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Ça vous est déjà arrivé de sortir d’un film et d’être dans un drôle d’état ? Moi oui, souvent, et je vais vous raconter jusqu’à quel point.
Qu’on soit consommateur frénétique de films, ou spectateur occasionnel, le cinéma a ce pouvoir de nous mettre dans tous nos états, jusqu’à rester en nous pendant un bon moment. Qui n’a pas été traumatisé des jours durant, après avoir regardé un film d’horreur ? Qui n’a pas ri aux éclats en ressortant une réplique de comédie plusieurs mois après ? Mais pourquoi les films nous collent à la peau ? Enfin pourquoi certains plus que d’autres ? Et pourquoi ça ne nous lâche jamais ?
Personnellement, j’ai connu pas mal de ces films qui me mettaient dans un état particulier des jours et des années après. Et parfois pour des raisons étranges. Par exemple, en regardant une comédie toute bête réalisée par Billy Crystal, Mr Saturday Night, avec Helen Hunt, je mangeais des Pims à l’orange (ne me jugez pas…). Eh bien, régulièrement, quand je mange ce gâteau aujourd’hui, je retrouve la sensation dans laquelle j’étais en regardant ce film. Je revois la même télévision à écran cathodique 36 cm sur lequel j’ai regardé le film, la pochette de la cassette VHS, les images et la lumière du film. Une sensation étrange et difficile à décrire.
En revanche, il est beaucoup plus facile de comprendre pourquoi Ghostbusters 2 m’a marqué, et pourquoi j’ai encore du mal à le revoir aujourd’hui. Non, ce n’est pas parce qu’il fait peur avec les fantômes présents à l’écran. C’est tout simplement parce que c’est à ce moment-là que j’ai entendu mes parents faire l’amour pour la première fois de ma vie. Leur chambre n’en était pas vraiment une, mais plutôt un salon en prolongation de la salle à manger, fermé par un rideau. Et nous étions en train de regarder le film sur Canal+, avec mon frère et ma sœur, de 8 ans plus âgés que moi. J’ai cru m’en sortir quand, honteux et gênés de cette situation, ils me disent presque en chœur : « Tu veux un verre de lait ? ». Je me suis dit, du haut de mes 6 ou 7 piges : « Mais oui, quelle belle échappatoire ! ». Enfin, pas vraiment, je n’avais pas ce vocabulaire, mais vous m’avez compris. Or, au moment où je vois enfin un moyen d’aller en cuisine pour aller chercher ce verre de lait et ne plus entendre mes parents forniquer, ces deux lâches que sont mon frère et ma sœur me répondent : « Bouge pas, on y va », me laissant encore plus seul face à ces élucubrations.
C’est beaucoup plus guilleret et moins traumatisé que je suis sorti d’une séance de cinéma « grand écran », pour Indiana Jones et La Dernière Croisade. Sortie en famille, avec mon autre frère et les deux traîtres sus-mentionnés qui avaient su retrouver grâce à mes yeux, quelques années après leur méfait. Oui, je pardonne, c’est beau. Car non seulement je chantais à tue-tête le générique, comme n’importe quel enfant, mais je sautais également comme un cabri, nous voyant tous les quatre comme les quatre héros à la fin du film, sous un soleil couchant rouge. Et je revois régulièrement ce film avec plaisir, d’abord parce qu’il est bon, mais aussi pour la cure de jouvence qu’il m’apporte à chaque visionnage.
C’est pour ça que certains revoient en boucle certains « feel good movies » qui les remettent en haut de la pyramide du bonheur.
Mais alors pourquoi la mémoire se traduit-elle par le corps ? Pourquoi on se sent fébriles d’un coup, ou revigorés, quand on mentionne un film, une scène, et l’écho qu’il a dans notre vie ? C’est pour ça que certains revoient en boucle certains « feel good movies » qui les remettent en haut de la pyramide du bonheur. Ou que d’autres prennent plaisir à revoir des films qui mettent mal à l’aise. D’autres nous hypnotisent, comme bien évidemment Requiem For a Dream. D’autres nous hantent parce qu’ils sont des chefs d’œuvre, et qu’on revoit encore et encore certaines scènes dans notre tête parce qu’elles nous ont bluffé. Et d’autres encore, parce que l’histoire tout particulièrement ou le protagoniste principal nous parlent. On se reconnaît. Mieux même : on s’identifie. Et on revoit encore et encore l’intrigue, en ayant l’impression de voir un bout de notre vie, et en essayant de la comprendre. Comme si ça allait nous expliquer pourquoi nous sommes ainsi. Mais bien évidemment, ce n’est pas aussi logique.
Dernièrement, le film qui a le plus provoqué ce sentiment, en discutant avec des amis, ou en lisant les critiques professionnelles et amateurs, c’est Parasite, de Bong Joon-Ho. Ce réalisateur sait créer des films qui collent à la peau : Okja m’a fait arrêter la viande pendant quelques temps, Le Transperceneige m’a empêché de prendre le train quelques semaines. Or, on pourrait se poser la question de savoir pourquoi Parasite parle à tant de monde (Oscars, Palme d’Or et autres prix en sont la preuve) alors qu’il parle d’une famille coréenne dans un quartier typique ? Parce que l’histoire est universelle, parce que tout le monde peut s’y reconnaître, dit son réalisateur quand on lui pose la question. Rares sont les réalisateurs dans le monde à savoir maîtriser cet art de nous faire ressentir chacune de leurs œuvres comme si c’était à la fois leur histoire et la nôtre. Steven Spielberg, bien sûr, en fait partie. Christopher Nolan sait nous troubler.
Mais certaines œuvres m’ont touché, sans pour autant que je sois encore un enfant. Ou presque… L’autre jour, j’ai revu Toy Story 3 que je n’avais pas vu depuis sa sortie au cinéma. Et pour être honnête, je retardais volontairement ce moment où je reverrais le film. Car je me souvenais d’une scène en particulier, qui me faisait ressortir les larmes, rien qu’à l’évoquer : celle ou Woody, Buzz et tous leurs amis sont dans la déchetterie, à quelques mètres de se faire incinérer. Oui, vous voyez de quoi je parle. Et peut-être que vous ressentez la même chose, là, maintenant. Car, quand ils savent leur fin proche, ils ont un dernier réflexe, celui de se prendre tous par la main pour affronter leur destin ensemble. Et bien, ça n’a pas raté, en le revoyant l’autre jour, des larmes ont coulé sur mes joues. De belles larmes, face à cette formidable preuve d’amitié. Je vous rassure, SPOILER, ils s’en sortent au dernier moment.
C’est tout simplement une chose impalpable, mais qui se maîtrise de siècle en siècle depuis bien longtemps : l’art de raconter des histoires.
Mais je me suis posé la question dès le premier visionnage : quel magicien-réalisateur réussit à me faire ressentir des émotions pour… des jouets ? Serait-ce sorcellerie que tout cela ? Non c’est tout simplement une chose impalpable, mais qui se maîtrise de siècle en siècle depuis bien longtemps : l’art de raconter des histoires. C’est ce qui nous rassemble le plus au monde, à travers le cinéma, les séries, les livres, les chansons, les jeux vidéo, et bien d’autres supports encore : « racontez-moi de belles histoires ». Celles que je vis, auxquelles je peux m’identifier, mais aussi celles qui me font découvrir autre chose, quelqu’un que je ne connais pas, et une part de moi que je ne soupçonnais pas.
Vous avez toutes et tous connu ce sentiment, je le sais. Au point d’acheter le DVD du film, « rien que pour l’avoir » et vous souvenir de ce film. Pour le revoir 12 fois, ou pour ne jamais retirer l’emballage plastique mais l’avoir à portée de main, comme un doudou. J’ai une liste longue comme le bras de films qui m’ont marqué, que j’ai vus des millions de fois. Ou au contraire que je ne veux pas revoir, chérissant ou maudissant l’état dans lequel il m’a mis à l’époque. Que j’ai été enfant, adolescent, adulte irresponsable ou posé. Ce n’est pas que la magie du cinéma, ni seulement de la philosophie, ni non plus de la physiologie. Non, c’est un mélange de tout ça, un abstrait, un truc entre nous. Un secret qu’on partage tous, mais qu’on garde pour nous. Dites-moi quels sont les films qui vous ont marqué, et pourquoi. Considérez l’espace « commentaires », comme un livre d’or de vos belles anecdotes. Bref, racontez-moi une belle histoire.