait le peuple slave comme “le peuple qui parle” (sous-entendu : ceux que l’on comprend, par rapport aux autres barbares de l’époque dont on entrave que dalle à leur patois). Une fois débarqués en Grèce au VIe siècle, les “Sloveninu” (oui , oui, vous ne vous trompez pas, ça a tout à fait donné des noms de pays comme Slovaquie ou Slovénie) sont transcrits en grec “sklavênos”, puis “Sklavos”. De là, le mot galopant par monts et par vaux se serait transformé en “sclavus” chez les Latins. Durant le haut Moyen-Age alors que nos glorieux sklavênos furent réduits à l’esclavage, la confusion naît alors entre les deux mots “slavus” et “sclavus” qui se sont créés ainsi malgré eux une origine commune.

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Le calvaire de la calvitie

N’importe quel déplumé du caillou vous dira qu’être chauve c’est pas une partie de plaisir. D’aucuns diraient même que c’est un calvaire, ce n’est pourtant pas là que le sens des deux mots se croise. On l’a quelque peu oublié mais le calvaire était le nom donné à la colline en forme de crâne pelé au nord de Jérusalem où le p’tit Jésus a été crucifié (rien à voir avec la colline du crack). Aujourd’hui le calvaire désigne une épreuve longue et douloureuse, qu’on utilise plus souvent de manière hyperbolique pour désigner un désagrément futile comme dans la phrase “euh pardon, le bus a 3 minutes de retard ??? Mais quel horrible calvaire cette journée”. Pauvre Jésus qui doit se retourner dans sa tombe (ah bah non du coup). En revanche je vous arrête tout de go, les chauves n’ont rien à voir avec le chauvinisme, terme antonomase qui doit son origine à un soldat patriote du nom de Nicolas Chauvin

Du vague à l’âme

“Âme” vient du latin anima puis s’est transformé en langue romane au fil des siècles en aneme, anme, et enfin l’âme que nous connaissons. Mais kézako l’âme (et non pas “kénavo l’âme” comme disent les Bretons) ? “Souffle” en latin, l’étymologie est assez proche de sa cousine grecque “anemo” qui veut dire “air”, attention on ne parle pas de conséquences gastriques malheureuses mais bien du souffle de vie supposément dû à la création divine. Bref, l’âme c’est le principe du vivant si vous voulez. Et aussi spirituel que cela puisse paraître, l’âme s’est insufflée dans nombre d’autres mots comme “animal” puisque les bestiaux sont aussi dotés de ce fameux souffle vital (sauf mon chat peut-être qui pionce actuellement mais a l’air complètement mort). Et vous savez qui d’autres est doté d’une âme (sur le plan étymologique du moins) ? L’anémone. Pas la comédienne (paix à son âme) mais bien la plante marine qui se caractérise par son ouverture au souffle du vent. I âme so shocked, et vous ?

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Pic de chaleur en plein chômage

Si vous voulez être dans les clous du bon sens, la prochaine fois que vous utilisez l’expression “j’ai pas chômé aujourd’hui” attendez au moins qu’on se paye une canicule (“canicule” qui veut dire “petite chienne” en latin par ailleurs mais c’est ce sera pour une autre enquête). Le verbe dont est issu le mot “chômage” (source de tous les maux de la France et du monde à en croire Gabriel Attal) vient du bas latin caumare qui signifie “se reposer pendant un pic de chaleur”. C’est surtout au XIXe siècle que “chômage” prend son sens actuel de “cessation de travailler”

Quand les chiffres jouent à cache cache

Vous avez un ptit coup de barre ? Envie d’aller faire une petite sieste ? C’est normal. On doit sans doute être aux alentours de midi, autrement dit la sixième heure du lever du jour. “Sieste” vient ainsi du latin “sexta (hora)” qui renvoie à cette sixième heure soporifique. Quant au plus vieux du groupe, le doyen, il partage son ADN avec… le chiffre dix. En effet, au début du millénaire, on désigne ainsi le sous-officier en charge de 10 soldats (on l’appelle aussi le “dizenier”). “Doyen” a perdu son lien avec le chiffre pour qualifier davantage une personne ayant autorité par son ancienneté. Et tant qu’on y est à parler de chiffres, parlons du mot “chiffre” lui-même. Vous saviez sans doute qu’il venait de l’arabe “sifr” mais saviez-vous que “sifr” veut tout simplement dire “vide” et par extension “zéro”, un concept dont est dénué le système numérique latin, bouh les nuls.

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Et si vous trouvez ça poétique, vous serez ravis d’apprendre que “rien” désigne à la base “un bien”, “une possession”. Alors la prochaine fois que vous plaignez de ne rien avoir, dites-vous que vous possédez beaucoup plus (sur le plan étymologique quoi. Ouais bon je sais ça remplit pas le frigo, mais faut voir le verre à moitié plein aussi faites un effort).